Du 21 au 25 juillet 2025, Brazzaville, la capitale de la République du Congo, a accueilli la première édition de l’Université des jeunes plaideur·euses, réunissant 19 personnes issu·es de 13 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Organisé dans le cadre du projet Passerelles, porté par Sidaction avec le soutien d’Expertise France/L’Initiative, cet événement inédit marque un tournant dans la structuration du plaidoyer des jeunes pour une meilleure prise en compte du VIH pédiatrique.
L’Université des jeunes plaideur·euses (UJP) s’inscrit dans une dynamique ambitieuse : outiller une nouvelle génération d’acteur·rices du changement pour porter haut la voix des enfants, des adolescent·es et des jeunes vivant avec le VIH. Orchestrée par Sidaction et le réseau Grandir ensemble, l’UJP a permis à ces jeunes ambassadeur·rices de se former, d’échanger, de s’exprimer librement et de renforcer leur engagement collectif.
L’Afrique de l’Ouest et du Centre connaît un retard très important dans la prévention et la prise en charge du VIH chez les jeunes : seulement 56 % des femmes ont accès à des services de prévention de la transmission mère-enfant et plus du quart des nouvelles infections ont lieu chez les enfants de 0 à 14 ans. Dans ce même groupe d’âge, la couverture en antirétroviraux est de 37 %, contre autour de 75 % chez les adultes.
Au total, ce sont environ 630 000 jeunes de moins de 20 ans qui rencontrent des problèmes de prise en charge mal adaptée, d’accès limité aux services de santé sexuelle et de la reproduction ou encore qui subissent stigmatisation et discrimination.
C’est pourquoi les jeunes du réseau Grandir ensemble et du Réseau d’Afrique de l’Ouest et Afrique centrale d’adolescents et jeunes positifs (RAJ+AOC) se mobilisent afin de mettre en place des actions concrètes de plaidoyer, visant à accélérer la lutte contre le VIH/sida chez les enfants, les adolescent·es et les jeunes d’Afrique francophone.
S’entraîner à plaider
Pendant cinq jours, les participant·es ont bénéficié d’un programme varié et participatif, alliant apports théoriques et mises en pratique concrètes. Plusieurs conférences, animées par des organisation internationales (Onusida, Fonds mondial et Organisation mondiale de la santé) ainsi que par Augustin Dokla, responsable du plaidoyer au sein de l’association Espoir Vie Togo et référent plaidoyer de Grandir ensemble, ont permis de mieux comprendre le contexte politique et institutionnel du VIH pédiatrique en Afrique. Ces sessions ont ouvert la voie à des échanges nourris, renforçant les connaissances mais aussi les liens entre les jeunes et les professionnel·les du secteur.
Des classes inversées ont ensuite permis aux jeunes de se saisir eux-mêmes des outils et des concepts du plaidoyer. Répartis en groupes, ils·elles ont conçu et animé des miniformations interactives sur les fondamentaux de la mobilisation politique.
« Cette formation m’a donné l’élan nécessaire pour continuer mon engagement et porter la voix des jeunes auprès des décideurs afin que nos positions soient entendues et prises en compte. »
Alassane Traoré, Mali
Pour traduire les apprentissages en actions concrètes, les participant·es ont été placé·es en situation réelle de plaidoyer : prises de parole en public, rendez-vous de lobbying, conception d’un projet collectif… Ils·elles ont ainsi pu développer leurs capacités à argumenter, convaincre et proposer. Les projets de plaidoyer présentés à la fin de la semaine ont montré leur maîtrise croissante des enjeux et ont permis de développer des planifications stratégiques pour faire du VIH pédiatrique une priorité dans les politiques de santé.
Mettre des mots sur les défis
L’UJP a également été un espace privilégié de parole. Les échanges d’expériences et les témoignages ont été l’occasion de mettre en lumière les réalités du plaidoyer sur le terrain ainsi que ses impacts concrets dans la vie des jeunes engagé·es : si ces expériences sont des atouts indéniables dans la recherche d’un emploi, d’autres aspects de leur mobilisation sont plus difficiles à vivre, qu’il s’agisse de l’exposition publique, des pressions de l’entourage ou de la difficulté à concilier des déplacements fréquents avec leur vie de famille.
Un ciné-débat autour du film Bigger Than Us a aussi permis de faire émerger des questions transversales (par exemple, « qui suis-je si je ne m’engage plus ? », « comment prendre soin de moi ? ») et de renforcer ce sentiment d’appartenance à un mouvement global de jeunesse en lutte pour la justice sociale.
Dans cette même dynamique de terrain, les jeunes ont également visité le point d’offre de distribution d’interventions (Podi) du CHU de Brazzaville. Accompagné·es par les médecins du site, ils·elles ont pu découvrir le parcours de soins proposé aux adolescent·es vivant avec le VIH, poser de nombreuses questions et mieux comprendre la réalité du suivi médical et psychosocial. Une activité de sensibilisation a prolongé cette visite : un groupe de parole, animé autour d’une saynète jouée par de jeunes bénéficiaires du Podi, a donné lieu à l’évocation des enjeux de rapports non protégés et de grossesses non désirées chez les jeunes vivant avec le VIH.
Ces espaces de partage ont été très appréciés par les participant·es pour leur richesse et leur authenticité. Ils ont favorisé l’identification de bonnes pratiques, permis de confronter les réalités de chacun·e et, surtout, nourri un fort sentiment d’appartenance et de solidarité.
Faire entendre la voix des jeunes
L’Université des jeunes plaideur·euses a été construit autour d’un enjeu central : l’importance d’associer les jeunes aux décisions qui les concernent directement. Trop souvent absent·es des espaces de négociation et de financement, ils·elles doivent être pleinement reconnu·es comme des acteur·rices légitimes du changement, les plus à même de définir les priorités stratégiques et les interventions les plus adaptées à leurs besoins. Cette exigence prend un relief particulier à la suite du retrait des États-Unis des financements internationaux et à l’approche de la prochaine conférence de reconstitution du Fonds mondial, prévue à l’automne 2025 : dans un contexte de restrictions budgétaires annoncées, le risque est grand de voir, une fois de plus, les programmes à destination des enfants, des adolescent·es et des jeunes relégués au second plan, notamment les interventions communautaires qui sont un complément indispensable à l’accès aux traitements.
« L’Université m’a permis d’affiner mon art de plaider et m’a donné la capacité de défendre mes idées avec clarté. »
Seydina Mouhamad BA, Sénégal
À travers leur positionnement collectif « Accélérer la lutte contre le VIH chez les enfants, adolescents et jeunes d’Afrique francophone », les jeunes plaideur·euses demandent ainsi l’augmentation, la priorisation et l’orientation des financements vers des programmes de prévention et de prise en charge globale impactants et adaptés à la qualité de vie des enfants, des adolescent·es et des jeunes vivant avec le VIH en Afrique francophone. Leur plaidoyer appelle à une réponse ambitieuse, globale et inclusive, qui leur permette de « ne plus être au menu mais à la table » des négociations.
Au-delà des compétences et des savoirs transmis, cette première édition de l’UJP a surtout été l’occasion de consolider la dynamique collective entre les deux réseaux régionaux impliqués – le réseau Grandir ensemble et RAJ+AOC.🟥

