vih AME : une future réforme aux contours inquiétants

02.05.24
Romain Loury
5 min
Visuel AME : une future réforme aux contours inquiétants

Vers un nouveau rabotage de l’Aide médicale d’Etat (AME) ? Alors que le gouvernement prévoit une nouvelle réforme avant l’été, la crainte est vive de voir l’accès des migrants aux droits de santé se restreindre encore plus.

C’est l’une des bêtes noires de l’extrême droite, mais aussi d’une grande partie de la droite. Accusée à tort de créer un appel d’air pour les migrants, l’Aide médicale d’Etat (AME) est de nouveau dans le viseur du gouvernement. Et ce à rebours de toute évidence scientifique : bénéfique aussi bien pour la santé des migrants qu’en termes de santé publique, l’AME demeure l’un des dispositifs d’aide sociale les plus contrôlés, et la fraude y est très marginale. De plus, l’étude Premiers Pas (Irdes/université de Bordeaux) a montré que seules 51 % des personnes éligibles y ont effectivement recours, un chiffre qui dénote moins un problème d’abus que de freins administratifs. Ces derniers devraient de nouveau s’accroître avec la réforme que prépare le gouvernement.

Certes, le pire a été évité : lors des débats parlementaires sur la loi Asile et immigration (promulguée le 26 janvier), les sénateurs se sont prononcés pour la suppression de l’AME. Celle-ci aurait été remplacée par une AMU (Aide médicale d’urgence) qui, comme son nom l’indique, n’aurait donné droit qu’aux soins d’urgence. Si la mesure a finalement été écartée par l’Assemblée, la première ministre d’alors, Elisabeth Borne, s’était engagée à réformer le dispositif par voie réglementaire, donc en dehors de tout débat parlementaire. Lors de son discours de politique générale prononcé fin janvier, son successeur Gabriel Attal a réitéré l’annonce, promettant une réforme avant l’été. Si ce travail est actuellement en cours, le calendrier demeure flou, tant l’agenda gouvernemental s’annonce serré d’ici l’été, entre la réforme du chômage, les élections européennes et les Jeux olympiques.

Une « conjugalisation » en vue

Parmi les rares certitudes de cette réforme, concoctée sans grande transparence, une ‘conjugalisation’ de l’AME, a annoncé début avril le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, Frédéric Valletoux, sur France Info. A ce jour, cette aide est ouverte aux étrangers en situation irrégulière et gagnant moins de 847 euros par mois (pour une personne vivant seule). Or le gouvernement envisage de conditionner l’AME non plus aux seuls revenus de la personne intéressée, mais aussi à ceux du partenaire. Si ce plafond conjugalisé est dépassé, la personne, laissée sans couverture santé, n’aura d’autre choix que de demander à son conjoint de payer ses frais médicaux.

Pour Matthias Thibeaud, référent accès aux droits de santé chez Médecins du Monde, « cela pose un problème grave aux personnes sans papiers en couple avec un.e assuré.e social.e, français.e ou étranger.e en situation régulière. Cela va exclure de l’AME la personne sans papiers au sein du couple. Le nombre de personnes concernées se compte en dizaines de milliers. Pour les femmes en situation précaire, qui cumulent de nombreux facteurs de vulnérabilité, cela va accroître la dépendance conjugale, qui fait le lit des violences sexistes et sexuelles. Il leur faudra avoir l’aval de leur conjoint pour aller chez le médecin, au risque d’un chantage ».

Autre mesure à l’étude, le gouvernement prévoirait de restreindre la liste des pièces d’identité nécessaires à l’obtention de l’AME. Désormais, seuls seraient acceptés les documents disposant d’une photo. Si cette mesure vise à prévenir la fraude, elle devrait là aussi complexifier l’accès aux droits de santé. D’autant que nombreuses sont les personnes qui ne pourraient pas produire de telles pièces, qu’elles les aient perdues lors de leur parcours migratoire ou qu’elles se les soient fait confisquer, comme moyen de chantage, en France.

De nouvelles obligations pour les demandeurs

Egalement en vue, une extension d’une mesure prise lors de la précédente réforme de 2019 – qui, sous couvert de lutte contre la fraude, a introduit de nouveaux obstacles à l’accès aux droits de santé. En vertu de ce précédent ‘ajustement’, les demandeurs sont désormais dans l’obligation de se présenter en personne au guichet de leur Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) lors d’une première demande d’AME. Selon un rapport d’enquête publié en avril 2023 par cinq associations [i], ce dépôt physique est source de grande difficulté, notamment en Seine-Saint-Denis, où une seule agence centralise toutes les demandes. Or il serait désormais question d’élargir cette obligation à tout renouvellement d’AME, à savoir tous les ans.

Selon Matthias Thibeaud, « ce serait une barrière supplémentaire à l’ouverture des droits : il y a d’importants délais pour l’obtention d’un rendez-vous, puis pour obtenir sa carte. Souvent, les droits ne sont ainsi ouverts que pour six à sept mois, et il faut aussitôt repenser à renouveler les droits ». Les associations craignent par ailleurs une nouvelle restriction du panier de soins couvert par l’AME – sous forme d’un accord préalable de l’assurance maladie pour certains actes médicaux. Egalement redoutée, la possible réintroduction d’un droit de timbre. Mise en place en 2011 avant d’être retirée en 2012, cette mesure a certes fait baisser de 2,5% les dépenses d’AME, mais a fait bondir les dépenses de soins urgents de 33,3%.

Notes et références

[i] La Cimade, le Comede, Dom’Asile, Médecins du Monde, le Secours catholique

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