vih Baisse des financements : « Nous devons nous ré-inventer pour nous adapter à la situation »

21.11.25
Hélène Ferrarini
4 min
Visuel Baisse des financements : « Nous devons nous ré-inventer pour nous adapter à la situation »

Martine Kabugubugu est la directrice exécutive de l’ANSS-Santé PLUS, une association centrale et pionnière au Burundi. Créée en 1993, sa file active de plus de 6 000 personnes représente environ 9 % de la file active nationale. Alors que les négociations portant sur la reconstitution du Fonds mondial inquiètent les acteurs de la lutte contre le VIH, elle rappelle que L’ANSS-Santé PLUS a déjà été frappée de plein fouet par les coupes budgétaires américaines.

Transversal : L’ANSS-Santé PLUS a fait face à l’arrêt de plusieurs programmes d’aide américaine : pour quels montants et avec quels impacts concrets sur vos activités ?

Martine Kabugubugu : L’association a été fortement touchée car elle menait deux projets importants financés par les États-Unis : l’un directement par l’USAID et l’autre via l’ONG ICAP Global Health. Le projet USAID couvrait la prévention du VIH au sein des populations clés (HSH, personnes transgenres et usagers de drogues injectables), l’accès aux services de traitement, y compris pour la santé mentale, tout en travaillant à la réduction de la discrimination. Son budget annuel était de 450 000 $ sur l’année fiscale américaine.

Le projet ICAP Global Health visait à assurer la qualité des services de prise en charge des PVVIH en général, la PrEP pour les couples serodiscordants, ainsi que la prise en charge pédiatrique pour le succès de la PTME, sur tous les sites de l’ANSS-Santé PLUS, avec un budget annuel de 200 000 $.

T. : Qu’est-ce que l’ANSS-Santé PLUS ne peut plus faire aujourd’hui ?

M. K. : La coupe budgétaire a entraîné une réduction de 49 % de la masse salariale, soit 56 employés touchés partiellement ou intégralement. Une vingtaine de ces employés sont considérés comme indispensables pour maintenir le paquet de services minimal que nous avons défini pour nos bénéficiaires. Les partenaires français, Sidaction et Coalition PLUS, nous ont permis de maintenir ce personnel jusqu’à fin décembre 2025.

Au niveau de la réponse communautaire, la prise en charge des PVVIH en général, de la PTME et des populations clés est fortement affectée, suite à l’arrêt ou la réduction du travail des pairs-éducteur.trices et des relais communautaires qui étaient soutenus sur les transports et la communication. Plus de 200 personnes – 130 pairs-éducateur.trices et 88 relais communautaires – ne peuvent plus assurer l’accompagnement des bénéficiaires, les visites, ni le suivi téléphonique.

Bien que les ARV restent disponibles grâce au Fonds mondial, le traitement et la rétention des patients dans les parcours de soins sont menacés, car le personnel prestataire des sites de prise en charge et les relais communautaires, indispensables pour le rappel des rendez-vous et la recherche des perdus de vue, ont été fortement affecté par l’arrêt des financements américains.

Les activités de dépistage par autotest et de prévention avec la PrEP sont également suspendues pour les populations clés, et maintenues uniquement pour les couples discordants. Sans ces activités, on s’attend à de nouveaux cas, de nouveaux cas qui vont entrer dans notre file active. Finalement, on va traiter plutôt que prévenir. Les médicaments sont disponibles, oui, mais le suivi qui permettait d’avoir une bonne qualité de prise en charge ne sera plus possible avec l’arrêt des visites à domicile.

T. : Quels effets sont déjà observés ?

M. K. : Six mois après la coupe des financements américains, nous avons constaté, en s’appuyant sur nos propres chiffres, que le nombre de cas positifs au VIH a augmenté, passant de 36 (juillet-décembre 2024) à 53 (janvier-juin 2025). Le taux de suppression de la charge virale a chuté de 97 % à 94 % entre décembre 2024 et fin juin 2025, et le nombre de perdus de vue a augmenté, conséquence directe de la réduction des activités de suivi par les pairs-éducteur.trices et relais communautaires.

T. : Que faire dans ce contexte, alors que de nouvelles restrictions budgétaires sont à craindre ?

M. K. L’ANSS-Santé PLUS a intensifié la sensibilisation auprès des membres, du personnel et des pairs-éducteur.trices pour renforcer l’esprit de bénévolat qui caractérisait l’association à ses débuts. Le personnel restant doit être multitâche, et chacun – les bénéficiaires comme les membres sympathisants de l’association – est encouragé à apporter ses compétences, son expertise pour soutenir la mission de l’association. Nous devons nous ré-inventer pour nous adapter à la situation, en repensant à comment être efficient avec le peu de moyens disponibles

Cependant, le bénévolat ne peut pas compenser la perte des financements. On fait ce que l’on peut, mais sans moyens pour accompagner un patient, le recul est inévitable.

Alors que l’objectif des trois 95 était déjà atteint au Burundi, nous risquons un recul considérable. Les populations à plus haut risque, les populations clés seront particulièrement affectées, car les financements américains étaient essentiels pour mener les activités des programmes qui les ciblaient. Malheureusement, la stigmatisation et la criminalisation dans la région feront que ces populations ne seront pas prioritaires dans les budgets restants. 🟥

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