Kigali au Rwanda a accueilli, du 13 au 17 juillet, la 13ᵉ conférence sur la science du VIH de l’IAS (International AIDS Society). Cet événement biennal, réunissant plusieurs milliers de spécialistes, présente les avancées majeures dans la recherche fondamentale, clinique et opérationnelle sur le VIH.
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Nouvelles recommandations de l’OMS : élargir l’accès à la prévention et aux soins du VIH
Dans un contexte de crise sanitaire mondiale, marqué par une pénurie de professionnel·les de santé, une baisse des financements internationaux et une demande croissante en services, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) renforce son engagement dans la lutte contre le VIH.
Selon les dernières modélisations, jusqu’à 6 millions de nouvelles infections et 4 millions de décès supplémentaires liés au VIH pourraient survenir si les financements internationaux venaient à cesser.
Meg Doherty, directrice des programmes mondiaux VIH, hépatites et infections sexuellement transmissibles à l’OMS, a présenté lundi 14 juillet à l’IAS 2025 de nouvelles recommandations visant à élargir l’accès à la prévention et à atteindre les populations aujourd’hui encore négligées.
Parmi les annonces clés :
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Prévention et dépistage du VIH :
L’OMS recommande l’injection semestrielle de lenacapavir comme nouvelle option de prophylaxie pré-exposition (PrEP), ainsi que l’utilisation de tests de diagnostic rapide pour faciliter et étendre l’accès à la PrEP injectable à action prolongée. -
Traitement et soins :
Mise à jour des recommandations sur le séquençage des traitements antirétroviraux (ARV), incluant la réutilisation du ténofovir ou de l’abacavir ; allègement des traitements avec des combinaisons à deux médicaments, sous forme orale ou injectable à longue durée d’action ; révision des protocoles pour la prophylaxie infantile et l’allaitement ; nouvelles orientations pour la prise en charge du VIH à un stade avancé, avec un recours accru aux tests CD4 et un meilleur accès aux traitements contre les cancers ; priorité donnée aux thérapies préventives de courte durée contre la tuberculose. -
Intégration des services de santé :
Nouvelles recommandations pour intégrer les services VIH à ceux consacrés aux maladies non transmissibles (comme l’hypertension ou le diabète), ainsi qu’aux soins en santé mentale ; actualisation des stratégies de soutien à l’observance thérapeutique. -
Infections sexuellement transmissibles (IST) :
Nouvelles orientations sur le dépistage des IST asymptomatiques et sur les modèles de prestation de services, mettant l’accent sur la décentralisation, le partage des tâches et l’utilisation des outils numériques.
L’OMS appelle les États et les partenaires à intensifier leurs efforts, en particulier en matière de PrEP, encore largement sous-utilisée, et à mieux inclure les enfants et les populations clés dans les parcours de soins.
SF
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Cibler le réservoir du VIH : les pistes d’intervention
Malgré l’efficacité des traitements antirétroviraux, le VIH persiste dans l’organisme grâce au réservoir viral. Ce dernier est composé principalement de lymphocytes T CD4+ dans lesquels le virus reste caché sous forme latente, échappant ainsi au système immunitaire et aux traitements. Ce réservoir est capable de relancer l’infection en cas d’interruption de la thérapie.
Comprendre comment ce réservoir se forme, se maintient et, surtout, comment le réduire ou l’éliminer représente aujourd’hui l’un des principaux défis scientifiques pour parvenir à une guérison durable du VIH.
Lors d’une session dédiée à l’IAS 2025, quatre projets de recherche ont mis en lumière des avancées prometteuses.
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Des provirus défectueux du VIH-1 capables de recombinaison : un nouvel obstacle à la guérison
Hiromi Imamichi – NIAID, NIH // Abstract OAA0106LB
Des recherches récentes ont révélé que certains provirus dits « défectueux », bien qu’incomplets, peuvent produire de l’ARN et des protéines virales. Cette étude visait à déterminer s’ils peuvent également se recombiner entre eux pour reformer un virus fonctionnel.
À partir de deux provirus défectueux isolés chez une personne vivant avec le VIH – présentant chacun de grandes délétions internes complémentaires – des cellules T CD4+ saines ont été transfectées in vitro. Les scientifiques ont observé une production virale importante, confirmée par la présence de l’antigène p24 et la capacité du virus recombiné à infecter de nouvelles cellules.
L’analyse génétique a montré que la recombinaison avait permis de restaurer un génome viral complet, fonctionnel et réplicatif, similaire à un virus sauvage. Ces résultats suggèrent que ces provirus, jusqu’ici considérés comme inactifs, pourraient contribuer activement à la persistance du virus, représentant ainsi un nouvel obstacle important aux stratégies de guérison.
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Signatures cellulaires et transcrits du VIH dans dans les lymphocytes T CD4 des tissus lymphoïdes – Collaboration sur la transplantation d’organes selon la loi HOPE
Marina Tuyishime – Duke University Medical Center // Abstract OAA0104
Cette étude a examiné des ganglions lymphatiques prélevés chez 24 personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral. Grâce au séquençage à cellule unique, les chercheur·es ont évalué les effets de combinaisons d’agents de réactivation de la latence (LRA) sur ces cellules.Parmi les 95 000 cellules analysées, 57 présentaient des transcrits du VIH, en majorité dans les échantillons traités par la combinaison VOR + AZD5582. Les LRAs ont activé des gènes impliqués dans la régulation, la synthèse cellulaire et le trafic membranaire. Toutefois, l’ajout d’autres composés n’a pas amélioré l’effet transcriptionnel, et une baisse de l’expression des récepteurs T (TcR) a été observée, compliquant l’identification des cellules infectées réactivées.
Ces résultats montrent que les ganglions récupérés lors de greffes constituent une ressource précieuse pour étudier le réservoir lymphatique du VIH. Ils permettent d’évaluer les effets des LRAs et d’affiner les stratégies pour débusquer et éliminer les cellules infectées.
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Association entre la taille du réservoir et les marqueurs d’inflammation cardiovasculaire chez les enfants vivant avec le VIH
Fatima Kakkar – CHU Sainte-Justine, Université de Montréal // Abstract OAA0103
Chez les enfants infecté·es à la naissance, peu de données existent sur le risque cardiovasculaire à long terme. Cette étude canadienne, issue de la cohorte EPIC4, a exploré le lien entre la taille du réservoir viral et des biomarqueurs d’inflammation cardiovasculaire chez 121 enfants bénéficiant d’une suppression virale prolongée.Les résultats montrent une corrélation significative : plus la taille du réservoir viral était élevée, plus les niveaux de certains marqueurs inflammatoires étaient importants, suggérant un état inflammatoire chronique associé à un risque cardiovasculaire accru.
Ces liens restent valables même après ajustement pour l’âge et la co-infection par le CMV. L’étude souligne ainsi l’importance d’un traitement précoce et durable pour réduire les complications cardiovasculaires futures, et suggère que ces biomarqueurs pourraient être utilisés pour évaluer ce risque à long terme.
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Les transductants de TCR anti-VIH restreints à HLA-E réduisent efficacement la taille du réservoir viral
Victor Garcia – University of Alabama at Birmingham // Abstract OAA0102
Cette étude présente une approche innovante d’immunothérapie cellulaire, fondée sur des récepteurs de cellules T (TCR) spécifiques du VIH, restreints à HLA-E – une molécule peu polymorphe, et donc potentiellement « universelle ».
Des cellules CD8+ humaines modifiées pour exprimer ces TCR ciblant des épitopes du VIH, ont été infusées dans des souris humanisées infectées par le VIH. Les résultats montrent une forte expansion et persistance de ces cellules T modifiées, avec une réduction de 90 % de la charge virale sanguine et de 80 % dans les tissus, sans traitement antirétroviral.
Chez des souris traitées, les cellules T modifiées ont permis de réduire la taille du réservoir de 50 %, selon l’analyse de l’ADN proviral intact.
Ces résultats suggèrent que les TCR restreints à HLA-E représentent une piste prometteuse pour réduire durablement la charge virale et cibler le réservoir du VIH.
SF
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VIH et prise de poids : le changement de traitement ARV sans effet
John Koethe – Vanderbilt University Medical Center // Abstract OAB0206LB
Présentée lors de l’IAS 2025, une étude randomisée remet en question l’idée selon laquelle remplacer certains antirétroviraux soupçonnés de favoriser la prise de poids permettrait de perdre du poids. Résultat : après 48 semaines, les pertes de poids observées sont modestes et comparables, quel que soit le traitement suivi.
L’essai DO-IT, conduit par le Dr John Koethe (Université Vanderbilt, États-Unis), visait à comparer l’évolution du poids chez des personnes vivant avec le VIH et traitées par des schémas connus pour être associés à une prise de poids, comme les inhibiteurs d’intégrase dolutégravir ou bictegravir et le ténofovir alafénamide (TAF).
Au total, 145 personnes en situation d’obésité, avec une charge virale indétectable, ont été recrutées. Elles étaient en moyenne âgées de 49 ans, avec un IMC médian de 34,9. La moitié étaient des femmes (49 %), 53 % des participant·es étaient afro-desendant.es et 18 % d’origine hispanique. Leur traitement antirétroviral comprenait un inhibiteur d’intégrase, du TAF et de l’emtricitabine depuis environ 3,4 ans.
Les participant·es ont été réparti·es en trois groupes :
- poursuite du traitement initial ;
- remplacement par doravirine + ténofovir disoproxil (TDF) ;
- remplacement par doravirine + TAF.
La doravirine est un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse, non associé à une prise ou une perte de poids dans les études précédentes.
Après 48 semaines, les résultats sont restés modestes :
- perte moyenne de 1,84 kg pour celles et ceux qui ont gardé leur traitement initial,
- 2,73 kg pour le groupe doravirine + TDF,
- seulement 0,47 kg pour le groupe doravirine + TAF.
Mais ces différences ne sont pas statistiquement significatives. Ni l’ethnicité, ni le sexe, le genre, l’âge, le type d’inhibiteur d’intégrase utilisé, ou les antécédents de prise de poids sous traitement n’ont influencé la variation de poids observée entre les personnes ayant changé de traitement et celles restées sous schéma contenant du bictegravir.
Ces résultats soulignent la complexité des mécanismes de prise de poids sous traitement antirétroviral, et la nécessité d’approches plus individualisées et pluridisciplinaires.
NG
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PrEP : une formulation per os mensuelle à l’essai (phase III)
Pr Kenneth Mayer, Fenway Health and Harvard Medical School (Boston) // abstract OAS0106LB
Un nouveau traitement oral mensuel contre le VIH, le MK-8527, présenté lors de la 13ème édition de l’IAS 2025 par le Pr Kenneth Mayer, ouvre une nouvelle piste en matière de prophylaxie pré-exposition (PrEP). Développé par Merck, le MK-8527 présente, selon les conclusions d’un essai de phase II, une bonne tolérance et des propriétés pharmacocinétiques favorables.
MK-8527 est un inhibiteur de la transcriptase inverse, appartenant à la classe des Les inhibiteurs nucléosidiques de la translocation de la transcriptase inverse (INTTI). Ce mécanisme d’action bloque le déplacement de l’enzyme responsable de la conversion de l’ARN viral en ADN, interrompant ainsi la réplication du VIH.
Une étude de phase II a évalué la tolérance, et l’efficacité du MK-8527 chez 350 adultes à faible risque d’exposition au VIH aux États-Unis, en Israël et en Afrique du Sud. Les participants ont reçu des doses de 3, 6 ou 12 mg de la molécule toutes les quatre semaines pendant six mois. Le traitement a été bien toléré, avec un profil d’effets secondaires comparable à celui du placebo. Les effets indésirables les plus courants étaient des maux de tête, nausées et fatigue, généralement légers à modérés. Aucune infection à VIH n’a été signalée durant l’étude.
Les niveaux de protection du médicament ont été atteints rapidement, en moins de 24 heures, et maintenus pendant plus de 28 jours, offrant une marge de sécurité en cas de retard de prise. La phase III comprendra deux essais majeurs, EXPrESSIVE-10 et EXPrESSIVE-11, qui débuteront en 2025 dans plusieurs pays, notamment au Kenya, en Afrique du Sud, en Ouganda et dans 16 autres pays.
EXPrESSIVE-10 vise à recruter près de 4600 jeunes femmes et adolescentes sexuellement actives au Kenya, en Afrique du Sud et en Ouganda, devrait débuter au second semestre de cette année. EXPrESSIVE-11, qui prévoit d’inclure environ 4400 personnes sexuellement actives dans 16 pays susceptibles de bénéficier de la PrEP – notamment des hommes gays, des femmes et hommes trans – devrait commencer en août.
Dans les deux essais, le MK-8527 sera comparé à la prise quotidienne de comprimés de ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine (Truvada® ou ses génériques). Cette approche est similaire à celle adoptée dans les essais PURPOSE-1 et PURPOSE-2 évaluant l’usage du lénacapavir en usage PrEP.
Alors que seuls 18 % des besoins mondiaux en PrEP sont actuellement couverts, le MK-8527 pourrait améliorer l’accès à la prévention du VIH, notamment en proposant un mode d’administration plus simple et plus flexible.
NG