vih Agir pour la santé sexuelle des jeunes et des femmes vivant avec le VIH au Burundi et en RDC

14.03.24
Emilie Henry et Olivia Sylla
5 min
Visuel Agir pour la santé sexuelle des jeunes et des femmes vivant avec le VIH au Burundi et en RDC

Au cours des dix dernières années, des progrès considérables ont été accomplis en Afrique subsaharienne comme dans le reste du monde en matière de dépistage, d’accès au traitement et de réduction des nouvelles infections à VIH [i]. Toutefois, un certain nombre de défis persistent parmi lesquels le déploiement d’une prise en charge intégrée et adaptée des co-infections, notamment dans le champ des infections sexuellement transmissibles.

Ces lacunes sont particulièrement préjudiciables aux jeunes filles et femmes qui continuent de porter un lourd fardeau dans l’épidémie de VIH en Afrique Subsaharienne. Alors que les recherches ont établi que le fait d’être porteur du VIH, avec ou sans traitement antirétroviral, était associé à une persistance du virus HPV et favorisait le développement des lésions précancéreuses [ii], l’offre de service de santé sexuelle reste encore peu accessible pour les personnes vivant avec le VIH.

C’est en partant de ces constats que Sidaction et ses partenaires se mobilisent depuis quelques années déjà pour améliorer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive (SSR) pour les jeunes filles et garçons et les femmes infectées et affectées par le VIH suivies dans des structures communautaires au Burundi et au Sud Kivu (République Démocratique du Congo).

3000 femmes dépistées et traitées

Initié en 2022 sur financement de l’Initiative et en partenariat avec les associations ANSS au Burundi et SOS SIDA en République Démocratique du Congo (RDC), le projet permet aujourd’hui à 17 centres de santé associatifs et publics de mieux répondre aux besoins de santé sexuelle de leur files actives, notamment par le dépistage et le traitement des lésions précancéreuses du col de l’utérus.

Dans le cadre du projet, plus de 3000 femmes ont été dépistées et traitées. Plus de 100 soignants ont aussi été formé.es à l’accueil des personnes venant pour une consultation en santé sexuelle via un module de formation élaboré dans le cadre du projet et validé par les programmes nationaux. Le projet a aussi déjà contribué au renforcement du leadership des adolescent.es et jeunes vivant avec le VIH comme acteur.ices de l’éducation complète à la sexualité de leur pair.es.

Avant le projet porté par Sidaction et ses partenaires, aucune initiative n’avait proposé de cibler les personnes vivant avec le VIH pour la prévention du cancer du col de l’utérus au Burundi et en RDC. Le projet comportait donc un objectif fort de plaidoyer et œuvre pour faire bouger les politiques publiques de santé dans les deux pays.

Quelques années après, le paysage a évolué et des projets d’envergure ont émergé et permettent d’envisager un élargissement de l’accès au dépistage et à la prise en charge dans les pays. Au Burundi, le projet Success financé par l’Initiative porté par l’ANSS prévoit de dépister 8000 femmes et la prise en charge de 135 cas de cancer avéré. Il se déploie sur 28 sites, en complémentarité avec les 12 sites déjà visés par le projet de Sidaction et de ses partenaires.

Pour ce pays toujours, des négociations en cours avec GAVI permettent par ailleurs d’envisager l’accès au vaccin à courte échéance, même si des enjeux persistent autour des directives nationales qui prévoient la vaccination des filles de moins de 14 ans seulement. Les progrès sont là, mais les enjeux restent entiers en termes d’accès au plus grand nombre : l’accès à la prévention, au dépistage et au traitement des lésions pré-cancéreuses du col est possible aujourd’hui au Burundi et en RDC mais de manière tout à fait inégale et partielle.

Elargir et ouvrir le projet à d’autres publics

Dans ce contexte, Sidaction et ses partenaires souhaitent poursuivre leurs efforts et contributions. Nous avons récemment proposé une suite au projet dont l’échéance est proche (décembre 2024). Elle prévoit notamment, tout en poursuivant le travail autour de l’intégration des IST et des hépatites virales dans les formations destinées aux équipes soignantes, de travailler à une meilleure inclusivité des services, pour les populations clefs comme les travailleuses du sexe, les personnes trans et les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) mais aussi d’élargir la couverture géographique du projet pour augmenter l’impact des interventions.

La suite du projet prévoit ainsi non seulement l’inclusion de nouveaux sites au Burundi et en RDC mais aussi l’intégration d’un nouveau pays, le Cameroun, via un partenariat avec l’association Horizons femmes. Les challenges des prochaines années porteront sur l’élargissement des services bien sûr mais toujours avec une vigilance constante relative à leur qualité.

Au-delà de la mobilisation d’outils diagnostics et de traitements, le travail de prévention et d’accompagnement autour de la santé sexuelle et reproductive suppose la formation de professionnels à l’écoute, à la délivrance de messages adaptés et en capacité d’orienter de manière efficace.

Notes et références

[i] https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/2023-unaids-global-aids-update-summary_fr.pdf
[ii] Du P. Human Papillomavirus Infection and Cervical Cancer in HIV+ Women. Cancer Treat Res. 2019;177:105-129. doi: 10.1007/978-3-030-03502-0_5. PMID: 30523623.

Entretien avec
3 questions à Gratien Chibungiri, directeur de SOS SIDA
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3 questions à Gratien Chibungiri, directeur de SOS SIDA
Peux-tu nous dire quelques mots sur votre organisation ?
Notre association a été créée en 2002. Nous sommes basés au Sud Kivu, une province de la République Démocratique du Congo (RDC) qui se situe face au Burundi. Elle est en proie à des conflits depuis des années maintenant. Dans nos débuts, nous avons travaillé beaucoup en lien avec MSF sur la prise en charge des violences sexuelles. En 2002, MSF a initié un programme de mise sous traitement VIH à Bukavu. Les patients venaient de toute la région et devaient passer quelques jours sur place dans le cadre du protocole d’initiation. Nous avons eu l’idée de mettre en place un centre d’hébergement pour faciliter l’accueil de ces personnes. Quand le programme a fermé en 2010, nous avons pris en partie le relais grâce au travail d’accompagner et de formation de notre personnel durant toutes ces années. Nous sommes toujours là aujourd’hui.
Comment êtes-vous confrontés aux enjeux relatifs à la santé sexuelle et reproductive dans le cadre de vos activités ?
SOS SIDA travaille sur le VIH alors c’est évident qu’on touche aussi beaucoup à la santé sexuelle et reproductive ! Dans le cadre de nos activités, nous avons été confrontés à beaucoup de tabous. A commencer par les modes de transmission mais aussi par la difficulté à parler du préservatif comme moyen de prévention dans certains milieux. Pour certaines personnes, parler du préservatif c’est encourager la prise de risques. Or bien sûr, les tabous n’empêchent rien, au contraire ! Il fallait vraiment qu’on prenne nos responsabilités et qu’on parle positivement de la sexualité avec nos jeunes, à la fois filles et garçons. Si on ne parle pas de sexualité aux jeunes, c’est clair : on ne pourra jamais éradiquer le VIH !
Quelles sont les activités mises en place par SOS SIDA pour répondre à cette situation ?
Depuis 2017, nous avons intégré un programme de santé sexuelle et reproductive dans notre plan stratégique. Nous avons eu l’opportunité de travailler avec un partenaire Cordaid qui a mis en place un grand programme sur la sexualité. Des modules ont été développés pour renforcer les connaissances et les compétences des jeunes en matière d’éducation à la sexualité. Concrètement il s’agissait de donner des informations sur l’anatomie, les cycles menstruels, mais aussi les aider à faire des choix éclairés et à être en mesure de négocier les rapports sexuels. Les modules sont adaptés au genre et à l’âge des jeunes : 10/14 ans, 15/19 ans et 20/24 ans.

Aujourd’hui nous constatons que les jeunes sont beaucoup plus à l’aise pour aborder la santé sexuelle, notamment entre eux. C’est très positif car ça fait évoluer les rapports de genre de manière positive. Dans ce projet, nous avons aussi été amenés à faire du plaidoyer sur les droits sexuels et reproductifs avec de jeunes ambassadeurs et ambassadrices formé.es au leadership. L’arrivée du programme SSR avec Sidaction nous a permis de toucher une catégorie spécifique de jeunes : celles et ceux qui vivent avec le VIH. Nous sommes aussi aujourd’hui en mesure d’offrir des services de santé sexuelle dans notre centre médical à Bukavu. Notre personnel a été formé et accueille les jeunes de la communauté. Ce projet nous a aussi permis d’ouvrir un espace convivial pour les jeunes, ce qui répond à leurs préoccupations et nous facilite beaucoup le travail sur le terrain. Cet accès des jeunes aux services de santé sexuelle et reproductive adapté est fondamental : le point de départ c’est l’accueil des soignants ! On sait que quand un jeune est mal accueilli il ne reviendra pas et va chercher l’info dans la rue. S’il a une IST, il risque de s’automédiquer. C’est une vraie perte de chance.
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