vih Reconstitution du Fonds mondial : la santé mondiale en eaux troubles

20.11.25
Romain Loury
7 min
Visuel Reconstitution du Fonds mondial : la santé mondiale en eaux troubles

Quel avenir pour le financement de la santé mondiale ? Face au désarroi qui a suivi le gel de l’aide américaine, la conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, qui se tiendra le 21 novembre à Johannesburg (Afrique du Sud), s’annonce cruciale.

Depuis sa création en 2002, le Fonds mondial a permis de sauver 70 millions de vies à travers le monde, estimait-il dans son Rapport sur les résultats 2025 publié début septembre. Pour la seule infection par le VIH, le nombre de décès liés au sida a diminué dans le même temps de 74 % et le nombre de nouvelles infections de 62 %. Inédit dans l’histoire de la santé mondiale, ce succès pourrait toutefois être réduit à néant par le désengagement des pays donateurs. En particulier celui des Etats-Unis, dont le gel de l’aide au développement, peu après l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche, a d’ores et déjà des effets désastreux sur le terrain. Selon le site PEPFAR Program Impact Tracker, les coupes budgétaires auraient déjà entraîné , les coupes budgétaires auraient déjà entraîné, mi-novembre, la mort d’environ 130.000 adultes et plus de 13.800 d’enfants, toutes maladies confondues.

En avril, l’Onusida, agence onusienne dont les jours pourraient être comptés, estimait à 4,2 millions le nombre de décès liés au VIH et à plus de 6 millions celui de nouvelles infections d’ici à 2030, dans l’éventualité d’un arrêt complet du PEPFAR. Que ce soit en matière d’accès au traitement ou de prévention, le désengagement des Etats-Unis, mais aussi la baisse de l’aide publique au développement (APD) dans plusieurs pays du Nord (dont la France), pourraient ramener la lutte contre le VIH à son niveau du début des années 2000.

18 Md$ pour sauver 23 millions de vies

Organisée le 21 novembre à Johannesburg (Afrique du Sud) en marge du sommet du G20, la reconstitution du Fonds mondial s’avère plus que jamais cruciale. C’est au cours de ce rendez-vous triennal que les pays donateurs annonceront leur contribution financière pour le huitième cycle (‘round’) du Fonds mondial, qui couvrira la période 2026-2028.  Dans son ‘investment case’ publié en février, le Fonds mondial a estimé ses besoins à 18 milliards de dollars pour son huitième cycle (2026-2028), une somme qui lui permettrait de sauver 23 millions de vies entre 2027 et 2029.

Cette somme s’avère strictement identique à la demande formulée en 2022 par le Fonds mondial en vue de son 7ème round. Cette cible de 18 Md$ n’avait alors pas été atteinte, avec 15,7 Md$ de promesses de dons recueillies. Un échec relatif, puisqu’il s’agissait tout de même de la somme la plus élevée obtenue lors d’une reconstitution du fonds.

A ce jour, les sommes demandées tous les trois ans par le Fonds mondial ont, à de rares exceptions, toujours été à la hausse, en raison des besoins croissants, notamment liés à la hausse des dépistages et, conséquemment, la hausse des personnes connaissant leur statut sérologique impliquant une hausse des besoins en traitements. Pour Alix Zuinghedau, directrice des politiques de santé mondiale de l’association « Les Amis du Fonds mondial Europe », « il s’agit pour le conseil d’administration du Fonds de trouver un équilibre entre ambition et réalisme. Si la cible est trop élevée, elle sera inatteignable, ce qui pourrait s’avérer démobilisateur ».

Une incertitude sans précédent

Dans un contexte géopolitique à haut risque, peu propice à la solidarité internationale, quelles sont les chances du Fonds mondial d’obtenir les 18 Md$ escomptés ? Selon Léo Deniau, coordinateur du plaidoyer international de l’association Aides, « nous sommes inquiets, au vu de la coupe des financements américains et de la renégociation de leur engagement envers le Fonds mondial, mais aussi du fait que la France présente une situation budgétaire extrêmement difficile. Ce n’est pas pour autant qu’il faut baisser les bras, et que l’ambition ne doit pas être au rendez-vous ».

Selon Alix Zuinghedau, « nous sommes dans un contexte d’incertitude inédit. On peut s’en sortir très bien, ou bien aller à la catastrophe. Il est impossible aujourd’hui de faire des prédictions, et c’est peut-être cela la nouveauté par rapport aux reconstitutions précédentes ».

Malgré la volte-face américaine et les difficultés budgétaires des pays du Nord, quelques signaux encourageants sont à noter. D’une part, les Etats continuent à honorer leurs engagements financiers en vue du 7ème round, celui en cours – excepté la France qui a décidé de reporter une tranche de 100 millions d’euros à 2026. D’autre part, plusieurs pays ont déjà annoncé, sans attendre la conférence de reconstitution, leurs promesses de dons – malgré tout parfois en baisse – pour le prochain cycle (Allemagne, Danemark, Espagne, Luxembourg, Norvège, Portugal, Suisse, Australie). A noter également, certaines promesses (Espagne, Luxembourg), bien qu’elles ne constituent qu’une part minime du budget total du Fonds mondial, seront en hausse.

Du côté français, les ONG et les associations de lutte contre le sida demandent a minima à l’Etat de maintenir sa contribution au Fonds mondial. Pour cela, plusieurs d’entre elles ont appelé fin septembre le président de la République française, Emmanuel Macron, à « ressusciter » les  taxes de solidarité internationale, celles sur les billets d’avion et sur les transactions financières, actuellement sous-utilisées« Cela suffirait à investir dans le Fonds mondial, dans Unitaid, dans GAVI [l’Alliance du vaccin, qui permet de vacciner plus de la moitié des enfants dans le monde, ndlr], sans rien faire peser sur les contribuables. La taxe sur les billets d’avion est modique, et elle n’a jamais fait fermer de compagnie aérienne ! », note Léo Deniau.

Le risque d’une « repriorisation » des programmes

Quelles conséquences aurait un échec de la reconstitution sur la santé mondiale ? Selon Inès Alaoui, responsable des politiques internationales de santé à Coalition Plus, « on peut s’attendre très prochainement à une reprise épidémique, le risque est déjà devant nos yeux ».

Autre crainte, celle d’une « repriorisation » des programmes, notamment afin de couvrir l’achat de médicaments. Et ce au détriment des programmes destinés aux populations clés, dont l’administration Trump, dans sa croisade idéologique, ne veut plus entendre parler. « On peut construire des hôpitaux à l’infini, mais si les homosexuels, les personnes transgenres, les usager.e.s de drogues, les travailleurs.se.s du sexe ne peuvent pas en franchir la porte, on ne mettra jamais fin à l’épidémie », craint Inès Alaoui.

Pour chaque dollar investi dans la lutte contre les trois maladies, les gains en santé sont estimés à 19 dollars selon le Fonds mondial. Selon Inès Alaoui, « le Fonds mondial est le meilleur investissement que les Etats peuvent obtenir dans la lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose. Il faut espérer que les Etats du Nord, notamment la France, présenteront une contribution ambitieuse et en hausse. Il ne s’agit pas de charité, mais de s’assurer qu’il n’y aura pas de reprise épidémique. Et qu’on ne mette pas en danger des populations, alors que des vies pourraient être sauvées ». 🟥

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