vih HPV : faut-il vacciner tous les adultes vivant avec le VIH ?

17.04.23
Kheira Bettayeb
8 min

En février 2023, afin de remédier au faible taux de vaccination des Français contre les HPV, Emmanuel Macron a annoncé que cet outil de prévention sera proposé à tous les élèves de 5e dès septembre 2023. Quelques jours plus tard, une association de patients, Actions traitements, a déploré que cette généralisation ne concerne pas également les adultes. Quid des adultes vivant avec le VIH ? Éléments de réponse.

HPV ? Cet acronyme correspond à l’abréviation de ‘Human papillomavirus’ : papillomavirus humains en français. Comprenant plus de 200 types différents (HPV1, 2, 3 etc.) qui infectent les muqueuses génitales et la peau, « ces virus se transmettent très facilement, lors des rapports sexuels, avec ou sans pénétration, et également lors des contacts intimes de peau à peau ou de simples caresses intimes. Résultat, l’infection aux papillomavirus est une des infections sexuellement transmissibles (IST) les plus fréquentes dans le monde », souligne le Pr Geoffroy Canlorbe, gynécologue obstétricien à l’hôpital Pitié-Salpêtrière de Paris et secrétaire général de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale. Selon le Centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes d’Île-de-France (Crips Île-de-France), 80% des personnes contractent des HPV au début de leur vie sexuelle.

Quels risques ?

Si le système immunitaire se débarrasse souvent seul de ces virus, dans 10 % des cas l’infection persiste et, après 10 à 15 ans, voire 20 ans, les HPV peuvent induire des mutations au niveau de l’ADN des cellules infectées et ainsi avoir plusieurs conséquences. Tout d’abord, « certains HPV, dit ‘à bas risque cancérigène’, comme les génotypes 6 et 11, peuvent favoriser le développement de verrues génitales, aussi appelées condylomes », commence le Pr Canlorbe. Si elles sont bénignes, ces tumeurs peuvent néanmoins être gênantes esthétiquement, facilement irritables et très contagieuses. Plus grave, « d’autres HPV, dit ‘à haut risque cancérigène’, comme les 16,18 ou 31, peuvent eux, provoquer des lésions précancéreuses qui peuvent entraîner différents types de tumeurs malignes : cancers du col de l’utérus, de la vulve, du vagin, de l’anus et de la sphère ORL (bouche, gorge…) chez la femme ; et cancers de la sphère ORL, de l’anus et du pénis chez l’homme », continue le médecin parisien. Selon l’Institut national du cancer (Inca), chaque année en France, les HPV provoquent 6 400 cancers, dont 44 % concernent le col de l’utérus, 24 % l’anus et 22 % la sphère ORL… Au niveau mondial, le cancer du col de l’utérus est le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes, avec environ 604 000 nouveaux cas en 2020, d’après l’Organisation mondiale de la santé.

Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont-elles plus à risque ?

Hélas oui. « Comme l’infection par le VIH diminue les défenses immunitaires, même sous traitement ARV efficace, elle augmente le risque d’infection par les HPV et celui de leur persistance. Résultat, les PVVIH sont plus à risque de condylomes et/ou de lésions précancéreuses et de cancers », explique le Pr Canlorbe. Par exemple, selon l’Inca, chez les PVVIH, le cancer de l’anus est le 3e cancer le plus fréquent chez l’homme et le 7e chez la femme. Alors qu’en population générale, il est en 20e et 17e position respectivement, d’après les données de Santé publique France.

Comment agit la vaccination anti-HPV?

« Elle induit la production d’anticorps [des protéines immunitaires, Ndlr] capables de reconnaître spécifiquement les types de HPV ciblés par le vaccin (6 et 11, 16, 18,31, 33, 45, 52, 58 pour le produit le plus récent, le Gardasil ® 9). Si ces anticorps rencontrent ces souches, ils se fixent sur elles et déclenchent une réaction immunitaire permettant la destruction de celles-ci. Ce qui évite une infection persistante et les risques liés », éclaire le Pr Canlorbe. Mais ce n’est pas tout : « En permettant la destruction des HPV, la vaccination diminue aussi, indirectement, le risque de présence de ces HPV chez le vacciné, et donc le risque qu’il les transmette à autrui ».

Quelle efficacité ?

Elle est très élevée ! Concernant les femmes, des travaux suédois de 2020 qui ont concerné plus de 1,67 million de filles et femmes âgées de 10 à 30 ans suivies entre 2006 et 2017, ont conclu à une diminution du risque de cancer du col de l’utérus de 88 % quand cette vaccination est réalisée avant l’âge de 17 ans [i]. Chez les hommes, « le vaccin Gardasil® a prouvé son efficacité clinique en prévention des lésions dues aux génotypes vaccinaux : verrues anogénitales (89,9 %) et lésions précancéreuses de l’anus (77,5 % dans le sous-groupe des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) », explique la Haute Autorité de santé (HAS) dans un document de 2020 [ii]. De fait, comme le préservatif protège imparfaitement des HPV (car il ne couvre pas l’intégralité des parties génitales), la vaccination est le meilleur moyen de se prémunir de ces virus.

Quelles sont les recommandations actuelles pour les PVVIH ?

Précisées dans le chapitre « cancers » du Rapport sur la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH, actualisé en 2017 [iii], ces préconisations sont les mêmes qu’en population générale… Concrètement, la vaccination anti-HPV est fortement recommandée pour les jeunes filles entre 11 et 14 ans, avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans, et, depuis 2021, pour les garçons du même âge. Pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), plus exposés aux HPV, elle est conseillée jusqu’à 26 ans révolus. « Les recommandations actuelles ciblent en priorité les adolescents et les jeunes car la vaccination anti-HPV est d’autant plus efficace qu’on n’a pas encore été exposé au risque d’infection par les HPV, la protection idéale étant procurée avant les premiers rapports sexuels. Ceci dit, point important, le vaccin reste utile même après ceux-ci », explique le Pr Canlorbe.

Faut-il étendre cette vaccination à toutes les PVVIH quel que soit leur âge ?

De fait, « le plus important est de contrôler les taux des cellules immunitaires CD4 et de virus dans le sang (charge virale), via la mise en place d’un traitement antirétroviral (ARV) efficace. Car plus ces deux paramètres seront bien contrôlés, mieux le système immunitaire pourra lutter de lui-même contre les HPV », souligne le Pr Canlorbe. Selon des travaux anglo-espagnols de 2017, qui ont permis d’analyser les résultats de 31 études sur ce sujet [iv], comparées à des femmes vivant avec le VIH non traitées, celles sous ARV efficaces ont, respectivement, 27 %, 41 % et 60 % moins de risque d’être infectées par un HPV, de présenter des lésions précancéreuses et de développer un cancer du col de l’utérus. Ceci dit, continue Geoffroy Canlorbe, « certaines études suggèrent qu’il y aurait un bénéfice à vacciner toutes les PVVIH peu importe leur âge ». Ainsi, une étude espagnole de 2021, réalisée auprès de 129 HSH séropositifs sous ARV, âgés en moyenne de 38,8 ans et suivis pendant 4 ans, a conclu à « une réponse immunitaire de longue durée chez presque tous les hommes vaccinés » [v].

Les choses pourraient-elles bientôt changer ?

Peut-être… Contactée par Transversal, la HAS a indiqué qu’elle pourrait s’emparer de cette question à l’avenir. Mais avant, il sera nécessaire de mener d’autres études, incluant plus de participants et évaluant spécifiquement le risque de développer les cancers associés aux HPV. Il reste pour le moment impossible de dire quand les recommandations pourraient évoluer. En attendant, « dans ma propre pratique, je propose déjà cette vaccination à toutes mes patientes vivant avec le VIH, âgées de plus de 19 ans  », termine le Pr Canlorbe. Mais, précision importante, comme à ce jour les PVVIH de plus de 19 ans (et de plus de 26 ans, pour les HSH) ne font pas partie des groupes pour lesquels cette vaccination est officiellement préconisée, celle-ci reste à leur entière charge – alors qu’elle est remboursée pour les personnes ciblées par les recommandations. Or pour bénéficier d’une vaccination complète (3 doses injectées à 0, 2 et 3 mois), il faut compter plus de 400 euros.

Références

[i] Jiayao Lei et al. N Engl J Med. 1e octobre 2020. doi: 10.1056/NEJMoa1917338. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32997908/

[ii] https://www.has-sante.fr/jcms/p_3147966/fr/papillomavirus-la-vaccination-recommandee-pour-tous-les-garcons

[iii] https://cns.sante.fr/wp-content/uploads/2017/10/experts-vih_cancers.pdf

[iv] Helen Kelly et al.Lancet HIV. Janvier 2018. doi: 10.1016/S2352-3018(17)30149-2. Epub 26 octobre 2017. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29107561/

[v] Carmen Hidalgo-Tenorio et al. Randomized Controlled Trial Viruses. 30 janvier 2021. doi: 10.3390/v13020144. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33498165/

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