vih « Je suis très vite devenue indétectable mais je restais terrassée. »

30.11.22
Cécile Josselin
6 min

Quand on pense au VIH, on pense généralement à une découverte autour de la trentaine, voire de la quarantaine. Rarement après 50 ans. Pourtant, c’était encore le cas de 23 % des dépistages en France en 2021. Ernestine* en est un douloureux exemple.

« Quand j’ai été dépistée séropositive en 2010, j’avais déjà 56 ans. J’avais contracté la maladie trois ans plus tôt. Or, à cet âge, la plupart des gens ne pensent plus vraiment à ce danger. J’étais venue en France du Cameroun dont je suis originaire voir ma fille qui venait d’accoucher et j’en ai profité pour faire un bilan de santé car je me sentais très fatiguée. 

Le médecin que je suis allée voir m’a envoyée dans un hôpital faire des examens de sang. C’est là qu’ils ont découvert ma séropositivité. Quand le docteur me l’a annoncé, je me suis réfugiée dans les toilettes où j’ai voulu me jeter par la fenêtre, puis m’empoisonner avec de l’eau de javel. Comme je restais prostrée à l’intérieur, ils ont appelé ma fille, qui est venue immédiatement avec son nourrisson dans les bras. Elle a frappé à la porte et m’a dit : “Tu es venue voir mon bébé. Alors, si tu veux mourir, prends-le on se jette toutes les trois par la fenêtre et ce sera réglé.” Je lui ai ouvert la porte. Elle m’a tendu ma première petite-fille et j’ai compris en la voyant que je devais vivre. 

Le médecin m’a expliqué que grâce aux nouveaux traitements, on ne mourrait plus du VIH en France, contrairement à ce qui se passe encore en Afrique, mais ce n’était pas ma seule inquiétude. Ce qui me terrifiait également, c’était l’idée de retourner dans mon pays avec cette maladie qui y est encore très stigmatisée. Si j’étais rentrée, tout le monde aurait su que j’avais le VIH. C’est pour cela que cela a été une bénédiction d’avoir été dépistée en France. J’en serai à jamais reconnaissance à ce pays pour ça.

J’en ai immédiatement parlé à mon mari qui a fait le test. Heureusement, il était négatif. J’en ai aussi parlé à deux de mes sœurs et à tous mes enfants à l’exception du dernier qui était encore trop jeune. Tous ont très bien réagi notamment car ils savaient comment j’avais été contaminée. En 2007, j’ai été victime d’un violent braquage dans l’agence de voyage que je tenais au Cameroun. J’ai été blessée par balle à la cuisse et trois hommes m’ont violée à tour de rôle si brutalement qu’ils m’ont déchiqueté l’appareil génital de sorte qu’après je ne pouvais plus faire l’amour avec mon mari sans saigner. Je faisais aussi de terribles cauchemars, mais le viol étant comme le VIH un énorme tabou là-bas, j’ai obstinément refusé de porter plainte. Si l’information était parue dans les journaux locaux, je n’aurais jamais pu le supporter. Je crois que cela aurait été pire que tout ! 

Trois ans plus tard, quand on a découvert ma séropositivité, j’avais presque 500 CD4. Du jour au lendemain, j’ai arrêté de manger. J’ai perdu 17 kg. J’ai été tellement choquée que j’en ai perdu la vue. Je suis tombée très malade et suis restée peut-être deux mois à l’hôpital. Heureusement, je suis très vite devenue indétectable, mais psychologiquement, je restais terrassée. 

Au bout d’un certain temps, j’ai découvert une association à qui je dois énormément. J’y ai rencontré un psychologue et des docteurs qui ont été formidables avec moi mais aussi et surtout des amies de cœur : Albertine, et Magalie qui m’ont beaucoup soutenue et transmise leur joie de vivre. Elles étaient si gentilles avec moi ! Quand je les ai rencontrées, cela faisait trois ans que je n’avais pas souri mais les voir si joviales m’a redonné goût à la vie. L’association m’a aidée à faire les démarches nécessaires pour bénéficier de l’allocation adulte handicapé et d’un appartement thérapeutique. J’ai acquis la nationalité française et mon mari m’a rejointe grâce au regroupement familial. 

Aujourd’hui, je n’ai pas trop à me plaindre au niveau de ma santé physique. Je prends mes médicaments contre le VIH cinq jours par semaine en plus de ceux pour l’hypertension que j’ai depuis mes 30 ans. C’est psychologiquement que cela reste le plus difficile car je me sens seule. Mes enfants sont loin. Cela dit, j’ai sept adorables petits-enfants et quand je les entends me dire : “Mamie, tu es la plus belle ! Mamie, quand viens-tu nous voir ?”, je reprends immédiatement espoir. Je dis souvent à ma première petite-fille : “Tu sais, tu m’as sauvé la vie”, car sans elle je n’aurai pas été dépistée en France. Et au Cameroun, je n’aurais pas été aussi bien soignée et je n’aurais jamais eu la force d’affronter le regard des autres. 

Et puis une de mes sœurs (j’en ai neuf) avec qui je m’entends très bien m’a aussi dit quelque chose qui aujourd’hui encore résonne en moi. Elle m’a dit : « Tu es l’aînée de cette famille. Tu as toujours été là pour nous. Tu nous a épaulées quand nous en avions le plus besoin. Grâce à toi nous sommes devenues ce que nous sommes aujourd’hui. Alors, à notre tour nous allons t’aider. N’oublie pas que tu es notre baobab** et comme tu sais “le baobab ne meure jamais ». Alors, c’est décidé. Je vais vivre le plus longtemps possible.

* Son prénom a été modifié pour préserver son anonymat.

** Métaphore pour parler des ainés en Afrique. 

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