vih Le cas exceptionnel du Patient de Genève

16.01.24
Sarah Roullier
6 min
Visuel Le cas exceptionnel du Patient de Genève

Récemment, l’attention s’est portée sur le « patient de Genève », qui pourrait représenter un tournant dans la compréhension et le traitement du VIH.

Dans le domaine de la lutte contre le VIH, chaque cas de rémission apporte de précieuses informations pour la science. Récemment, l’attention s’est portée sur le « patient de Genève », qui pourrait représenter un tournant dans la compréhension et le traitement de cette maladie complexe.

Le cas de Romuald, plus connu sous le nom du « patient de Genève », a été présenté le 20 juillet 2023 lors de la conférence IAS 2023 à Brisbane en Australie [i]. Son profil clinique est unique : bien qu’il ait reçu une greffe de moelle osseuse sans la mutation CCR5 delta 32, connue pour conférer une résistance naturelle au VIH, Romuald reste en rémission, avec une charge virale indétectable, plus de deux ans après l’arrêt de son traitement antirétroviral. Cette situation exceptionnelle offre de nouvelles perspectives dans la compréhension de la rémission durable du VIH.

Depuis l’identification du virus dans les années 1980, les progrès dans le traitement du VIH ont été significatifs, mais la quête d’un remède définitif (une guérison) se poursuit. Avant le « Patient de Genève », il y avait cinq cas notables de rémission longue durée du VIH, notamment les patients de Berlin, Londres, Düsseldorf, New York et City of Hope.

Ces patients ont un point commun : ils ont tous bénéficié de greffes de moelle osseuse avec des cellules de donneurs porteurs de la mutation CCR5 delta 32. Cette mutation, bien connue de la communauté scientifique, empêche l’expression du récepteur CCR5, une porte d’entrée cruciale pour le VIH, sur les cellules immunitaires, rendant ces dernières résistantes à l’infection.

Romuald, « le patient de Genève », vit avec le VIH depuis le début des années 1990, il a suivi un traitement antirétroviral jusqu’en 2018, date à laquelle il a été diagnostiqué d’une leucémie agressive. « Il a dû recevoir une greffe médullaire dans une situation de quasi-urgence, et nous n’avons pas trouvé pour lui un donneur porteur de la mutation », explique le Pr Alexandra Calmy. La greffe de cellules souches reçue n’était donc pas issue d’un donneur porteur de la mutation CCR5 delta 32, ce qui rend son cas d’autant plus remarquable. Malgré l’absence de cette mutation, les analyses après la greffe ont révélé une diminution drastique des cellules porteuses du VIH. Le traitement antirétroviral a été interrompu en novembre 2021, et depuis lors, Romuald est resté sans charge virale détectable .

« Ce nouveau cas apporte des éléments inattendus »

Le cas de Romuald soulève des questions importantes sur les mécanismes d’élimination et de contrôle des réservoirs viraux. Le Pr Asier Sáez-Cirión explique : « Bien que ce protocole ne soit pas transposable à large échelle à cause de son agressivité, ce nouveau cas apporte des éléments inattendus ». La rémission prolongée de Romuald, malgré l’absence de la mutation CCR5 delta 32, offre un nouvel espoir et met en lumière l’importance de la recherche continue dans ce domaine. Comme l’exprime la professeure Calmy, ce cas ouvre des « voies nouvelles dans l’espoir que la rémission, voire la guérison du VIH ne soit plus un événement exceptionnel ».

L’étude du cas de Romuald nécessite une approche interdisciplinaire, impliquant virologistes, immunologues, hématologues et autres spécialistes. L’objectif est de comprendre comment, en l’absence de la mutation CCR5 delta 32, le VIH a été contrôlé et pourquoi le virus n’a pas rebondi après l’arrêt du traitement antirétroviral. Ce cas ouvre également la discussion sur le rôle potentiel de la greffe de moelle osseuse et d’autres interventions immunitaires dans la réduction des réservoirs viraux et la possible éradication du VIH.

La recherche sur le « Patient de Genève » est le fruit d’une collaboration internationale, impliquant des institutions prestigieuses comme l’Institut Pasteur, l’Institut Cochin, les Hôpitaux universitaires de Genève, et le consortium IciStem. Cette collaboration souligne l’importance d’une approche globale et coordonnée dans la recherche sur le VIH, un effort qui transcende les frontières géographiques et disciplinaires.

Bien que le cas de Romuald soit source d’espoir, il est important de reconnaître que le chemin vers un remède universel pour le VIH est encore long et parsemé de défis. Chaque cas de rémission, comme celui de Romuald, est un pas en avant, mais il reste beaucoup à apprendre et à explorer. « La prudence reste de mise, car le VIH a montré à maintes reprises sa capacité à surprendre et à défier les attentes », insiste le Pr Asier Sáez-Cirión.

De son côté, la Pr Calmy explique qu’il reste encore beaucoup à faire dans le domaine scientifique. « C’est un effort de toute la communauté scientifique. Nous apprenons et développons ensemble. Il y a déjà des essais cliniques en cours dans le domaine de la guérison. À partir de cette situation, nous stimulons la recherche scientifique. C’est un miracle pour lui individuellement, mais avant de devenir un miracle scientifique à plus large échelle, le chemin est encore long. »

« Nous avons rendu cette situation publique lors d’une conférence sous forme de présentation orale, poursuit-elle. Maintenant, nous rédigeons l’article scientifique. Nous ne partons pas de zéro, car il existe actuellement des essais cliniques sur la guérison et la réduction du réservoir viral, il s’agit d’un domaine de recherche déjà très actif. En 2024, nous attendons des résultats d’études cliniques qui nous aideront à orienter les prochaines étapes. La temporalité comprend donc la publication, les échanges et les collaborations suivant la publication complète de nos analyses, les premières phases des essais cliniques portant sur la rémission durable, puis la conception et le financement d’essais cliniques et de consortiums plus larges. Cela prendra encore quelques années.»

Notes et références

[i] Ce cas a été présenté par la Pr Alexandra Calmy, directrice du Centre de recherche clinique, UNIGE, HUG, responsable de l’unité VIH, service des maladies infectieuses des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), et le Pr Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur et qui préside également le comité scientifique et médical du Sidaction.

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