vih Drogues : l’Afrique de l’Ouest et du Centre prise en étau

10.12.22
Cécile Josselin
5 min

Le dernier rapport mondial sur les drogues de l’ONUDC s’est intéressé à l’Afrique de l’Ouest et du Centre, engluée dans le cercle vicieux des interactions entre drogues et conflits armés.

La consommation de drogues a longtemps été perçue comme un problème occidental propre aux pays riches, dont l’Afrique restait relativement épargnée. Or cette situation commence à changer, comme le souligne le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) présenté le 27 juin 2022 à Abidjan (Côte d’Ivoire) dans le cadre des célébrations de la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues. 

Ce rapport estime en effet que la prévalence de la consommation de cannabis et d’opioïdes pharmaceutiques est supérieure en Afrique de l’Ouest et du Centre aux moyennes mondiales, notamment chez les hommes âgés de moins de 35 ans. À cela, l’ONUDC donne une première explication : « La fragilité et les atteintes à l’état de droit générées par les conflits et les violences politiques offrent un environnement propice à la production et au trafic de drogues, générant des revenus pour des groupes armés qui, à leur tour, alimentent les conflits.»

Premier élément à prendre en compte : à partir des années 2000, le trafic de cocaïne vers l’Europe prend de plus en plus sa source en Afrique de l’Ouest et du Centre (Mauritanie, Sénégal, Niger et Nigéria en tête) via l’Afrique du Nord. Un constat confirmé par des saisies de plus en plus importantes dans cette région. Ainsi, entre 2019 et 2022, au moins 57 tonnes de cocaïne ont été interceptées en Afrique de l’Ouest ou en route vers cette région. Le Cap-Vert arrive largement en tête avec la prise de 16,6 tonnes de drogue, suivi par le Sénégal (4,7 tonnes), le Bénin (3,9 tonnes), la Côte d’Ivoire (3,5 tonnes), la Gambie (3 tonnes) et la Guinée-Bissau (2,7 tonnes).

En outre, comme les 90 % de la cocaïne saisie dans le monde suivent des routes maritimes, le Dr Amado Philip de Andrés, directeur régional de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, estime que « la promotion de la coopération internationale visant à perturber le trafic de drogues, en particulier sur les voies maritimes, reste un objectif clé.» 

Une zone de consommation grandissante

Autre problème qui affecte cette région, d’une simple zone de transit, l’Afrique de l’Ouest et du Centre est devenue une zone de consommation grandissante de drogues. Pour preuve, 9,7 % de la population âgée de 15 à 64 ans a consommé du cannabis en 2020 et 2,4 % des opioïdes pharmaceutiques à des fins non médicales, contre, respectivement, 3,8 % et 1,2 % au niveau mondial. Moins cher que l’héroïne, le tramadol (un antalgique de la famille des opioïdes normalement utilisé dans le traitement de la douleur) ne cesse de se développer en Afrique où il fait des ravages.

L’usage des drogues injectables est également une réalité alarmante dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, et ce, malgré un déni général des autorités de santé locales qui tardent à mettre en place des programmes de réduction des risques, avec des conséquences de plus en plus inquiétantes. Selon Dr Moussa Sarr, coïnvestigateur principal de l’enquête sur les usagers de drogues injectables en Afrique de l’Ouest (interviewé par la BBC en août 2021), «[…] les consommateurs de drogue sont deux à quatre fois plus exposés au VIH/sida, à l’hépatite C et à la tuberculose ».

En cause, les tensions politiques qui existent depuis 2020 dans des pays d’Afrique de l’Ouest, par exemple au Burkina Faso, en Guinée et au Mali. Un contexte qui, comme l’explique le rapport de l’ONUDC, offre un environnement favorable à la production et au trafic de drogues. 

Produite en Afrique du Nord, la résine de cannabis, dont les groupes armés sahéliens organisent le trafic vers l’Europe et le Moyen-Orient, peut, à son tour, donner lieu à des affrontements meurtriers entre les groupes armés de la région. Le résultat est le développement et/ou le maintien des narco-États qui ont de graves conséquences sociales, politiques et sanitaires. Une situation facile à comprendre quand on songe que «le trafic de cocaïne rapporte aux trafiquants plus de 2 milliards de dollars américains par an, une somme bien supérieure au PIB de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ».

Les solutions promues par l’ONUDC

Pour contrer ces différents problèmes, des programmes régionaux de lutte contre le sida, financés par le Fonds mondial [de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme], sont mis en place. Certains États prennent également les choses en main, comme les autorités ivoiriennes qui s’engagent à lutter contre la consommation et le trafic de stupéfiants, avec le soutien de l’ONUDC. Cependant, le message peine à passer auprès des politiques locaux, qui privilégient encore une politique répressive criminalisant la toxicomanie et rendant ainsi la politique de réduction des risques difficile à mettre en œuvre. La possession de seringues et d’aiguilles étant largement interdite dans cette région du monde, les consommateurs ont tendance à partager le matériel et s’exposent ainsi au risque de contamination par le VIH, comme cela était le cas dans les pays occidentaux avant la prise de conscience des effets pervers de cette politique. L’Onusida tente pourtant activement de changer les choses et milite depuis 2018 pour la décriminalisation de la possession de drogues pour usage personnel en Afrique, avec le soutien croissant d’organisations de la société civile.

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