vih ARV et réservoirs : le virus est-il vraiment endormi ?

09.02.24
Angeline Rouers
3 min
Visuel ARV et réservoirs : le virus est-il vraiment endormi ?

Ces dernières décennies, les traitements antirétroviraux (ARV) se sont améliorés et diversifiés afin d’offrir une meilleure qualité de vie aux PVVIH. Bien qu’on ne sache pas entièrement éliminer le VIH de l’organisme, les traitements actuels permettent généralement de maintenir le virus à un niveau indétectable dans le sang et évitent, s’ils sont bien suivis, de ne plus transmettre le VIH.

La notion de réservoir est bien connue dans le contexte du VIH. Certains types de cellules, les lymphocytes T CD4 notamment, peuvent contenir dans leur génome du virus endormi sous forme de provirus. Les ARV empêchent leur « lecture » sous condition de ne pas stopper la prise des médicaments. Un arrêt du traitement se conclu généralement par un rebond de la charge virale, après un laps de temps plus ou moins long en fonction des individus.

Chez les PVVIH traitées et ayant une bonne observance de leur traitement, la charge virale est dite contrôlée et indétectable dans le sang. Malgré tout, les tests cliniques de routine ont une sensibilité limitée ne permettant pas de détecter la présence de virus sous un certain palier.

Trois études menées par des laboratoires différents [voir encadré ci-dessous] s’accordent à montrer que même chez des PVVIH efficacement traitées, un faible niveau de transcription du virus semble être maintenu. Elles sous-entendent donc la présence de réservoirs actifs.

Du provirus majoritairement défectueux

Premier constat rassurant commun aux trois études : le provirus transcrit est quasi exclusivement défectueux. C’est-à-dire que les nouveaux virus qui pourraient en être issus seront tronqués ou incomplets et donc non fonctionnels.

Malgré tout, même dans cet état, ces nouveaux virus – même incomplets – jouent un rôle dans l’organisme. L’étude canadienne du Dr Kaufmann et ses collègues montrent par exemple que 39 % des PVVIH inclues dans l’étude produisent la protéine p24 du VIH, un constituant de la capside du virus [i]. Cette protéine n’a pas de rôle infectieux à elle seule mais peut être reconnue par certaines cellules immunitaires, contribuant à leur activation résiduelle et, partant, à l’inflammation.

Les travaux des chercheurs du NIH [ii] se sont intéressés à l’état d’activation des lymphocytes T CD4 mais aussi des CD8. Ils ont trouvé une corrélation positive entre la quantité d’ADN viral et le nombre et le niveau d’activation de ces lymphocytes.

Une inflammation persistante qui pourrait avoir des conséquences cliniques

L’étude publiée dans le journal AIDS montre également la présence de provirus défectueux dans des réservoirs actifs chez les PVVIH traitées. Les chercheurs ont démontré un lien avec l’activation des lymphocytes et établi que ce processus pourrait favoriser la mise en place d’une inflammation persistante avec la production de molécules telles que l’interleukine-6, le TNF-alpha (Tumor Necrosis Factor) et le D-dimer [iii].

Ces composants, inflammatoires, pourraient expliquer l’apparition de comorbidités et la dérégulation de la coagulation observées chez certaines PVVIH ayant un traitement pourtant efficace pour maintenir la charge virale indétectable.

Le phénomène d’inflammation chronique chez les PVVIH traitées est déjà connu depuis plusieurs années [iv], mais jusqu’à maintenant très peu de données permettaient d’en expliquer clairement les raisons.

  • L’existence des réservoirs actifs chez les PVVIH a été validée par trois études publiées dans un intervalle très court [i, ii, iii], chacune ayant été menée dans un contexte différent :

    • Une étude publiée par le Dr Kaufmann dans la revue Cell Host and Microbe [i] incluait 18 hommes infectés par le VIH depuis en moyenne 20 ans, traités avec des ARV à la suite d’une période plus ou moins longue sans ARV.

    • Publiée dans le même journal, une autre étude du Dr Trautmann a été conduite à plus large échelle avec 82 hommes au total : 48 traités en phase chronique pendant 96 semaines et 34 traités en phase précoce pendant 24 ou 96 semaines. Ces hommes faisaient partis d’une étude menée en Thaïlande.

    • Enfin, les travaux publiés dans AIDS par le Dr Imamichi comprenaient 23 PVVIH ayant une charge virale détectable ou non. La particularité de cette étude repose sur le fait que trois de ces patients ont été suivis régulièrement sur une période de 20 ans.

    La détection de réservoirs actifs dans des contextes différents – durée du traitement, laps de temps avant la prise des ARV, présence d’une charge virale détectable ou non et chez des PVVIH de différentes régions du monde – met en lumière l’importance à tenir compte de ce type de réservoirs – et de leur potentielles conséquences – dans le suivi clinique des PVVIH.

Notes et références

[i] Kaufmann et al., Cell Host & Microbe September 2023 https://doi.org/10.1016/j.chom.2023.08.006

[ii] Trautmann et al., Cell Host & Microbe September 2023 https://doi.org/10.1016/j.chom.2023.08.012

[iii]Imamichi et al., AIDS November 2023 https://doi.org/10.1097/QAD.0000000000003667

[iv] Neogi et al., Frontiers in Immunology 2019 https://doi.org/10.3389/fimmu.2019.01965

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