vih La primo-prescription de la PrEP en ville : premier bilan

08.02.22
Cécile Josselin
7 min
Visuel La primo-prescription de la PrEP en ville : premier
bilan

En juin 2021, la primo-prescription de la PrEP en ville était enfin autorisée. Plus de huit mois plus tard, Transversal a souhaité dresser un premier bilan. À défaut d’une étude quantitative, nous avons demandé au Dr Pascal Pugliese, président du COREVIH PACA-EST et de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) et à quatre médecins généralistes de nous relater leur expérience avec ce nouveau dispositif.

La PrEP en ville, succès ou non ? Difficile de le dire aujourd’hui. « Nous manquons encore de recul pour le dire », prévient d’emblée le Dr Pugliese. « À ce stade, je peux juste vous dire qu’un peu plus de 2 000 personnes se sont inscrites sur la plateforme FormaPrEP, la formation que nous avons conçue pour les médecins » qui fait aujourd’hui figure de référence.

Pour le Dr Véronique Guerville, médecin généraliste dans le centre de Nice, c’est l’ouverture de FormaPreP qui a été le déclic. Elle n’avait pas du tout l’habitude de traiter le sujet du VIH et avoue mal connaître la sexualité des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), qui en restent encore les premiers utilisateurs.

Comme nombre de Français, beaucoup de ces médecins ont appris l’existence de la PrEP un peu par hasard. Pour Sarah Quicray, tout jeune médecin généraliste remplaçante dans le Morbihan, c’est sa sœur, élève à Science po qui la lui a fait connaître. « Si en internat il y a des cours de santé sexuelle, ce ne sont jamais des cours obligatoires », regrette-t-elle.

Un outil de prévention encore mal connu par les médecins

Selon sa thèse soutenue en juin 2021, le principal frein des médecins généralistes pour s’engager dans la prophylaxie pré-exposition tient à leur méconnaissance du dispositif. « En cela, FormaPrEP est une très bonne chose » considère-t-elle. La deuxième réticence repose sur le manque de légitimité qu’ils ressentent. « Pour 64 % de ceux que j’ai interrogés, le cadre hospitalier leur semble plus adapté. Le troisième frein est la méconnaissance par le médecin de la sexualité de ses patients (53 %). »

« C’est dommage, souligne le Dr Aurélien Beuque qui officie dans une petite commune du département du Nord car le but de la PrEP ce n’est pas juste de prescrire un cachet. C’est travailler sur la santé sexuelle globale et, à partir de là, aborder plein d’autres sujets comme les vaccins ou un suivi en proctologie. » Le docteur Franck Mignot , un médecin généraliste « gay friendly » du 17e arrondissement de Paris, est du même avis : « Je crois qu’il faut voir les gens dans leur globalité. Je suis généraliste et je me refuse à couper les gens en tranches. La sexualité fait partie d’un ensemble. Avec la PrEP j’aborde les drogues comme les difficultés existentielles que l’on peut ressentir quand on est un jeune homosexuel. C’est important pour moi d’être aussi leur médecin traitant. C’est bien plus enrichissant et cela permet de créer un vrai lien avec eux ».

Contrairement à ce que pensent beaucoup de médecins généralistes, ces derniers ont une vraie carte à jouer, complémentaire des centres gratuit d’information, de diagnostic et de dépistage (CeGGID) et des hôpitaux débordés. Plus disponibles, et sur une plage horaire souvent plus large, les médecins généralistes ont l’atout de la proximité et de la disponibilité. « Un ou deux patients m’ont dit : Au CeGGID et à l’hôpital ils sont bien gentils mais ils nous convoquent à 14h et on passe à 17h », nous explique le docteur Franck Mignot avant d’ajouter que pour certains, l’hôpital n’est pas un lieu très agréable.

Plus disponibles, et sur une plage horaire souvent plus large, les médecins généralistes ont l’atout de la proximité et de la disponibilité

« Et puis les médecins traitants ont souvent l’avantage de suivre leurs patients depuis leur plus jeune âge. Ils sont donc bien placés pour repérer des comportements à risque comme les demandes de dépistages réguliersAprès, il faut que le médecin soit à l’aise pour parler de sexualité, ce qui n’est pas donné à tous, même si pour les plus jeunes, c’est moins tabou » estime le Dr Aurélien Beuque.

Un relai efficace pour élargir l’accès à la PrEP

La PrEP étant mal connue du grand public et notamment des hétérosexuels, les médecins traitants peuvent constituer un très bon relai d’information. On ne peut demander un moyen de prévention que l’on ne connaît pas. Une affiche dans leur salle d’attente peut ainsi permettre de susciter la discussion. 

« Un des objectifs de la primo-prescription de la PrEP en ville est d’en élargir l’usage à d’autres communautés que les HSH » souligne le Dr Pascal Pugliese. Le témoignage de trois des médecins que nous avons interrogés est en cela porteur d’espoir : « Actuellement, je suis une femme sous PrEP que j’ai rencontrée au CeGGID. Elle est issue d’un milieu social défavorisé et son mari est assez volage. Elle m’a été adressée par le Dr Pugliese après avoir été repérée par son médecin traitant qui ne se sentait pas capable de prendre lui-même en charge cet aspect », témoigne le Dr Véronique Guerville. 

Même type de repérage pour un cas très différent avec le Dr Sarah Quicray : « J’ai récemment primo-prescrit la PrEP à une femme qui venait très souvent me voir pour des dépistages du VIH. Elle avait un comportement à risque, qu’elle regrettait après coup. Sous curatelle, elle a une personnalité un peu borderline. Elle n’avait jamais entendu parler de la PrEP mais après quelques entrevues, elle s’est laissée convaincre ».

Pour toucher des patients extérieurs à leur patientèle, ces médecins disposent de plusieurs options. Parmi la communauté HSH, les choses sont assez simples car le bouche-à-oreille fonctionne globalement bien, du moins dans les grandes villes. Pour les autres, cela passe souvent par les CeGGID qui essaient de plus en plus de réorienter les patients vers les médecins qui se sont manifestés auprès d’eux. 

Une dernière possibilité très efficace est Doctolib où cette spécialité peut être indiquée et constituer un critère de recherche pour les patients. À la campagne, c’est une bénédiction. « Je suis dans un secteur un peu rural où la PrEP est très peu connue. Ce qui me fait connaître c’est ce moteur de recherche. Des gens viennent de très loin pour me voir », témoigne ainsi le Dr Aurélien Beuque qui en suit déjà une dizaine.

« Les choses évolueront progressivement, mais le chemin sera long, estime le Dr Pascal Pugliese. Pour autant, il en est convaincu, cette décision est très bénéfique, car « tout ce qui permet d’accroître la prescription de la PrEP est une bonne chose ».

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