vih Dépistage du VIH : quels tests, pour quel public ?

22.06.20
Vincent Michelon
8 min
Visuel Dépistage du VIH : quels tests, pour quel public ?

Le dépistage est la pierre angulaire des politiques de santé publique conduites actuellement dans la lutte contre le VIH. S’il concerne l’ensemble de la population française, les groupes particulièrement vulnérables font l’objet de recommandations spécifiques. Trois grandes familles de tests sont déployées. Si leur diversification s’est accompagnée d’une hausse du dépistage en France, la couverture des populations cibles reste en deçà des recommandations et des objectifs.

Clé de voûte des politiques de santé publique dans la lutte contre le VIH, le dépistage s’inscrit dans une logique de prévention au sein de la population et de prise en charge globale des personnes infectées, intégrant la promotion du préservatif, le traitement postexposition, la prophylaxie préexposition (PrEP) et la surveillance des infections sexuellement transmissibles (IST). Au cours de la dernière décennie, le dépistage du VIH, notamment au sein des populations les plus vulnérables, a augmenté de façon continue, mais reste insuffisamment ciblé.

Quels sont les chiffres du dépistage en France ?

Selon les statistiques publiées en novembre 2019 dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 31-32 [1], 5,8 millions de sérologies VIH ont été réalisées en 2018, ce qui représentait une hausse de 11 % depuis 2013. Dans la même période, les cas de séropositivité détectés ont diminué de 13 %. Au total, 6 155 personnes ont découvert leur séropositivité en 2018, ce qui représente une baisse de 7 % par rapport à l’année précédente. La baisse des nouvelles découvertes était plus forte chez les personnes nées en France (– 9 %). Cette diminution a été constatée particulièrement chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) nés en France (– 16 %), chez les hétérosexuels nés en France (– 22 %), alors qu’une augmentation des découvertes était constatée chez les HSH nés à l’étranger (+38 %).

Près du quart des découvertes de séropositivité étaient précoces et 29 % des découvertes à un stade avancé de l’infection, des proportions stables depuis trois ans, selon la même source. Les découvertes tardives concernaient pour plus de la moitié d’entre elles des usagers de drogues injectables (UDI). Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité en 2018, 52 % n’avaient jamais été testées pour le VIH auparavant, en particulier chez les UDI (81 %) et les personnes nées en Afrique subsaharienne (65 %). L’enjeu d’un dépistage précoce est double : permettre un accès rapide aux soins afin de réduire la charge virale de la personne et prévenir de nouvelles contaminations.

Quels sont les différents modes de dépistage ?

En 2018, les trois quarts des sérologies étaient effectués par les laboratoires de ville, contre un quart dans les laboratoires hospitaliers. Environ 290 000 sérologies VIH ont été réalisées dans un cadre anonyme, soit 5 % de l’ensemble des sérologies pratiquées.

On distingue trois modalités de dépistage, déclinées dans les recommandations du groupe d’experts Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH (avril 2018) [2]. Selon ces experts, la performance de ces trois types de tests est jugée « globalement équivalente, sauf en cas d’exposition récente » (inférieure à trois mois).

Le test Elisa dit de 4e génération, réalisé en laboratoire, permet le dépistage des infections récentes (plus de six semaines et moins de trois mois). En cas de résultat positif, un second test, le test Western-Blot, est réalisé sur le même prélèvement pour confirmer le résultat et différencier des infections par le VIH-1 ou par le VIH-2. En cas de confirmation, un second prélèvement doit être réalisé dans la foulée.

Le test rapide d’orientation diagnostique (Trod) est un test unitaire destiné à fournir un résultat dans un délai court (30 minutes). Il ne peut être utilisé lorsque la prise de risque date de moins de trois mois. Il contient aussi un réactif détectant le VIH-1 et le VIH-2. Un test positif nécessite l’orientation systématique de la personne vers une structure de soins, en vue de la réalisation d’un nouveau test en laboratoire.

Les ADVIH, ou autotests, s’appuient sur la même technologie que les Trod, mais ils sont accessibles au grand public. Ils sont également utilisés lorsque la prise de risque est postérieure à trois mois. Vendus en pharmacie, ils peuvent être utilisés et interprétés directement par l’utilisateur. Dans ce cadre, un test positif doit être confirmé par un test Elisa de 4e génération.

Enfin, il existe des tests dits par autoprélèvement  pour les IST, présentés sous forme de kit, que les personnes adressent à un laboratoire, pour un résultat différé. Ils sont au stade expérimental en France. En novembre 2019, cet essai a fait l’objet d’une étude relative au profil des utilisateurs, disponible sur le site de Santé publique France [3].

Quelles recommandations pour les populations vulnérables ?

Si le dépistage s’adresse à tous les publics, les autorités sanitaires donnent la priorité aux « populations clés », les plus exposées et les plus vulnérables. La stratégie de dépistage de l’infection par le VIH fait l’objet de recommandations précises, synthétisées par la Haute Autorité de santé (HAS) [4]. Selon ces recommandations, le dépistage doit être réalisé tous les trois mois chez les HSH à haut risque d’exposition, tous les ans chez les UDI et les personnes originaires de zones à forte prévalence, dont l’Afrique subsaharienne. Dans la population générale, le dépistage est recommandé « au moins une fois dans la vie de 15 à 70 ans ».

En outre, le test VIH doit être systématiquement proposé en cas de diagnostic d’IST, d’hépatite B ou C, en cas de grossesse ou de projet de grossesse, en cas de prescription d’une contraception ou d’une interruption volontaire de grossesse, d’incarcération et dans le cas où une personne a subi un viol.

En fonction de la prise de risque sexuel, il est enfin recommandé de proposer des tests conjoints pour le VIH, le VHB et le VHC, conformément aux préconisations du groupe d’experts d’avril 2018.

Quelles sont les limites et comment y remédier ?

Dans une note publiée en novembre 2019 [5], le Conseil national du sida (CNS) pointe les faiblesses en matière de dépistage en France et synthétise les propositions pour y remédier. L’objectif fixé par la France pour 2020, « 95-95-95 », soit 95 % des personnes séropositives connaissent leur statut sérologique, 95 % des personnes séropositives reçoivent un traitement et 95 % des personnes sous traitement ont une charge virale « durablement supprimée », reste un horizon. Ces objectifs « ne seront pas atteints en 2020, estime le CNS. L’offre actuelle peine à s’inscrire dans les modes de vie d’une partie des publics ciblés et demeure insuffisamment attractive, peu accessible, voire inadaptée aux besoins des personnes. »

Plusieurs barrières sont identifiées : un déploiement « inégal » des nouveaux outils de dépistage, un « passage à l’échelle insuffisant », un manque d’accès persistant à l’information, mais aussi des structures « trop rigides » pour des publics plus autonomes, ayant pris en charge leur santé sexuelle. Le CNS pointe également l’implantation inégale des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) sur le territoire, ainsi que des structures associatives qui proposent les Trod.

Pour permettre la montée en puissance du dépistage au sein des populations clés et réduire le délai entre le début de l’infection et son diagnostic, le CNS ouvre plusieurs pistes. Il souhaite la mobilisation des acteurs en médecine de ville (laboratoires d’analyse médicale, centres de santé, médecins généralistes, sages-femmes, pharmacies). Il préconise un renforcement du diagnostic en laboratoire, sur la base de l’expérimentation baptisée « Labo sans ordo », permettant de réaliser un test sans ordonnance. Il recommande en outre la création d’un service « d’accompagnement à l’information du partenaire », l’extension du dépistage par le Trod, la mise en libre accès en pharmacie, ainsi qu’une nouvelle réduction du coût des autotests et, enfin, l’extension de l’expérimentation du kit d’autoprélèvement à domicile, qui permet de dépister, d’un seul tenant, cinq IST virales et bactériennes.

Notes

[1] http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/31-32/2019_31-32_1.html

[2] Recommandations du groupe d’experts :

https://cns.sante.fr/wp-content/uploads/2018/04/experts-vih_prevention-depistage.pdf

[3] https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/210614/2421262

[4] Réévaluation de la stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France, HAS, mars 2017 :

https://www.has-sante.fr/jcms/c_2024411/fr/reevaluation-de-la-strategie-de-depistage-de-l-infection-a-vih-en-france

[5] Note valant avis sur les orientations de la politique de dépistage du VIH en France, CNS, nov. 2019 : https://cns.sante.fr/rapports-et-avis/nva-depistage-2019/

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