vih Enfants exposés au VIH mais non infectés : des problèmes neurocognitifs aux difficultés scolaires

05.09.23
Nora Yahia
7 min

Le 9ème workshop sur les enfants et adolescents exposés au VIH s’est tenu lors de la seconde journée de l’IAS 2023. Organisée conjointement avec l’OMS, cette session a mis l’accent sur la santé et le bien-être des 16 millions d’enfants et adolescents exposés au VIH, mais non infectés, dont la grande majorité vit en Afrique sub-saharienne.

Grâce aux programmes de prévention de la transmission de la mère à l’enfant, un grand nombre d’infections VIH péri et post-natales ont pu être évitées. Pour autant, un nouveau problème de santé publique a émergé : la santé fragile des enfants exposés au VIH in-utéro mais non infectés (EENI). Chaque année, un million d’enfants exposés au VIH naissent dans le monde. La prévalence d’enfants exposés non infectés excède les 20 % dans certains de ces pays. Durant les premières années de leur vie, ces enfants ont un risque plus élevé d’hospitalisation et de mortalité que les enfants non exposés. 

L’environnement social et les ARV, des facteurs impactant le développement des enfants

Un grand nombre d’études ont déjà montré que les enfants exposés non infectés présentaient des retards de croissance et un développement neurocognitif inférieur aux enfants non exposés. Différents facteurs biologiques et sociaux jouent un rôle important dans ce déficit. Parmi eux, on retrouve l’exposition in-utéro aux antirétroviraux, les naissances prématurées, la pauvreté et l’insécurité alimentaire. 

Dans la première présentation du 9ème workshop sur les enfants et adolescents exposés au VIH, la Dr Michelle Bulterys s’est intéressée au développement neurocognitif de ces enfants au Kenya, où leur nombre est estimé à un million. L’étude HOPE a pris place auprès de 2000 mères et leurs nourrissons exposés ou non au VIH. Le premier objectif de l’étude s’intéressait au développement neurologique des nourrissons âgés d’un an. 

Les équipes ont utilisé un outil de mesure spécifique, prenant en compte le contexte du pays. Cet outil mesure quatre domaines : le langage expressif (habilité à sourire, pleurer), la motricité fine (exécution de mouvement précis et minutieux des mains) et globale (équilibre, coordination générale) et l’interaction sociale. Sur l’ensemble de la cohorte, les naissances prématurées et un accompagnement social insuffisant sont associés à un score plus faible dans le domaine de la motricité globale. Bien que le signalement par les mères d’acte de violence du conjoint soit faible dans les groupes (2-3 %), il est associé à un faible développement de motricité fine et globale de l’enfant. Si l’on compare les groupes entre eux, à l’âge d’un an les enfants EENI ont des scores de développement neurologique comparables aux enfants non exposés.

Dans le groupe des enfants EENI, l’absence du père est associée à un score faible de la motricité globale. Les chercheurs ont ensuite comparé l’effet potentiel des traitements pris par les mères. 88 % d’entre elles étaient sous ARV avant la grossesse. Concernant leur régime thérapeutique, 74 % étaient sous un régime à base de dolutégravir, les autres sous efavirenz. Les données à un an montrent que les enfants, dont les mères sont sous efavirenz, présentent un plus faible développement de motricité globale par rapport aux enfants de mère sous dolutégravir. 

Mothers2Mothers : un modèle d’accompagnement communautaire 

Le Eswatini (ou Swaziland) est un petit pays au sud du continent africain présentant la plus forte prévalence VIH au monde (28 %). Si le pays a atteint la cible ONUSIDA des 95-95-95, le Swaziland compte tout de même 140 000 enfants exposés non infectés. L’association mothers2mothers (m2m) fournit des services médicaux, un accompagnement et un soutien aux femmes et à leurs familles dans les établissements de santé et les communautés locales. Ce sont des femmes vivant avec le VIH qui sont recrutées pour jouer le rôle de mentors et aider les autres mères sur les questions relatives à leur santé et celle de leurs enfants. Le but de ces interventions est d’améliorer les soins qui leur sont apportés et donc leur santé ainsi que leur vie sociale. Différents services sont proposés : santé (vaccination, santé mentale), nutrition (suivi de croissance, alimentation complémentaire), administratif (enregistrement des naissances), soutien à l’apprentissage et l’éducation (lecture, activité de groupe). 

Une étude a été menée dans 15 cliniques du pays financées par le PEPFAR. Pour neuf d’entre elles, les services proposés restaient dans les standards de soin et six autres bénéficiaient de l’intervention de l’association m2m en complément. L’étude s’intéressait à savoir si ce type de soutien améliore le développement neurologique, la croissance des enfants et la santé mentale des mères. 

Concernant la croissance des enfants, aucune différence n’a été noté entre les groupes. En revanche, les données montrent un effet direct des interventions de m2m sur le langage expressif des nourrissons à 18 mois. Ces effets peuvent aussi être indirects. Les interventions menées au domicile des mères, et notamment le prêt de livres, sont associées avec la mise en place d’activités de lecture par les mères. Ceci a un effet sur le langage expressif des enfants. 

A l’inclusion, le pourcentage de mère souffrant de dépression était assez élevé (45 % dans le groupe contrôle et 34 % dans le groupe avec intervention). Une réduction significative du pourcentage a pu être observée des neuf mois de suivi dans les deux groupes (16.3 %/13.5 %). Aucune corrélation n’a été trouvée entre l’état dépressif des mères et le développement neurologique des nourrissons. Les interventions axées sur la nutrition, basées sur les soins ciblant les mères vivant avec le VIH et les enfants, améliorent le développement neurologique des enfants.

Des difficultés scolaires pour les enfants exposés non infectés

La dernière présentation du workshop s’est intéressée aux performances scolaires des enfants exposés non infectés au Bostwana [i]. FLOURISH est une étude observationnelle prospective en cours incluant des couples mère-enfant qui avaient déjà participé à des études sur la santé maternelle et infantile par le biais du partenariat du Botswana Harvard AIDS Institute et pour lequel des données sur le statut sérologique de la mère, le traitement antirétroviral (TAR), les antécédents obstétricaux, le statut sérologique des enfants au cours d’au moins 18 mois de vie ont été collectés. 

L’étude a inclus 1135 enfants entre 0 et 17 ans, dont 75 % sont exposés non infectés. La cohorte évalue entre autres l’effet de l’exposition in-utero au VIH/ARV sur la mortalité précoce, le fonctionnement neurocognitif et les facteurs de risque cardio-métaboliques. L’étude s’est aussi intéressée au parcours scolaire des enfants. Les notes scolaires antérieures des enfants, dans des matières principales (mathématique, l’anglais et sciences) sont enregistrées lors de l’inscription et un suivi du parcours scolaire est ensuite réalisé. L’analyse des données, menées sur 400 enfants, montrent que les résultats scolaires à l’école primaire des enfants exposés non infectées sont plus faibles que les enfants non exposés. 

Si les données se confirment, cela pourrait conduire à des complications en matière de capital humain pour le pays, qui comptent un des taux les plus élevés de nourrissons exposés mais non infectés au VIH. Reste maintenant à identifier les facteurs à l’origine de ces retards pouvant être modifiées. Ensuite, il faudra développer des outils pour identifier les enfants à risque de mauvais résultats scolaires et les actions pour diminuer le risque avant le début de l’éducation secondaire.

Notes et références

[i] Le Bostwana a le 3ème plus haut taux de prévalence d’enfants exposés non infectés, après l’Eswatini et l’Afrique du Sud

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