vih En Afrique centrale, un projet pilote pour lutter contre les cancers du col de l’utérus

28.03.23
Hélène Ferrarini
7 min
Visuel En Afrique centrale, un projet pilote pour lutter contre
les cancers du col de l’utérus

Un projet pilote propose des dépistages du cancer du col de l’utérus au Burundi et dans la région du Sud-Kivu en République démocratique du Congo, pour lutter contre cette maladie qui atteint plus massivement les femmes vivant avec le VIH.

Les femmes vivant avec le VIH ont six fois plus de risques de développer un cancer du col de l’utérus que les femmes séronégatives. Avec le cancer du sein, c’est le cancer qui tue le plus de femmes africaines. Pour l’ONUSIDA, « les femmes sont dix fois plus susceptibles de mourir d’un cancer du col de l’utérus en Afrique orientale et australe qu’en Europe occidentale » [i].

« C’est une maladie qui tue dans le silence », résume Angéline Inamahoro, coordinatrice de projet Santé sexuelle et reproductive pour l’ANSS (Association Nationale de Soutien aux Séropositifs et malades du sida) au Burundi. « Les gens ne sont pas informés que le cancer est une maladie qui peut être prévenue ; au contraire, c’est vu comme une maladie qu’on ne peut prévenir. Alors le message que l’on va lancer, c’est que c’est une maladie curable à partir du moment où on la prend à temps » décrit-elle, quelques jours avant le lancement d’une campagne de sensibilisation et de dépistage à une échelle inédite au Burundi.

Le cancer du col de l’utérus est une tumeur maligne développée à partir de la muqueuse du col utérin, principalement due à une infection par papillomavirus humain (HPV). Si dans 90 % des cas, cette infection guérit spontanément, elle peut aussi provoquer des lésions précancéreuses, susceptibles d’évoluer avec le temps en cancer. Pour l’OMS, si un cancer du col met 15 à 20 ans à se développer chez des femmes dotées d’un système immunitaire normal, il peut mettre seulement 5 à 10 ans chez des femmes présentant un système immunitaire affaibli, comme celles vivant avec le VIH [ii].

« Sauver la vie d’une femme en faisant en sorte qu’elle ait accès au traitement antirétroviral contre le VIH, pour qu’elle finisse par mourir du cancer du col de l’utérus, c’est intolérable », avait ainsi déclaré en 2019 Shannon Hader, directrice exécutive adjointe de la branche Programme de l’ONUSIDA.

C’est dans ce contexte que Sidaction mène actuellement un programme avec deux associations partenaires – l’ANSS au Burundi et SOS Sida dans la région du Sud-Kivu dans l’Est de la République démocratique du Congo – associées aux services de santé étatiques de ces deux pays d’Afrique centrale. Le programme, cofinancé par l’Initiative, court sur trois ans, de janvier 2022 à décembre 2024, et met l’accent sur le dépistage du cancer du col de l’utérus. 

« Rien n’était fait dans le domaine »

Le projet a débuté avec la formation des soignants et la formation au plaidoyer sur le sujet. Il a pris son envol récemment avec le lancement officiel de la campagne de dépistage à l’occasion de la journée internationale de sensibilisation aux papillomavirus (HPV) du 4 mars et de la journée des droits des femmes du 8 mars. « L’objectif des deux ans à venir est que les associations et les sites publics impliqués proposent des dépistages et des consultations à toutes les femmes », explique Olivia Sylla, responsable continuum des soins chez Sidaction, avec l’objectif de 8000 femmes dépistées à l’issue du programme. « On part de rien, rien n’était fait dans ce domaine », souligne-t-elle. 

Pour l’ANSS, association pionnière de lutte contre le VIH créée au Burundi en 1993, c’est effectivement une première, confirme Angéline Inamahoro, coordinatrice de projet Santé sexuelle et reproductive. 263 femmes ont été dépistées lors de la campagne qui s’est tenue du 7 au 10 mars. « 11 % des femmes dépistées présentaient des lésions précancéreuses. Une partie a bénéficié directement du traitement », par thermocoagulation mais pour celles qui sont au stade cancer, Angéline Inamahoro alerte sur l’absence actuelle de solutions : « le traitement du cancer est très cher et n’est pas disponible au pays », sollicitant l’appui de partenaires. Dans ce pays de 12 millions d’habitants situé dans la région des Grands Lacs, douze sites proposeront désormais des dépistages des cancers du col de l’utérus : des antennes de l’ANSS et des structures publiques.

Pour Olivia Sylla de Sidaction, « l’objectif est de dépister toutes les femmes de la file active de l’association », soit près de 4000 personnes. Angéline Inamahoro confirme : « nous avons sensibilisé à travers les réseaux des femmes vivant avec le VIH pour qu’elles viennent se faire dépister. Mais pour éviter la discrimination, nous n’annonçons pas à la radio que nous souhaitons spécifiquement dépister les femmes vivant avec le VIH. Toutes les femmes sont concernées, mais en passant par ces réseaux, on sait que l’on va atteindre celles vivant avec le VIH jusque dans les coins reculés, dans les collines. »

Le dépistage du cancer du col de l’utérus : une nouveauté

En République démocratique du Congo, la question des personnes ciblées par cette campagne se pose aussi. « Le projet est axé sur les femmes vivant avec le VIH, mais dans notre contexte avec un taux de stigmatisation très élevé, si on se limite aux femmes séropositives on risque de renforcer la stigmatisation, donc c’est destiné à toutes », explique Dr Léonie Saidi, médecin coordinatrice de l’association SOS Sida, qui accompagne 700 femmes vivant avec le VIH.

En République démocratique du Congo, le programme se déploie au niveau régional, dans le Sud-Kivu, une zone frontalière et de transit, proche du Rwanda et du Burundi, où se trouvent de nombreux sites miniers. Quatre sites proposeront des dépistages : deux de l’association SOS Sida et deux centres de santé publique, une fois que les outils de communication seront validés par le ministère de la santé, explique Dr Saidi.

Tout comme au Burundi, l’accès au dépistage du cancer du col de l’utérus est une nouveauté dans le Sud-Kivu et plus largement en République démocratique du Congo, immense pays d’une centaine de millions d’habitants. Il y a bien « des gynécologues qui ont fait de petits travaux isolés », commente Dr Saidi. « Mais il n’y a pas de données, d’études globalisantes. » De même, au niveau national, « jusqu’à maintenant, il n’y a pas de normes bien assises ». Le coût d’un tel dépistage est de 70 dollars, témoigne Léonie Saidi, une somme absolument inaccessible pour l’immense majorité de la population, qui vit avec moins de deux dollars par jour.

C’est donc un « projet pilote » que mènent Sidaction, SOS Sida et l’ANSS. Pour Angéline Inamahoro, c’est « une façon de démontrer qu’une organisation de la société civile peut prendre en charge le sujet, par un projet pilote ». Dr Angéline Saidi espère que « la capitale pourra capitaliser sur ce projet ». A terme, l’idée est bien que la démarche soit reprise par les Etats, abonde Anaïs Saint-Gal, chargée de plaidoyer et de programmes internationaux de Sidaction. « Il faut en faire un enjeu de santé publique ».

S’ajoute à cela un plaidoyer pour l’accès au vaccin contre les infections à papillomavirus humain (HPV) au Burundi et en République démocratique du Congo. Le Burundi attend une livraison du GAVI ; l’organisation internationale ayant accepté de lui fournir des vaccins anti HPV, relate Anaïs Saint-Gal. En République démocratique du Congo, « tout est à faire » sur ce point.

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