Disponible depuis 2022 aux États-Unis, le cabotégravir en usage PrEP est toujours en attente d’autorisation de commercialisation en France. Il est pourtant très attendu. Quels bénéfices ? Pour qui ? Et quand ? Le Dr Romain Palich, médecin clinicien au service des maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital Hôtel-Dieu à Paris, nous éclaire.
Le cabotégravir, connu sous son nom commercial Apretude®, n’est toujours pas disponible pour la PrEP en France. Bien qu’il ait reçu un avis favorable de la Haute Autorité de Santé (HAS), les négociations de son prix de mise sur le marché trainent et retardent la mise sur le marché de ce traitement préventif injectable en France.
Depuis 2016, un traitement de prophylaxie pré-exposition (PrEP) contre le VIH est disponible en France. Sous forme de comprimés, ce traitement a révolutionné la prévention de l’infection par le VIH en offrant une solution simple et efficace aux personnes les plus à risque d’être exposées au virus.
« Nous proposons la PrEP orale soit en prise continue, c’est-à-dire deux comprimés au démarrage puis un comprimé quotidiennement, ou à la demande, qui consiste à la prise de 4 comprimés sur 3 jours pour se protéger d’un risque ponctuel d’exposition au virus » explique Romain Palich « il s’agit d’une bithérapie, c’est-à-dire la combinaison de deux molécules actives contre le VIH ».
La PrEP par voie orale a largement fait ses preuves, avec une efficacité en vie réelle – mesurée dans l’étude EPI-PHARE – atteignant 93 %. Cette étude met aussi en évidence l’importance de l’observance du traitement pour en assurer l’efficacité. Ainsi, la prise quotidienne d’un comprimé peut parfois être un frein à l’observance, ce qu’un traitement injectable à longue durée d’action pourrait améliorer.
Le cabotégravir en PrEP : une injection tous les deux mois
Le cabotégravir est une molécule antirétrovirale de la famille des inhibiteurs d’intégrase. Elle a une longue durée d’action : elle agit dans l’organisme pendant plusieurs semaines. Déjà utilisée en combinaison avec une autre molécule dans le traitement du VIH, son utilisation seule sous forme injectable (deux doses à un mois d’intervalle puis tous les 2 mois) a aussi fait ses preuves en PrEP.
Deux études ont testé le cabotégravir en PrEP : HPTN083 menée sur le continent américain (US et Amérique latine), Asie et Afrique du Sud chez des hommes cisgenres et des femmes transgenres ayant des relations sexuelles avec des hommes ; et HPTN084 qui s’est concentrée exclusivement sur les pays d’Afrique chez des femmes cisgenres.
« Le but de ces études était de montrer la non-infériorité du cabotégravir injectable comparé à la PrEP orale TDF/FTC. En réalité, l’efficacité du cabotégravir a été supérieure à celle observée dans le bras de PrEP orale. Les investigations ont en fait montré que la mauvaise observance du comprimé quotidien pour la PrEP orale expliquait cette supériorité » souligne Romain Palich.
Bientôt disponible en France ?
Malgré des résultats satisfaisants dans les essais cliniques, l’utilisation du cabotégravir en PrEP est confrontée à un manque de données dans la vie réelle. Les autorités sanitaires soulignent notamment que les observations faites dans le cadre des études cliniques sont difficilement transposables au contexte français, aux vues des populations inclues. Ainsi, la HAS a émis un avis favorable à la recommandation du traitement mais avec la notation « amélioration mineure du service médical rendu (ASMR IV) » qui impacte le processus de négociation de son prix et retarde sa commercialisation en France.
« Cela fait plus d’un an que les négociations sont en cours entre l’industrie pharmaceutique (ViiV Healthcare, ndlr) et les autorités françaises. Nous n’avons aucun élément concret de quand et à quel prix le cabotégravir sera disponible en France. » explique Romain Palich « Nous attendons avec impatience cet outil de prévention mais les incertitudes sur son prix et sa disponibilité ne nous permettent pour le moment pas de statuer sur des recommandations plus précises et de se projeter sur le suivi qui devra être mis en place ».
Pour qui ?
En France, les recommandations indiquent que le cabotégravir injectable en PrEP peut être utilisé en seconde intention [i], c’est-à-dire dans les cas de contre-indications de la PrEP orale, comme une insuffisance rénale.
« Ce cas est en fait assez rare chez nos patients » indique Romain Palich « les recommandations mentionnent aussi les cas où la PrEP orale ne peut pas être utilisée. Ce qui reste assez flou et libre à l’interprétation. Je pense notamment aux cas d’intolérance digestive des comprimés. A proprement parler, ce n’est pas une contre-indication médicale, mais cette intolérance peut impacter la qualité de vie de la personne et influer sur son observance au traitement. Dans ce cas il serait préférable de lui proposer une PrEP injectable. »
Tout comme la PrEP orale, l’efficacité du cabotégravir injectable repose largement sur l’observance, ce qui limite aussi tout risque de résistance du virus en cas d’infection. Parmi les rares cas d’infections observés chez les sujets prenant le cabotégravir dans les essais HPTN083 et 084, la souche de virus impliquée, une fois isolée, montrait des signes de résistance aux traitements.
« Ce sont des cas très rares et nous ne savons à ce jour pas bien les expliquer » selon Romain Palich « Mais une chose est sûre, étant donné que le cabotégravir reste présent longtemps dans l’organisme à des doses décroissantes dans le temps, un arrêt non encadré de la PrEP suivi d’une exposition au virus présente des risques. Il sera donc important de bien faire passer ce message à nos patients et de mettre en place le suivi nécessaire ».
Enfin, rappelons que la PrEP est aujourd’hui prescrite uniquement aux personnes qui en font la demande. Alors que certaines populations restent difficiles à atteindre, le cabotégravir viendrait ainsi compléter l’arsenal des outils de prévention du VIH. Sa date de disponibilité en France reste inconnue mais les acteurs de la lutte contre le VIH militent pour faire valoir les avantages de cette alternative. 🟥
[i] « La PrEP par cabotégravir d’action prolongé (CAB-LP) par voie IM tous les 2 mois constitue une offre complémentaire de prévention pour pallier les limites d’utilisation de la PrEP par TDF/FTC, notamment chez les individus ayant une contre-indication ou une observance compromise à la PrEP orale » précisent les dernières recommandations du rapport d’experts portant sur le traitement préventif pré-exposition de l’infection par le VIH.
Cabotégravir injectable : un nouvel outil de PrEP bientôt disponible en France ?
