vih PrEP au féminin : un retard préoccupant malgré des besoins majeurs

22.12.25
Romain Loury
5 min

Encore marginale chez les femmes, et plus encore chez les migrantes pourtant très exposées au VIH, la PrEP demeure freinée par un manque d’information, des réticences à la prescription et des obstacles d’accès aux soins. Des initiatives sont en cours pour améliorer son déploiement.

Au premier semestre 2025, 9 864 personnes ont initié une PrEP en France, selon les données d’Epi-Phare publiées fin novembre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Parmi elles, seulement 6,1 % de femmes. Certes, cette proportion s’est un peu améliorée au fil du temps : en 2018, elle n’était que de 2,1 %. Mais le recours à la PrEP demeure très en-deçà des besoins, notamment pour les femmes migrantes, deuxième groupe le plus touché par le VIH après les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH).

« L’acquisition du VIH survient souvent au cours des premières années après l’arrivée en France », a rappelé la Dre Victoria Manda, du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis (Paris), lors du congrès de la Société française de lutte contre le sida (SFLS, 26-28 novembre, Montpellier). « C’est à ce moment-là qu’il faut dépister, et soit orienter vers un service des maladies infectieuses en vue d’une prise en charge de l’infection par le VIH, soit vers un service prescrivant la PrEP ». Or à ce jour, les freins à la prescription de la PrEP demeurent nombreux pour cette population.

Notamment du côté des soignants, par manque de temps mais aussi en raison de leur difficulté à identifier les personnes ayant le plus besoin de la PrEP. Selon Victoria Manda, « les médecins ne se sentent pas rassurés à l’idée de la prescrire à des femmes, d’autant que la plupart des données publiées portent sur les HSH, et qu’ils ont peur de manquer de données dans un contexte d’allaitement ou de grossesse ». Selon elle, « il y a un réel besoin de communication autour de ce sujet, pour dire que la PrEP fonctionne aussi très bien chez les femmes ».

Une PrEP peu connue des femmes

Ce traitement préventif demeure très mal connu des femmes elles-mêmes. Dans l’étude FASSETS, soutenue par Sidaction, menée à Marseille auprès de travailleuses du sexe, « 88 % des femmes interrogées ne la connaissaient pas », rappelle la Dre Emilie Mosnier, infectiologue au CHU de La Réunion (Saint-Pierre). A ce manque d’information et de sensibilisation, s’ajoute le sentiment, souvent erroné, d’un faible risque d’exposition, ou encore la conviction qu’il s’agit d’un outil réservé aux HSH. Ou, à l’inverse, une crainte d’être assimilée, en prenant un traitement préventif, à une personne à risque. Sans oublier les nombreux obstacles que connaissent les personnes migrantes en matière d’accès aux soins, qu’ils soient de nature administrative ou linguistique.

Face à ces nombreux écueils, les experts attendent beaucoup de l’arrivée prochaine de la PrEP injectable à longue durée d’action, qui devrait faciliter l’adhésion. Plusieurs projets d’implémentation de la PrEP chez les femmes migrantes sont d’ores et déjà en cours. Parmi eux, le projet PrEVE, qui vise à évaluer l’acceptabilité d’un programme de dépistage et de prévention en santé sexuelle chez les femmes en situation de vulnérabilité vivant en Île-de-France.

Des initiatives pour amorcer le déploiement de la PrEP

Le projet PrEVE, qui implique les médiatrices de l’association Ikambere (soutenue par Sidaction), « propose des informations, un dépistage (VIH, hépatites B et C, syphilis par TROD) et des mesures de prophylaxie, répondant ainsi aux besoins spécifiques de ces femmes. L’objectif principal est d’évaluer l’acceptabilité de ce parcours de santé sexuel », explique le site de l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (Inserm/ Faculté de santé Sorbonne université).

Menée auprès de 151 femmes suivies dans 12 centres de santé sexuelle de Paris et de Seine-Saint-Denis, l’étude PrEParez-vous a quant à elle évalué les besoins en prévention de ces femmes. Parmi ces femmes, 51 % seraient éligibles à la PrEP, notamment en raison de rapports non protégés avec des partenaires de statut VIH inconnu, ou de rapports sexuels forcés.
Or, dans le volet de l’étude mené auprès de 64 professionnels de santé exerçant à Paris ou en Seine-Saint-Denis, aucun d’entre eux n’avaient prescrit de PrEP à une femme au cours des six derniers mois, et 60 % reconnaissent n’avoir jamais abordé ce sujet avec une femme. « Pourtant, ce sont des professionnels qui connaissent bien la PrEP, qui la prescrivent parfois eux-mêmes dans des CeGIDD [i] », s’étonne Victoria Manda.

Dans la foulée de l’étude PrEParez-vous, Victoria Manda et ses collègues s’apprêtent à lancer une nouvelle étude, dénommée EllesPrEP, afin d’améliorer le recours à la PrEP chez les femmes migrantes. L’étude prévoit « une information systématique des femmes » grâce à des outils de communication ad hoc, ainsi qu’une formation des soignants à la prescription de PrEP à ce public. Objectif, aboutir à une couverture de 10 % chez les participantes, et un taux de rétention de 30 % à six mois.

Notes et références

[i] Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles

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