vih « Je rêve de spots publicitaires sur les moyens de prévention contre le VIH… »

22.03.23
Kheira Bettayeb
9 min

Militant associatif impliqué dans la lutte contre le VIH, Jonathan Beautin Caëtano vit lui-même avec le VIH. Alors que cette infection se banalise, un combat lui tient particulièrement à cœur : mieux informer les jeunes sur le VIH et les moyens de s’en prémunir… Une sensibilisation qui lui a fait défaut.

En mai, Jonathan Beautin Caëtano fêtera ses 30 ans. Comme beaucoup de jeunes adultes de son âge, celui qui a déjà créé une association humanitaire (New-Smile), a de grands rêves pour le monde : notamment la paix, « surtout depuis la guerre en Ukraine », l’égalité entre les hommes, les femmes « mais aussi les non-binaires », et la justice sociale « avec un salaire convenable pour tous ». 

Jonathan a aussi des aspirations plus personnelles, comme « devenir infirmier… peut-être spécialisé en addictologie », parce qu’il a vu son père mourir de l’alcool. Mais, contraste majeur avec beaucoup de son âge, le jeune homme a également un autre grand rêve plus particulier, qui n’effleure pas la plupart des millennials, ces 25-35 ans qui représentent la première génération née avec le VIH mais pour qui, paradoxalement, le Sida ne semble plus vraiment exister… : « voir un jour des spots publicitaires comme ceux sur les gestes barrières anti-Covid, qui sensibiliseraient cette fois, aux outils de prévention contre l’infection par le VIH. » Des moyens « nombreux, efficaces et remboursés, mais relativement peu connus et adoptés par les jeunes ». Et de citer le préservatif, le dépistage et la « PrEP » (prophylaxie pré-exposition), cette récente stratégie qui consiste à prendre un médicament antirétroviral afin d’éviter d’être contaminé lors d’un rapport sexuel à risque. 

Lui, n’aurait jamais pu bénéficier de cette puissante arme. Car la PrEP est disponible en France depuis seulement 2016. Or Jonathan a été contaminé avant : en 2013. A l’époque, il vit encore avec ses parents à Val-de-Reuil, une petite commune de 15 000 habitants, à près d’une heure de Paris. Et les week-ends, il se rend souvent dans la capitale, « une ville ouverte, en faveur des droits des LGBT » -, où il est hébergé par un ami. C’est en entendant celui-ci lui annoncer qu’il s’apprêtait à réaliser un dépistage du VIH, que Jonathan décide d’en faire de même, « juste pour voir ».

A cette période, le jeune homme ignore qu’il prend des risques en ne se protégeant pas lors de ses rapports sexuels : « dans ma famille, catholique et pratiquante, et mon groupe d’amis, on ne parlait pas de sexualité, et encore moins de préservatif », explique-t-il. Quand l’annonce de sa séropositivité tombe, Jonathan ne comprend pas tout de suite l’air grave du médecin. Il rétorque même : « tant pis, prescrivez-moi des traitements et je ferai attention la prochaine fois », raconte-t-il, avant de partir dans un rire sonore, comme décontenancé par son ignorance du moment.

C’est qu’à l’époque, Jonathan est persuadé qu’il est possible de guérir du VIH… comme le sont encore 32 % des15-24 ansaujourd’hui, selon un sondage Ifop publié à l’occasion de l’édition 2023 du Sidaction ! Or si les trithérapies empêchent le VIH de se multiplier et peuvent le faire disparaître du sang et rendre ainsi la charge virale indétectable, elles ne permettent pas de le déloger de toutes les cellules de l’organisme. Et dès qu’elles sont interrompues, le VIH peut se remettre à proliférer. C’est donc un traitement à vie…

Dès le lendemain de son diagnostic, Jonathan est reçu au service de maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital Bichat – Claude-Bernardde Paris, « où l’équipe s’est montrée bienveillante ». Et le jour même, il commence une trithérapie. Au début, il prend 3 comprimés par jour. Puis seulement 1 (trois en un). Mais ce traitement le ramène tout de même tous les jours à sa maladie. De plus, il est très contraignant ; au point qu’« il m’arrivait souvent d’oublier de le prendre… ou d’en prendre trop », précise-t-il… Sans compter le fait qu’il faut « toujours trimballer sa boîte de comprimés avec soi ; ce qui complique les choses quand on veut rester discret sur sa séropositivité. »

Heureusement, en décembre 2020, après discussion avec son infectiologue, le jeune homme intègre l’essai clinique « Carisel » qui vise à évaluer un traitement « à longue durée d’action » : une combinaison de deux antirétroviraux, le cabotégravir et la rilpivirine, injectable tous les 2 mois. « Une libération ! » Enfin, il peut oublier le VIH pendant 2 mois, « même si l’injection est un peu douloureuse ». Depuis décembre 2021, ce traitement est accessible et remboursé en France pour toutes les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) qui le souhaitent, si elles remplissent certaines conditions (charge virale stabilisée depuis au moins six mois, aucune résistance aux traitements antérieurement, etc.).

Mais si grâce à cette nouvelle thérapie, le quotidien des PVVIH s’est allégé, persiste un obstacle majeur : le regard des autres… Car contrairement à ce que beaucoup pensent (la moitié des sondés lors du sondage Ifop de 2023 susmentionné), le VIH reste stigmatisant : « il peut induire un rejet social, notamment à cause d’un manque de connaissance sur le Sida, et sur l’évolution des traitements et des modes de prévention », soupire Jonathan. Et de raconter « cette angoisse, cette appréhension » quand il doit révéler à ses partenaires son statut séropositif ; « une démarche compliquée », mais à laquelle il tient.

De fait, beaucoup de personnes ignorent encore que les PVVIH qui suivent une thérapie antirétrovirale efficace et dont le niveau de VIH dans le sang est indétectable, ne peuvent pas transmettre le virus par voie sexuelle. D’où une peur et des comportements d’évitement… injustifiés.

Mais il y a pire : la crainte d’être rejetée par sa propre famille… « Pendant longtemps, seuls mes amis les plus proches ont été au courant de mon infection », confie-t-il. Sa mère n’a appris sa séropositivité que par accident, « après être tombée sur un de [ses] courriers de la Sécurité sociale ! », et seulement en février 2020… soit 6-7 ans après son diagnostic ! « Quand elle l’a su, se remémore-t-il, elle a pleuré et s’est reprochée de ne pas m’avoir parlé du VIH et de la nécessité de me protéger, quand j’étais adolescent ».

Pour fournir ce type d’informations cruciales aux autres, le jeune homme a intégré en 2020 Aides, une association de lutte anti-VIH. Le chantier est énorme ! « Lors de mes différentes actions, j’ai découvert par exemple, que certaines jeunes filles se croyaient protégées du VIH parce qu’elles prenaient… la pilule ! ».

Plus globalement, toujours selon le dernier sondage Ifop commandé par Sidaction, 23 % des 15-24 ans interrogés, soit un jeune sur 4, ont estimé être mal informés sur le VIH/sida, ce qui représente une hausse inquiétante de 22 points par rapport à 2009… Fait alarmant, 67 % ont indiqué n’avoir jamais bénéficié des 3 séances annuelles d’éducation à la sexualité au cours de leur scolarité.

« Moi, on m’en avait parlé au collège… mais je n’en ai rien retenu. Ce n’était donc pas efficace », analyse Jonathan. D’où son rêve d’une énorme campagne de communication télé et sur les réseaux sociaux, dédiée aux outils de prévention contre le VIH…

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Parmi les jeunes, les idées reçues sur le VIH et les fausses informations perdurent

Publié à quelques jours du week-end du Sidaction 2023 – ce 24, 25 et 26 mars -, les résultats du sondage annuel sur le VIH auprès des jeunes commandé par l’association sont alarmants. Si les effets de la crise sanitaire sur le sentiment d’information des jeunes s’atténuent, les idées reçues sur le VIH/sida s’ancrent et ne disparaissent pas.

En 2023, un jeune sur quatre interrogés [i] estime être mal informé sur le VIH/sida, soit une augmentation alarmante de 22 points par rapport à 2009. « Les résultats de ce sondage nous inquiètent toujours autant. Même si nous notons une amélioration du sentiment d’information chez les jeunes et revenons à une situation pré-pandémique, certains chiffres restent alarmants. Nous devons intensifier les efforts de sensibilisation et de prévention auprès de cette tranche d’âge afin que les jeunes disposent des informations dont ils ont besoin pour une vie sexuelle et affective épanouie et sans risque » constate Florence Thune, directrice générale de Sidaction. 

A titre d’exemple, seulement 28% des sondés déclarent avoir eu recours au moins une fois à un test de dépistage dans l’année. Un chiffre toujours trop faible bien qu’en hausse de 8 points par rapport à 2022. 43% des 15-24 ans ignorent l’existence d’un traitement d’urgence si un risque a été pris face au VIH. « Et 65% d’entre eux ne savent pas où aller se faire dépister. Il reste de graves lacunes à combler » poursuit Florence Thune. Quant aux idées reçues et fausses informations liées au VIH/sida, elles persistent chez les jeunes : 23% pensent que la prise de la pilule du lendemain est efficace pour empêcher la transmission du VIH (contre 10% en 2015) et 18% sont convaincus que la prise d’un comprimé de paracétamol empêche la transmission du virus.

Pour retrouver l’intégralité des résultats du sondage Ifop, cliquez ici

[i] Sondage Ifop pour Sidaction réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 9 au 15 février 2023 auprès de 1063 personnes, représentatifs de la population française âgée de 15 à 24 ans.

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