vih Le TPE, des freins trop nombreux

29.04.22
Cécile Josselin
6 min
Visuel Le TPE, des freins
trop nombreux

Dans le cadre de la prévention combinée contre le VIH, le TPE, qui fêtera cette année ses 24 ans d’existence, reste une méthode prophylactique largement sous-utilisée. Mal connu, il est peu et parfois mal prescrit, dans des conditions qui en réduisent considérablement son efficacité.

« Un TPE ? Jamais entendu parlé. C’est quoi ? » ; « Ah non ! On ne fait pas ça ici ! » ; « Je n’ai pas le temps de m’occuper de vous. Et puis, franchement, quand on baise à droite, à gauche, on met des capotes ! » Ce genre de propos désobligeants, stigmatisants ou juste le signe d’une totale ignorance du traitement post-exposition (TPE) sont encore trop souvent entendus aux urgences et aboutissent à des pertes de chance. Un constat dont s’alarme le Groupe interassociatif traitement & recherche thérapeutique (TRT-5) dans son dernier rapport.

De fait, quand on interroge des personnes sur leur expérience du TPE, les motifs d’insatisfaction émergent vite. Un rapide sondage, effectué pour cet article sur PrEP’Dial, un forum Facebook consacré à la prophylaxie préexposition (PrEP), et qui a réuni un public largement concerné, montre que sur les 43 personnes qui ont souhaité faire part de leur expérience, 41 % avaient rencontré des difficultés. Treize personnes ont fait état de réflexions désagréables, de jugements et de comportements culpabilisants ou dénigrants. Deux personnes ont témoigné d’un personnel peu ou pas au courant, deux autres se sont plaintes d’un refus catégorique, sur le mode : « On ne fait pas ça ici » et une personne a noté avoir eu des difficultés à accéder aux soins pour des raisons d’éloignement géographique.

Une course contre la montre

Tous les rapports le reconnaissent depuis des années : demander un TPE revient généralement à s’engager dans un parcours du combattant, dont le premier ennemi est le temps. En effet, si ce traitement peut être initié jusqu’à 48 heures après un rapport à risque, on estime qu’il faut le débuter dans les quatre premières heures pour en espérer en assurer la totale efficacité.

Le principal enjeu est donc de réduire ce laps de temps au maximum. Or celui-ci se décompose en quatre parties : d’abord, la prise de conscience du risque, qui peut être retardée par la consommation d’alcool et/ou de chemsex ; ensuite, la prise de décision et le temps de transport vers un CeGGID [i] ou un service d’urgence ; enfin, le délai pour être reçu par un médecin habilité à le prescrire. « Actuellement, nous sommes dans des aberrations totales où des gens attendent des heures aux urgences », reconnaît Cédric Arvieux, président et coordinateur médical du Corevih Bretagne.

« Six personnes sur les quinze qui ont répondu à notre appel à témoins rapportaient plus d’une heure d’attente, confirme Mélanie Jaudon, coordinatrice du TRT-5. Une personne nous a même confié qu’une fois arrivée au service des maladies infectieuses et tropicales [d’un hôpital], l’interne ou le médecin lui avait demandé de revenir le lendemain pour commencer le traitement, alors que l’accident datait déjà de la veille », soit beaucoup trop tard.

Même s’il est théoriquement considéré comme une urgence thérapeutique, le TPE est, en pratique, rarement traité comme tel. « Quand vous avez 230 personnes dans les couloirs, dont une hémorragie digestive, un infarctus et un accouchement, et que quelqu’un vous presse pour avoir un TPE, les infirmières de tri auront du mal à le traiter comme une priorité, explique, sans détour, Cédric Arvieux. Et, la fatigue aidant, certaines d’entre elles pourront manifester des jugements de valeur. C’est regrettable, mais dans l’état actuel des choses, il faut bien comprendre que c’est absolument impossible d’évaluer un risque sexuel rapidement et dans de bonnes conditions aux urgences. »

Déléguer le TPE à plus d’acteurs

Il est donc impératif de trouver d’autres voies de dispensation, d’autant plus que s’ajoute à ces problèmes celui des déserts médicaux en milieu rural. Les auteurs de la feuille de route sur la santé sexuelle 2021-2024, éditée par le ministère des Solidarités et de la Santé, l’ont bien compris. Ils prévoient une prescription du TPE par les médecins de premier recours et les médecins scolaires à l’horizon 2022, puis par les pharmaciens et les infirmières scolaires début 2024.

La délivrance du TPE par les associations communautaires, réclamée instamment par le TRT-5, sera plus difficile à obtenir. « Celle-ci va se heurter à de nombreux obstacles réglementaires, affirme le Dr Pascal Pugliese, président du Corevih Paca-Est, et ne me semble pas réaliste à court ou à moyen terme, car cela reviendrait à déléguer la prescription d’antirétroviraux à des personnes qui ne sont pas [des] professionnels de santé. »

Les associations constituent pourtant un maillon essentiel, souvent plus à même que bien des médecins débordés des urgences pour expliquer aux personnes les différentes étapes et contraintes du TPE sans porter le moindre jugement.

SIS Association, qui reçoit autour de 4 300 appels par an au sujet du TPE, ne compte plus le nombre de personnes qui ne comprennent pas pourquoi elles n’y ont pas eu accès ou sont perdues dans les modalités. « Un homme de 34 ans nous a ainsi contactés après s’être vu donner un starter-kit sans autre explication. N’ayant pas compris qu’il fallait revoir un médecin pour poursuivre son traitement encore 25 jours, il s’est contenté des trois comprimés », rapporte le Dr Radia Djebbar, coordinatrice médicale de SIS Association.

En effet, de nombreux TPE ne sont pas pris jusqu’au bout, rendant le traitement inefficace. « Le fait d’imposer deux entretiens avec un médecin un pour le starter-kit, l’autre pour sa poursuite – n’est pas forcément très pertinent », estime le Dr Arvieux. Nous savons qu’un certain nombre de patients n’iront pas au second rendez-vous, et ce, pour diverses causes (indisponibilité, distance, aucune envie de répéter son histoire, etc.). C’est la raison pour laquelle « les dernières recommandations anglaises, publiées fin 2021, plaidaient pour la délivrance de la totalité [du traitement] d’un coup », ajoute Cédric Arvieux.

Enfin, « comme tout traitement préventif, le TPE doit aussi être l’occasion de parler de dépistage et d’aborder la PrEP, insiste Christophe Rouquette, chargé de mission à la direction du plaidoyer de Aides. Et, en cela, les associations ont un véritable rôle à jouer ! »

Lire aussi : Le TPE, parent pauvre de la prévention ?

Notes

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