vih « Pas sans nous » : en Occitanie, les personnes vivant avec le VIH font entendre leur voix

11.12.25
Romain Loury
6 min
Visuel « Pas sans nous » : en Occitanie, les personnes vivant avec le VIH font entendre leur voix

Face à un système de santé fragilisé, alors que les associations sont menacées, des personnes vivant avec le VIH en Occitanie ont prolongé les États généraux de 2024 pour élaborer collectivement des mesures concrètes à défendre dans leur région. Une mobilisation pour rappeler que la lutte contre le VIH ne se fera pas sans celles et ceux qui la vivent.

Lors d’Etats généraux organisés fin mai 2024, plus de 160 personnes vivant avec le VIH (PVVIH) se réunissaient à Paris pour émettre dix recommandations, destinées aux professionnels de santé et aux décideurs politiques. Un exercice de démocratie sanitaire dont les PVVIH furent pionnières dès les années 1980, et qu’elles continuent d’exercer 40 ans plus tard. Et ce dans un contexte toujours plus inquiétant, alors que le système de santé ne cesse de se dégrader, que les discriminations persistent voire s’aggravent, que les associations sont en grand péril financier.

Plusieurs associations d’Occitanie (Actions Traitements, Act Up Sud-Ouest, AIDES, Envie, Relais VIH) ont décidé de prolonger ce travail dans leur région, faisant écho à ces recommandations au plus près du terrain. Lors de premières discussions lancées au printemps, quatre des dix recommandations nationales avaient été retenues. Pour chacune d’elles, les associations ont décidé de proposer une mesure concrète, à mettre en place sur le territoire régional. C’est ce travail d’échange et de co-construction qu’une quarantaine de personnes vivant avec le VIH, provenant des quatre coins d’Occitanie, ont mené mardi 25 novembre à Montpellier, à la veille du congrès annuel de la Société française de lutte contre le sida (SFLS).

Dans une société gangrénée par la discorde, les échanges menés par les participants, aux expériences diverses, pourraient servir de modèle à bien des politiques, et pour bien des projets de loi. Débats passionnés mais constructifs, respect et écoute mutuels, animateurs et ‘scribes’ attentifs mais cadrant bien les échanges… le tout pour un résultat clair et rendu dans les temps. En fin de journée, le collectif avait, sans trop de peine, trouvé un consensus sur quatre mesures concrètes, au besoin votées à main levée (voir encadré ci-dessous). Leur avenir continuera à s’écrire dans les prochains mois : dès janvier, des groupes de travail seront mis en place pour porter ces revendications auprès des autorités sanitaires, dont l’Agence régionale de santé (ARS) et le Comité de coordination régionale de la santé sexuelle (CoReSS, qui a remplacé le COREVIH).

Des difficultés tenaces, malgré un VIH sous contrôle

Cette journée aura révélé l’ampleur des difficultés auxquelles les PVVIH, malgré les progrès thérapeutiques, demeurent confrontées au quotidien. Notamment quant à leur prise en charge médicale, avec « des rendez-vous de plus en plus courts, toujours plus espacés », dit l’un. Pour tous, il devient de plus en plus difficile de retrouver un médecin généraliste de confiance, lorsque celui-ci part à la retraite. « Aujourd’hui, c’est un non-choix de changer de généraliste. On va là où on veut bien nous accepter », explique Dominique, jeune retraité toulousain.

Si la désertification médicale n’épargne personne, ses effets sont encore plus critiques pour les PVVIH, en particulier celles vivant à distance des grands centres urbains. A cela s’ajoute une autre désertification, associative, sur fond de rigueur budgétaire. En Occitanie, l’association Aides, qui a annoncé un plan de licenciement collectif en octobre, a récemment fermé ses antennes de Nîmes et Béziers, et s’apprête à en faire autant à Perpignan. Dans l’ex-région Midi-Pyrénées, seuls deux des huit départements (Haute-Garonne, Aveyron) comptent des associations de lutte contre le VIH.

Au-delà de la fragilisation du tissu associatif, c’est tout le lien social qui se distend. Notamment par manque de transports dans les zones rurales, ce qui complique sorties culturelles, activités sportives et relations sociales, évoque une participante résidant à 40 km de Montpellier. Pour Yves, cet éloignement rural l’a fait renoncer à déménager au vert. Enfin, le vieillissement constitue une crainte très prononcée chez les participants, qui redoutent l’Ehpad, lui préférant des modèles alternatifs, tels que celui de la « Maison de la diversité » récemment créée par l’association « Les audacieuses & les audacieux » à Lyon, et destinée aux seniors LGBT.

La parole des PVVIH, « plus que jamais indispensable »

Point d’orgue de ce travail, le collectif de PVVIH s’est invité sur scène au congrès de la SFLS, sous la bannière « Du VIH à la santé sexuelle… pas sans nous », associant le mot d’ordre du congrès (« Du VIH à la santé sexuelle ») et les principes de Denver (« Rien pour nous sans nous »). « A un moment où la lutte contre le VIH se retrouve menacée de toutes parts, à l’échelle nationale comme internationale, notre présence et notre parole sont plus que jamais indispensables », ont estimé les deux porte-paroles du collectif.

Alors que les avancées biomédicales font espérer une fin de l’épidémie mondiale de VIH, la situation des associations et des populations les plus exposées au VIH semble se précariser toujours plus. Pour le collectif, « il faut que les personnes concernées soient placées au cœur de la construction des réponses, mais il faut surtout que les moyens et les politiques suivent. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas ».

« L’expertise née du vécu des personnes séropositives est clairement établie, mais cela ne sert pas à grand-chose si les inégalités se creusent de plus en plus, si la précarité augmente, si les conditions de vie, les institutions, les droits les plus élémentaires, comme se soigner correctement, se nourrir dignement ou vivre librement, sont attaqués de front (…) Ce qui manque, c’est la volonté politique, les moyens et l’organisation adéquate pour les appliquer ». 🟥

Les mesures proposées par les PVVIH d’Occitanie

  • Recommandation 1 : Assurer un parcours de soins complet et une prise en charge globale des PVVIH. Création d’une plateforme numérique qui permettrait de recenser les différents programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP), les différentes activités proposées et les contacts.
  • Recommandation 2 : Développer et mettre en œuvre des politiques de lutte contre les discriminations (sérophobie, homophobie, transphobie, racisme, etc.). Diffusion de messages ciblant la population générale sur le concept « I = I » (indétectable = intransmissible), faire changer les représentations sur les PVVIH, etc.
  • Recommandation 3 : Réduire les inégalités territoriales dans les offres de soin et le suivi des parcours en santé des PVVIH. Mise en place de locaux, de structures mobiles sanitaires, sociales et juridiques en milieu rural pour accueillir et diriger les personnes, proposant une offre globale (non ciblée VIH) pour assurer la confidentialité
  • Recommandation 4 : Développer des politiques favorables aux conditions de vie et de vieillissement des PVVIH. Proposer des solutions alternatives aux Ehpad (logement partagé, renforcement des dispositifs de maintien à domicile en respectant la confidentialité…) ; assurer la formation des personnels d’Ehpad en Occitanie sur l’accueil des PVVIH, l’inclusivité, la vie affective et sexuelle

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