Mon test IST permet de se faire dépister sans ordonnance, gratuitement pour les moins de 26 ans. En juillet 2025, ce dispositif était renforcé par le kit d’autoprélèvement des infections à chlamydia et à gonocoque, pour l’heure réservé aux jeunes femmes. Quel est son recours alors que l’on constate une hausse des IST ?
Depuis septembre 2024, il est possible de se faire dépister sans ordonnance et sans rendez-vous des cinq infections sexuellement transmissibles (IST) que sont le VIH, la syphilis, la gonorrhée, l’infection à chlamydia et l’hépatite B. Ce dispositif, nommé Mon test IST, complète et remplace l’opération « VIH test » mis en place en place au 1er janvier 2022.
Pour les moins de 26 ans, le test est pris en charge sans avance de frais et à 100 % par l’Assurance maladie. Pour les plus de 26 ans, seul le dépistage du VIH est gratuit, les quatre autres sont remboursés à hauteur de 60 % par l’Assurance maladie et de 40 % par la complémentaire santé de la personne. « Il suffit de se présenter à un laboratoire de ville ou hospitalier et de demander à bénéficier d’un dépistage dans le cadre de Mon test IST. Un questionnaire sera à remplir pour définir les IST à dépister et les prélèvements adaptés », explique-t-on sur le site Internet de l’Assurance maladie.
En renforcement de Mon test IST, les jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans peuvent, depuis le 1er juillet 2025, commander et recevoir, gratuitement et sans avance de frais, un kit de dépistage par autoprélèvement vaginal des infections à chlamydia et à gonocoque. Ce kit devrait être disponible pour les hommes d’ici à la fin de l’année 2025. La Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) justifie ce décalage par des raisons techniques, mais assure que « tout est mis en œuvre pour que le dispositif soit étendu aux jeunes hommes dans les meilleurs délais ».
Des IST en hausse en France
Ces outils s’inscrivent dans un contexte de hausse des IST en France ces dernières années. Ainsi, en 2023, les cas d’infections à gonocoque ont augmenté de 59 % chez les hommes et de 46 % chez les femmes, soit 23 000 nouveaux cas diagnostiqués (+55 % par rapport à 2021).
Concernant les infections à chlamydia, le nombre de personnes diagnostiquées – au moins une fois en secteur privé (hors CeGIDD [i]) – a été estimé en 2023 à environ 55 500, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2021. Cette hausse est observée chez les hommes (+23 %), notamment chez ceux de 50 ans et plus (+39 %), mais pas chez les femmes (–3 %). Sur la période 2023, le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas en 2023) reste beaucoup plus important chez les jeunes femmes de 15-25 ans avec 271 cas pour 100 000 personnes. Chez les hommes, ceux âgés de 26-49 ans présentaient le taux d’incidence le plus élevé (188 pour 100 000).
Pour ces deux IST, les plus jeunes paient un plus lourd tribut. En 2023, en s’appuyant sur les chiffres des CeGGID [ii], l’âge médian des personnes touchées par les infections à gonocoque était de 28 ans (29 ans chez les hommes, 22 ans chez les femmes et 30 ans chez les personnes trans). Ainsi, 40,2 % des cas étaient âgés de moins de 26 ans. Pour les infections à chlamydia, l’âge médian des personnes diagnostiquées était de 24 ans (26 ans chez les hommes, 21 ans chez les femmes et 28 ans chez les personnes trans) ; 61,2 % des cas étaient âgés de moins de 26 ans.
Les chiffres de la syphilis suivent la même tendance haussière. En 2023, 5 800 personnes ont été diagnostiquées pour une syphilis dans le secteur privé, soit une hausse de 20 % par rapport à 2021. L’hépatite B, beaucoup plus rare, a elle aussi connu une hausse du nombre de cas déclarés entre 2022 et 2024 [iii]. Alors que l’infection avait atteint un pic en 2006, la courbe avait quasiment continuellement baissé depuis, jusqu’au rebond en 2022.
Outre les chiffres, différentes données montrent une exposition accrue des plus jeunes. « Plusieurs éléments démontrent la nécessité de renforcer l’accès au dépistage pour cette classe d’âge, dans ce contexte de hausse des IST observée entre 2021 et 2023 », explique la Direction générale de la santé (DGS) à Transversal. Une baisse de la prévention en début de vie sexuelle a été identifiée à l’occasion de l’enquête Contexte des sexualités en France, menée à l’initiative de l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes. « L’usage du préservatif lors du premier rapport sexuel, bien qu’il ait augmenté de manière plus frappante au cours des années 1980 et 1990 – lorsque des campagnes de prévention ont été déployées pour lutter contre la propagation de l’infection à VIH –, a ensuite diminué pour atteindre 75,2 % chez les femmes et 84,5 % chez les hommes au cours de la période la plus récente », précise-t-on dans l’enquête.
« Mon test IST », un meilleur accès aux soins
Pour Patrick Blanco, médecin référent du Centre de dépistage et de traitement IST/VIH (CeGIDD) au CHU de Nantes (Loire-Atlantique), la mise en place de ces dispositifs facilitant les dépistages est nécessaire, notamment pour les personnes éloignées des grands centres urbains. « Les CeGIDD et les centres de dépistage gratuit et anonyme sont regroupés dans les grandes villes. Avant ce dispositif, il n’existait pas de dépistage gratuit dans les villes de moins de 20 000 habitants. Il a donc nettement amélioré le maillage territorial », explique-t-il.
De plus, l’accès au dépistage reste difficile pour nombre de jeunes, « en raison d’un manque de connaissance des services disponibles, abonde la Cnam, de la crainte du jugement, des coûts associés ou encore de la complexité des démarches à effectuer. Cette période est déterminante pour instaurer des habitudes de santé. En facilitant l’accès au dépistage, on encourage la création d’un réflexe qui pourra être maintenu tout au long de la vie. »
Et ce, en particulier pour les jeunes femmes, touchées par les infections à chlamydia et à gonocoque. D’autant que ce groupe de population reste plus vulnérable aux complications. « La perméabilité du col [de l’utérus] et l’immaturité du système immunitaire des jeunes femmes permettent aux chlamydias de remonter plus facilement vers les organes supérieurs, détaille le Dr Blanco. Le risque d’infection génitale haute est plus élevé, avec de graves complications, des douleurs lors des rapports sexuels, un risque élevé de grossesses extra-utérines, une stérilité… Pour le gonocoque, l’infection est souvent asymptomatique chez les jeunes femmes, jusqu’à ce qu’il y ait des complications. »
Le kit d’autoprélèvement, un outil éprouvé
Quant au kit d’autoprélèvement à domicile, il a fait ses preuves par le passé. « Cette modalité avait déjà démontré son efficacité dans le cadre de l’expérimentation Chlamyweb menée en 2012. Elle pourrait constituer une porte d’entrée vers le dépistage pour des jeunes éloignés des soins », ajoute-t-on sur le site de l’Assurance maladie.
Disponible sur Internet, Chlamyweb proposait l’envoi d’un kit d’autoprélèvement à domicile pour le dépistage d’une infection à chlamydia. Un essai contrôlé randomisé a comparé un renvoi vers les structures traditionnelles de dépistage et la proposition de l’envoi à domicile du kit d’autoprélèvement. Résultat ? Le kit accroît significativement le recours au dépistage, multiplié par 3,4. « L’envoi d’un kit d’autoprélèvement à domicile est performant pour amener la population à l’intérêt du dépistage et il permet de réduire les inégalités géographiques d’accès au dépistage », concluaient les auteurs de l’essai.
Dès 2018, la Haute autorité de Santé (HAS) plaidait pour que « le dépistage de l’infection à chlamydia soit systématiquement réalisé chez les femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans, y compris les femmes enceintes ». Avec deux objectifs majeurs : « réduire le risque de complications à long terme chez la femme et limiter la propagation de l’infection au sein de la population grâce à un traitement précoce ». Chez les hommes, la HAS se positionnait en faveur d’un dépistage opportuniste ciblé des hommes sexuellement actifs présentant des facteurs de risque, quel que soit l’âge. « Le caractère intime des prélèvements peut dissuader de recourir au dépistage. Sans pour autant se substituer systématiquement au prélèvement réalisé par un professionnel de santé, l’autoprélèvement vaginal pour les femmes et urinaire pour les hommes représente une alternative qui doit être proposée dans tous les lieux de dépistage », ajoutait la HAS.
Des hommes plus nombreux à adhérer aux tests
Concernant le bilan, Mon test IST est un dispositif encore jeune. Entre septembre 2024 et juin 2025, 840 000 personnes en ont bénéficié. Et les chiffres issus du système national des données de santé (SNDS) montrent une tendance à la hausse des dépistages entre septembre 2024 (arrivée du dispositif) et janvier 2025. Santé publique France évoquait alors « des données très préliminaires, qui nécessitent d’être confirmées mais qui montrent déjà une appropriation du dispositif ». La Cnam, contactée par Transversal, estime une hausse des dépistages sans ordonnance de 7,3 % par mois, selon les données de septembre 2024 à mai 2025, et une baisse de 0,6 % pour les dépistages avec ordonnance. Sur cette même période, 33,6 % des bénéficiaires avaient moins de 26 ans et 41 % d’entre eux ont réalisé un dépistage incluant les cinq IST.
Selon les données fournies à Transversal par le réseau de laboratoire Cerballiance, entre septembre 2024 et avril 2025, 29,9 % des patients ayant réalisé un dépistage des IST l’ont fait sans ordonnance, 38,5 % d’entre eux étaient âgés de 20 à 29 ans. Autre remontée de terrain, les hommes ont été plus nombreux à utiliser ce dispositif que les femmes. Le réseau a en effet observé une différence de près de 10 points entre les deux sexes (36 % vs 26 % de dépistages des IST sans ordonnance). Un résultat en demi-teinte alors que les complications, notamment les infections à chlamydia et gonocoque, peuvent laisser de lourdes séquelles chez les jeunes femmes.
Un bilan affiné devrait être disponible dans les prochains mois. D’ores et déjà, le Dr Patrick Blanco estime que « quand on aura les premiers chiffres, il faudra peut-être recadrer les indications ou la fréquence des dépistages chez les personnes plus âgées et cibler encore davantage les personnes à risque ». 🟥
[i] Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH, des autres IST et des hépatites virales.
[ii] Données des CeGIDD au 31 décembre 2023, Santé publique France.
[iii] Après une augmentation entre 2003 et 2006, le nombre annuel de cas d’hépatite B aiguë déclarés a diminué drastiquement, bien que de manière irrégulière jusqu’en 2022. Cette diminution doit être interprétée avec prudence dans la mesure où il est difficile de faire la part entre une vraie baisse du nombre de diagnostics d’hépatite B aiguë et une sous-déclaration majeure, estimée dans une fourchette comprise entre 85 % et 91 % en 2010, à 77 % en 2013 et 73 % en 2016 (enquêtes LaboHEP). Entre 2022 et 2024, une augmentation du nombre de cas est observée (+82 %). Celle-ci est plus importante chez les hommes (+97 %) que chez les femmes (+38 %). Cette tendance à l’augmentation s’explique par un plus grand nombre de DO [déclaration obligatoire] reçues (+51 % entre 2022 et 2024), mais aussi une proportion plus élevée de DO comprenant les deux feuillets biologiste et clinicien (requis pour la validation des cas). Cette augmentation est également observée au niveau européen.
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