vih Dépistage : au Maroc, les autotests désormais disponibles

22.12.21
Hélène Ferrarini
6 min

L’autotest continue son déploiement à travers le monde. Au Maroc, il a été mis sur le marché en avril dernier, après une expérimentation pilotée par l’Association de lutte contre le SIDA (ALCS). Ce mode complémentaire de dépistage permettra peut-être d’atteindre les 30 % de personnes vivant avec le VIH qui ignorent leur statut sérologique dans le royaume chérifien.

En 2019, l’ALCS, association historique de lutte contre le virus fondée au Maroc en 1988 « alors qu’il y avait moins de 20 cas de VIH/SIDA diagnostiqué » et aujourd’hui présente dans 19 villes du pays, a été sollicitée par le Ministère de la santé marocain pour expérimenter la diffusion d’autotests. D’après des données transmises par l’association, 3356 kits d’autodépistage salivaire ont ainsi été distribués en 2019-2020 au Maroc, dans le cadre d’une expérience pilote menée conjointement par l’Association de lutte contre le SIDA (ALCS) et le Ministère de la santé.

« Au Maroc, la cascade de prise en charge est bonne, mais le gap est important au niveau du dépistage », décrit Amal Ben Moussa, responsable recherche au sein de l’ALCS. « On continue à avoir des personnes qui arrivent à un stade avancé » de la maladie, précise-t-elle. Avec 70 % des personnes vivant avec le VIH connaissant leur statut sérologique, l’objectif des 90 % fixé par l’ONUSIDA est encore loin. Sur près de 37 millions de Marocain.es, 22 000 personnes vivent avec le VIH, d’après les estimations de l’organisation onusienne pour 2020. Le taux de prévalence y est donc faible, à moins de 0,1 % de la population. Mais l’épidémie est bien présente : « près de 67 % des nouvelles infections surviendraient parmi les populations clés et leurs partenaires », note le Ministère de la santé du Maroc dans sa « stratégie nationale pour les droits humains et le VIH/SIDA » pour 2018-2021. Ainsi, 1,3 % des travailleuses du sexe (TS) seraient séropositives, 4,5 % des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), 7,1 % des personnes s’injectant des drogues, 3 % des migrants, 0,5 à 1 % des détenus, et 0,4 à 1 % des ouvrières saisonnières, d’après les données du Ministère de la santé du Maroc, qui souligne le « caractère concentré et hétérogène de l’épidémie VIH » [i].

Un outil peu connu

L’expérience pilote, qui s’est déroulée de 2019 à 2020, a dans un premier temps cherché à « vérifier que les autotests sont utilisables par les populations clés », explique Amal Ben Moussa qui a piloté l’étude. Près de 500 tests ont ainsi été distribués à des personnes fréquentant les centres de l’ALCS à Agadir, Rabat, Marrakech, Casablanca et Tanger. Cette première diffusion a permis de conclure à l’utilisabilité des autotests « quelque soit le niveau scolaire et socio-démographique », commente Amal Ben Moussa, et ce alors que « seulement 19 % des participants connaissaient l’existence de l’autotest VIH avant de participer à cette étude ». Tout comme pour les programmes de diffusion massive d’autotests en Afrique australe et de l’Est (programme STAR porté par l’ONG américaine PSI) et en Afrique de l’Ouest (programme ATLAS de l’association française Solthis), l’acceptabilité de ce nouveau mode de dépistage est bonne ; les principales interrogations portent donc sur les modèles de distribution et le lien vers la prise en charge et le soin en cas de test positif [ii].

Au Maroc, plusieurs modes de diffusion ont été expérimentés, en s’intéressant principalement « aux HSH et aux TS qui ne viennent pas dans nos centres », souligne la responsable recherche de l’ALCS. Des pairs éducateurs des villes d’Agadir, Rabat, Marrakech, Casablanca et Tanger ont distribués près de 2500 kits d’autodépistage, tout en remplissant un questionnaire qui a permis de constater que « 73 % des participants n’[avaie]nt jamais fait un dépistage VIH auparavant ».

Ensuite, l’expérience pilote de l’ALCS a visé des « personnes qu’on n’arrive pas du tout à toucher », en recourant à internet, explique Amal Ben Moussa à Transversal. Pour cela, les personnes intéressées devaient remplir un questionnaire en ligne à l’issue duquel elles se voyaient délivrer un code leur permettant de retirer gratuitement un kit d’autodépistage en pharmacie. Ce mode de diffusion a été testé dans les grandes villes de Casablanca et Marrakech et a permis de distribuer 227 kits.

Enfin, l’étude a diffusé environ 200 kits à des personnes vivant avec le VIH accompagnées par l’ALCS afin qu’elles puissent proposer l’autodépistage à leurs partenaires. Ce mode de distribution secondaire, ajouté dans l’étude à la demande du Ministère de la santé, a abouti à des résultats de dépistage positif pour 9 personnes, dont 4 sont « arrivées à la prise en charge », d’après les données transmises par ALCS, qui précise que l’analyse de cette phase de l’expérience pilote est encore en cours.

3000 autotests diffusés

Sur l’ensemble de ces modes de diffusion, le taux de retour d’information pour l’ALCS, via une ligne téléphonique dédiée – également joignable par message et WhatsApp – dont le numéro se trouvait dans les kits d’autodépistage, reste relativement faible : 26 % de retours pour la distribution par les pairs éducateurs, 9 % pour la distribution gratuite en pharmacie. Mais pour Amal Ben Moussa, c’est le propre de l’autodépistage. « On s’est dit que l’on allait faire notre maximum pour avoir des retours, mais qu’il nous fallait aussi accepter cela [de ne pas avoir de retour, ndlr]. Le but principal, c’est de distribuer le kit et que les gens se fassent dépister » rappelle-t-elle. De fait, ces plus de 3000 autotests distribués ont abouti, à la connaissance de l’ALCS, à 1,2 % de positivité pour ceux diffusés via les pairs éducateurs, 0,88 % de positivité pour les kits récupérés en pharmacie. 50 % des autotests aux résultats positifs ont été suivis par une prise en charge de la personne ainsi dépistée.

Suite à cette étude, les autotests ont été mis sur le marché en avril 2021 au Maroc. En pharmacie, un kit est aujourd’hui vendu 195 dirhams, soit près de 19 euros, ce qui « reste cher », commente Amal Ben Moussa. D’après une étude menée entre décembre 2019 et mars 2020, avant la crise du Covid-19, le revenu mensuel moyen était au Maroc de 1793 dirhams par personne (soit 170 euros) [iii].

En parallèle de la vente dans les pharmacies, qui de par son prix est inaccessible à une majorité de Marocain.es, des autotests sont désormais distribués gratuitement par l’ALCS, dans les 19 centres de l’association à travers le pays et via ses pairs éducateurs. « La valeur ajoutée de la diffusion d’autotests au Maroc est qu’elle a été principalement communautaire. Le rôle des éducateurs pairs est très important », insiste Amal Ben Moussa. 4000 kits sont annuellement fournis à l’ALCS par le Ministère de la santé, via une dotation du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et la paludisme. Le souhait du ministère de former d’autres associations que l’ALCS à la distribution d’autotests a été retardé en raison de la crise liée au Covid-19.

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