vih Suppression de l’Usaid : la recherche sur le VIH en péril

09.05.25
Angeline Rouers
4 min
Visuel Suppression de l’Usaid : la recherche sur le VIH en péril

À peine trois mois après son investiture, le président américain Donald Trump a décidé de mettre fin à la plupart des aides accordées à 160 pays. Un coup de massue pour le monde de la recherche scientifique.

L’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid) était jusqu’à récemment la source majeure de financement à l’international, garantissant projets de recherche et aide humanitaire. Ce sont donc plus de 90 % des projets financés par l’Usaid que l’administration Trump a brutalement stoppés, soit une coupe des budgets de plus de 60 milliards de dollars. Une décision qui a et aura des répercussions catastrophiques, notamment dans la lutte contre le VIH. Une récente étude a, par exemple, projeté l’impact d’une diminution des fonds sur le nombre de nouvelles infections par le VIH en Afrique du Sud [i]. Le constat est sans appel : 500 000 infections de plus sur dix ans.

Des avancées en suspens

Parmi les projets financés, nombre d’entre eux portent sur des recherches dans le domaine du VIH, en particulier des essais cliniques menés en Afrique. Ces dernières décennies ont été riches en découvertes et en progrès scientifiques : anticorps neutralisants, nouvelles classes de molécules antirétrovirales (ARV) – permettant notamment un allégement thérapeutique –, ou encore la mise au point de nouveaux candidats vaccins. Autant d’avancées qui doivent être testées lors d’essais cliniques de grande ampleur et qui viendront, peut-être, ajouter de nouvelles armes dans la lutte contre le sida.

En mars dernier, l’organisation Avac, dédiée aux actions de prévention du VIH de façon éthique et équitable, partageait une liste des projets et des essais stoppés en raison de l’arrêt des financements de l’Usaid [ii]. Parmi eux, le projet Matrix, qui teste l’utilisation de l’anneau vaginal de dapivirine dans plusieurs essais cliniques. Cet anneau, qui libère l’ARV dapivirine, est un dispositif de prévention qui permettrait de réduire significativement les infections. Des résultats ont été présentés dans ce sens lors de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi) 2025, qui s’est tenue à San Francisco en mars dernier. La suppression d’une partie des financements risque de ralentir des avancées pourtant bien engagées.

Le développement d’un vaccin contre le VIH mobilise les scientifiques depuis de nombreuses années. Parmi les derniers candidats en date, le vaccin proposé par le consortium BRILLIANT – développé en Afrique du Sud et basé sur la technologie d’ARNm – a fait ses preuves lors des tests précliniques et allait faire l’objet d’essais cliniques de phase I. Le financement de l’Usaid représentait un tiers de leur soutien, sa suppression remet donc fortement en question sa faisabilité. Un partenaire du projet a ainsi confié à l’agence de presse Reuters qu’il était désormais « difficile pour les autres financeurs du projet de combler le vide » afin d’assurer la poursuite du projet [iii].

Au-delà du biologique

L’arrêt imprévu et soudain d’un essai clinique pose aussi des enjeux éthiques. Qu’en est-il du suivi des volontaires lorsque l’essai est basé sur la prise d’un traitement ? Un accompagnement est nécessaire et un arrêt brutal serait en contradiction totale avec l’engagement moral des investigateurs de l’essai clinique et la déclaration d’Helsinki [iv]. De plus, cette interruption incontrôlée du traitement pourrait entraîner l’apparition de résistances des souches virales chez certaines personnes [v]. Ces patients risqueraient donc l’échec thérapeutique, une situation qu’il faut à tout prix éviter.

Au-delà des impacts biologiques, l’arrêt d’un essai en cours pourrait être vécu par les volontaires comme un abandon. Les experts craignent que la confiance établie tout au long de ces années avec la communauté soit compromise et difficile à reconstruire. La communication entre les chercheurs du monde entier est également en péril. Comme le soulignait, lors d’une interview [vi], Yasmine Belkaid, directrice de l’Institut Pasteur (Paris), la recherche scientifique ne peut pas avancer rapidement sans une coopération internationale. Les Américains jouent un rôle central ; leur retrait financier bouscule un réseau bien établi et ralenti inévitablement les avancées scientifiques.

Si la France reste relativement épargnée pour ce qui est des recherches sur le VIH, des projets concernant d’autres maladies infectieuses – incluant des équipes de recherche françaises – sont affectés. « En ce qui concerne l’Institut Pasteur, il y a des collaborations sur les maladies infectieuses en particulier, sur les vaccins, le sida, mais des recherches sur la rougeole sont aussi menées et fondées par ces collaborations », précise ainsi Yasmine Belkaid.

Notes et références

[i] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39932732/
[ii] https://avac.org/resource/infographic/trials-halted/
[iii] https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/trumps-aid-cuts-stop-south-african-hiv-vaccine-trials-their-tracks-2025-02-18/
[iv] https://www.science.org/content/article/researchers-face-impossible-decisions-u-s-aid-freeze-halts-clinical-trials
[v] https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2004/08/medsci20042010p882/medsci20042010p882.html
[vi] https://www.francetvinfo.fr/sciences/coupes-budgetaires-americaines-il-va-y-avoir-une-interruption-du-dialogue-dans-de-grands-domaines-de-la-recherche-qui-sont-necessaires-pour-la-sante-mondiale-estime-la-directrice-de-l-institut-pasteur_7124646.html

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