vih Au Sud, les associations comme accélérateur de dépistage

20.12.21
Romain Loury
6 min

Alors que le dépistage a connu un coup de frein avec le Covid-19, le rôle des associations des pays du Sud pour tester et accompagner les personnes est plus que jamais d’actualité. Un message porté par Coalition Plus à l’occasion de sa deuxième Semaine internationale de dépistage, organisée fin novembre dans 40 pays.

Comment parvenir à dépister 95 % des personnes vivant avec le VIH, selon l’objectif fixé par l’Onusida pour 2030 ? En recourant davantage au dépistage communautaire, mené par des acteurs de terrain au plus proche des publics exposés. Tel est le pari lancé par la fédération Coalition Plus, qui intervient auprès d’une centaine d’associations dans 52 pays, avec la Semaine internationale du dépistage [i]. Après une première édition fin 2020, la seconde s’est déroulée du 22 au 28 novembre.

Pour Serge Douomong Yotta, directeur du plaidoyer de Coalition Plus, « sans un meilleur dépistage, nous n’arriverons jamais à atteindre la cible des 3 X 95 [ii] fixée par l’Onusida pour 2030. Pour cela, il faut davantage sensibiliser à la problématique du dépistage, et cibler le public où l’on trouvera ces 95% de personnes ». Lors de la Semaine internationale du dépistage, une cinquantaine d’associations partenaires, réparties dans 40 pays, ont proposé non seulement celui du VIH, mais aussi des hépatites (B, C) et des infections sexuellement transmissibles (IST).

Le bilan de la première édition démontre l’intérêt de l’approche communautaire : sur 13.844 tests VIH pratiqués, le taux de positifs était de 2,6 %. Il était de 3,8 % pour les 4.919 tests VHC, de 5,2 % pour les 5.202 tests VHB. En Afrique centrale et de l’est, le taux de positifs au VIH s’élevait même à 9 %. Sur la zone Moyen-Orient/Afrique du Nord, 12 % des tests VHB étaient positifs. Quant à l’Inde, la proportion de tests positifs était proche de 36 % pour le VHC. « Ces résultats nous donnent des éléments pour orienter l’offre de dépistage, nous montrent quelles zones et quels publics concernés cibler en priorité », explique Serge Douomong Yotta.

Un travail de terrain à soutenir

Du fait de la pandémie de Covid-19, la santé mondiale a connu un trou d’air historique en 2020. Le dépistage du VIH/sida n’a pas été épargné : selon le Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, le nombre de tests pratiqués dans les pays qu’il assiste a chuté de 22% entre 2019 et 2020. Tout porte à croire que les chiffres de 2021 seront à peine meilleurs. « Selon nous, la baisse aurait été bien plus grande si les pairs éducateurs n’avaient pas maintenu leur offre de dépistage, en proposant des autotests, en apportant la PrEP [prophylaxie pré-exposition] et le traitement à domicile, ainsi que les préservatifs et les lubrifiants », estime Serge Douomong Yotta.

D’où le message véhiculé par Coalition Plus à l’occasion de la deuxième Semaine internationale du dépistage : les acteurs communautaires sont les mieux placés pour dépister les publics les plus exposés. « Les pairs éducateurs sont ceux qui portent le combat, car ils connaissent bien les groupes qui contribuent à la dynamique de l’épidémie », juge Serge Douomong Yotta. Or leur rôle est peu valorisé, voire ignoré, par les autorités de nombreux pays. Nombre d’entre eux agissent par simple bénévolat, tandis que d’autres sont indemnisés via le Fonds mondial ou le programme américain Pepfar, principaux bailleurs internationaux de la lutte contre le VIH/sida.

Une action entravée par des freins légaux et économiques

« Nous voulons montrer aux autorités sanitaires nationales que nous pouvons offrir une meilleure offre de dépistage aux personnes les plus exposées au VIH, qui n’y arriveraient pas avec le système classique », explique Serge Douomong Yotta. Pas toujours facile dans des pays qui, lorsqu’ils n’interdisent pas l’homosexualité, se montrent peu empressés à punir les crimes LGBT-phobes. Ce qui conduit à invisibiliser les publics, pairs éducateurs compris, engendrant un environnement peu propice au dépistage, à l’accompagnement et à la prise en charge.

Outre la pauvreté inhérente à de nombreux pays affectés par le VIH/sida, l’approche communautaire de la santé se heurte à la question de la démédicalisation – qui n’est pas toujours au goût du corps médical. Ou encore à des problèmes de coordination entre partenaires techniques et financiers de la lutte contre le VIH/sida, éclatée entre bailleurs internationaux et autorités sanitaires nationales. « Dans les pays, c’est le Haut conseil de lutte contre le sida qui devrait assurer le rôle de coordination » entre les différents acteurs, estime Serge Douomong Yotta.

Pour Agnès Soucat, responsable de la santé et de la protection sociale à l’Agence française de développement (AFD), « il est essentiel de mettre en place des systèmes de santé au service des personnes, où celles-ci ne sont pas que des bénéficiaires, mais aussi des acteurs ». Si elle peine à s’ancrer dans les pays du Nord, la démocratie sanitaire reste largement à construire dans ceux du Sud, où la vision du système de santé repose sur « un modèle d’Etat fort, servi par des fonctionnaires : c’est une problématique universelle, qui est encore plus perceptible dans ces pays », ajoute Agnès Soucat. Selon elle, les grands bailleurs internationaux, qui financent en premier lieu les Etats, font peu pour arranger la situation. « Peut-être le Fonds mondial pourrait-il davantage subventionner les fondations non étatiques », avance-t-elle.

Intégrer les agents communautaires aux réponses nationales

Alors que le rôle des acteurs communautaires dans la lutte contre le VIH/sida n’est plus à démontrer, Coalition Plus souhaite une meilleure reconnaissance de leur travail : intégration des agents dans les plans nationaux de santé, mise en place d’un cursus de formation menant à une certification, intégration des données du dépistage communautaire aux données nationales, définition de cadres nationaux d’intervention des acteurs communautaires à toutes les étapes du parcours de soins, reconnaissance d’un statut professionnel et droit à un régime de protection sociale.

En la matière, le sommet régional de haut niveau sur le VIH/sida en Afrique de l’ouest et du centre, qui s’est tenu début novembre à Dakar, est « pleinement satisfaisant », estime Serge Douomong Yotta. « C’est la première fois qu’il y a une mobilisation politique de cette ampleur sur le sujet », ouvrant la voie à la reconnaissance et l’intégration des organisations communautaires. Des engagements à suivre.

Notes

[i] Menée par Coalition Plus, la Semaine internationale du dépistage est cofinancée par l’Agence française du développement (AFD), avec le soutien d’Expertise France, de la fondation Aidsfonds et du Robert Carr Fund.

[ii] 95% de personnes vivant avec le VIH connaissant leur statut. Parmi elles, 95% sous traitement. Et parmi ces dernières, 95% avec une charge virale indétectable. Cet objectif succède à celui, fixé pour 2020, des « 3 X 90 ».

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