Alors que dans beaucoup de pays on atteint l’objectif des trois 90, l’épidémie se polarise désormais sur des populations en situation de multi-vulnérabilité. Pour arriver à toucher ces dernières niches particulièrement difficiles à atteindre, pour les amener vers le dépistage et les inclure dans le circuit de soin, la solution passe par un accueil de qualité dans le structures de soins VIH. Comment ? C’est l’objet du référentiel dédié à l’accueil développé par Sidaction dans le cadre du programme TREMPLINS 2, co-financé par l’Agence française de développement (AFD). Anne Susset, la coordinatrice des programmes internationaux de Sidaction, nous en explique la démarche et nos présente ce nouvel outil.
Transversal : D’où vient cette idée de développer un référentiel spécifique sur l’accueil ? Qu’est-ce qui a motivé la création de cet outil ?
Anne Susset : La réflexion est née d’un constat : dans de nombreux pays que nous soutenons, les chiffres de la « cascade » du VIH sont plutôt bons et proches des objectifs des 3 x 90 fixés par l’ONUSIDA — c’est-à-dire 90 % des personnes vivant avec le VIH dépistées, 90 % d’entre elles sous traitement antirétroviral, et 90 % avec une charge virale contrôlée. La question qui s’est alors posée était : comment atteindre la nouvelle cible des 3 x 95 ? En somme, qu’est-ce qui empêche ces derniers pourcentages de personnes d’avoir accès au dépistage ou, quand elles sont dépistées, d’être bien prises en charge et suivies ? Un des principaux freins restant touche à la stigmatisation et la discrimination des personnes vivant ou concernées par le VIH. Dans ce cadre là, pour une structure de prise en charge sur le terrain, il est essentiel que ces personnes osent franchir la porte. Or, un bon accueil [voir encadré ci-dessous] joue un rôle clé pour lever ce frein.
L’actualité récente qui a vu fondre les financements internationaux de la lutte contre le sida – suite au retrait massif des fonds du gouvernement américain et la baisse de l’Aide publique au développement (APD) – fait craindre un recul dans les progrès réalisés ces dernières années en matière de prévention prévenir, de dépistage et de prise en charge des personnes affectées par le VIH. Dans ce contexte dégradé, il est essentiel de s’attacher à maintenir la qualité de l’accueil et des services, au risque de voir un recul plus important encore.
T. : Pour aboutir à ce référentiel, quelle méthodologie avez-vous adoptée ?
A.S. : Ce référentiel a été co-construit avec l’ensemble des partenaires de Sidaction en Afrique de l’Ouest et du Centre, lors d’un atelier organisé à Yaoundé en 2024, dans le cadre du porgamme TREMPLINS 2 soutenu par l’Agence française de développement (AFP). L’objectif de cet atelier était d’établir des valeurs communes qu’on attachait tous et toutes à l’idée d’un accueil de qualité. Une fois ces valeurs générales définies, il s’agissait ensuite d’être plus précis et d’identifier les actions et les indicateurs qui nous permettraient de vérifier et d’améliorer la qualité de l’accueil au dépistage ou lors de la prise en charge et du suivi.
T. : Comment les partenaires de Sidaction pourront-ils utiliser cet outil ?
A.S. : Concrètement, ce référentiel prend la forme d’un fichier Excel subdivisé en plusieurs onglets, chacun correspondant à un volet spécifique de l’accueil : l’environnement de la structure, le respect de la confidentialité, la communication, l’organisation, les ressources humaines et le renforcement des capacités. Chaque volet est lui-même décliné en différents items permettant de diagnostiquer plus finement l’état d’une structure au regard de la qualité de l’accueil et d’identifier les axes d’amélioration.
L’outil a une double fonction : il sert en premier lieu à réaliser un autodiagnostic interne, en incitant les équipes à se poser les bonnes questions, et à y répondre de manière transparente. Ce diagnostic permet d’obtenir une première vision, de comprendre ce qui est déjà en place en matière de qualité de l’accueil. Sur cette base, les structures peuvent ensuite identifier les marges de progrès et mettre en place des actions correctives pour progresser.
Sa deuxième fonction pourra être celle d’un outil d’accompagnement pour Sidaction envers ses partenaires : lorsque des marges de progression sont identifiées via l’autodiagnostic, les structures pourront solliciter des appuis personnalisés à Sidaction, ou d’autres organisations, pour améliorer leurs pratiques.
T. : Cet outil vise-t-il également à ramener certains publics vulnérables et stigmatisés vers les centres de soins ?
A.S. : Oui, tout à fait. Plus une personne est vulnérable (en raison de son état de santé, de sa situation socio-économique, de son orientation sexuelle ou de genre, etc.), plus elle est éloignée des soins. En améliorant la qualité de l’accueil, nous agissons directement sur les facteurs de stigmatisation et de discrimination. Toutefois, ce n’est pas un outil spécifique aux populations vulnérables, sachant qu’il peut être utilisé par toute structure recevant des personnes pour le dépistage ou la prise en charge du VIH, la première source de stigmatisation étant liée au statut sérologique lui-même.
Cela étant dit, nous savons que la cohabitation de différents publics dans une même structure peut parfois être délicate. Cet outil vise aussi à faciliter cette cohabitation, en sensibilisant les équipes aux besoins et aux réalités de chacun 🟥
Qu’entend-on exactement par « accueil » dans une structure de soins ?
En matière de santé, l’accueil d’un patient ne se limite pas à la personne qui, à l’entrée d’une association ou d’un centre de soins, inscrit un patient sur le registre pour une consultation ou un dépistage. Il englobe l’ensemble des interactions entre les soignants et les patients, mais également des interactions avec le personnel non soignant. L’accueil, considéré au sens large, implique que tout le personnel d’une structure de prise en charge, à différents niveaux, contribue au processus de soin. L’accueil concerne ainsi toutes les relations qui se tissent au sein de la structure.
Photo : ©Sebastien Duijndam
