vih A Montréal, un appel à simplifier l’accès à la PrEP

05.09.22
Romain Loury
5 min

Disponible depuis 10 ans, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) a largement fait ses preuves dans les populations les plus exposées au VIH, mais sa mise en place connaît d’importants retards. Lors de la 24ème Conférence mondiale sur le sida (AIDS 2022), plusieurs experts ont appelé à lever les obstacles qui entravent son développement.

Bien que très efficace pour prévenir l’infection par le VIH, la PrEP demeure largement sous-utilisée à travers le monde. Avec 1,6 million d’utilisateurs fin 2021, l’objectif fixé par l’Onusida pour 2020 (3 millions d’usagers) n’a clairement pas été atteint. Les efforts pour parvenir à celui de 2025 (10 millions d’utilisateurs) devront être d’autant plus importants.

La crise du Covid-19, avec son cortège de confinements et de restrictions de déplacement, pourrait avoir paradoxalement favorisé son développement dans plusieurs pays. Pas partout, et notamment pas en France, où la baisse de prescription de la PrEP (jusqu’à -75 % en avril 2020 par rapport à janvier-février 2020) a été sévère. A l’inverse, dans les pays du Sud, la Covid-19 a forcé les soignants et les acteurs communautaires à s’adapter aux restrictions, à trouver des solutions pour maintenir, voire accélérer, l’accès à la PrEP.

Au Brésil, la PrEP prescrite par les infirmières

C’est le cas au Brésil, où le ministère de la santé a ouvert en 2020 la prescription de la PrEP aux infirmières, et non plus aux seuls médecins. Ce qui a permis sa décentralisation bien au-delà des grands centres urbains auxquels elle était jusqu’alors cantonnée, engendrant une hausse de 10,6 % du nombre de prescriptions dans le pays. Complétée par la télémédecine (2020) et la prescription par les généralistes (2021), cette autorisation accordée aux infirmières a particulièrement bénéficié aux populations les plus vulnérables.

Ainsi, 2,12 % des prescriptions effectuées par les infirmières concernent des travailleur.se.s du sexe, contre 0,79 % de celles faites par les médecins. Idem pour les usagers de drogues, qui constituent 13,4 % des prescriptions des infirmières, contre 6,7 % de celles des médecins. Autre succès, la majorité des prescriptions de PrEP concerne désormais les Afro-Brésiliens (62,8 %), alors qu’ils étaient minoritaires avant l’extension aux infirmières.

Un changement semble aussi en cours au Kenya, où la prescription de la PrEP demeure le monopole des centres de prise en charge du VIH. Ce qui constitue un obstacle pour de nombreuses personnes, que ce soit en raison de longues distances de transport, ou de la crainte, pour une personne ne vivant pas avec le VIH, d’être identifiée à tort comme venant chercher son traitement anti-VIH. Présentées par Katrina Ortblad, de l’University of Washington (Seattle), plusieurs études pilotes démontrent l’intérêt d’un assouplissement du système, que ce soit par la téléconsultation, la dispensation dans les pharmacies ou encore la délivrance de six mois de PrEP (au lieu des trois mois actuels).

L’OMS revoit ses recommandations

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) se montre aussi résolue à aller plus vite sur la PrEP. Lors de la conférence, elle a non seulement publié de nouvelles lignes directrices en faveur de l’utilisation du cabotégravir injectable à longue durée d’action, mais a aussi revu son document d’orientation (« implementation guidance ») sur la PrEP, en vue d’un accès « différencié, simplifié et démédicalisé ». Parmi les évolutions notables, elle propose que le schéma « à la demande » soit désormais accessible à l’ensemble des hommes cisgenres et des femmes trans, indépendamment de l’orientation sexuelle. Ce qui, au moins théoriquement, devrait dispenser les homosexuels de devoir se dévoiler devant leur médecin, une démarche très problématique dans les pays où ils sont stigmatisés.

De plus, l’OMS recommande de faciliter l’accès à la PrEP des personnes atteintes d’une hépatite B, en particulier au schéma « à la demande »-les cas de rechute après arrêt semblent in fine très rares, à rebours des craintes initiales. A contrario, elle estime que la prescription de la PrEP est une bonne occasion de dépistage dans les pays où le VHB circule activement, et préconise de tester sa présence lors de l’initiation, ou dans les trois mois qui suivent -afin de ne pas conditionner la prescription à la réalisation du test. Une recommandation qu’elle étend au virus de l’hépatite (VHC), en proposant un test à l’initiation de la PrEP ou dans les trois mois, puis tous les ans.

Pour Robin Schaefer, expert de la PrEP à l’OMS, « le dépistage du VHB et du VHC ne doivent pas faire obstacle à l’initiation ou à l’usage de la PrEP. Elle peut même être débutée avant que les résultats des tests soient disponibles. Ces tests ne doivent pas être un prérequis à l’usage de la PrEP ». Quant au suivi rénal -le ténofovir est lié à une diminution de la fonction rénale-, l’OMS suggère de l’alléger, en rendant optionnel sa réalisation chez les moins de 30 ans, ainsi que chez les 30-49 ans ne présentant pas de comorbidité ayant un impact sur la fonction rénale. Afin d’alléger le suivi en matière de dépistage, recommandé tous les trois mois chez les usagers de la PrEP, l’OMS met plus résolument l’accent sur les autotests.

Notes

[i] « Expanding access to PrEP through differentiated service delivery: Lessons from COVID-19 adaptations », session satellite, samedi 30/07

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