vih Les femmes, un public peu concerné par la PrEP

13.05.22
Cécile Josselin
6 min
Visuel Les femmes, un public peu concerné par la PrEP

En France, seulement 2,5 % des personnes sous PrEP sont des femmes. Alors qu’elles représentent plus d’un tiers des nouvelles contamination, ce constat est pour le moins inquiétant. Il s’agirait donc de mieux cibler cette population, de mieux comprendre ses besoins et, en parallèle, d’innover dans des formules de traitement qui leur conviennent.

En France, dès l’initiation de la prophylaxie préexposition (PrEP) à l’issue de l’essai Ipergay, le principal public visé a été les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). À cela, une raison : dès le départ, cette communauté a été, et est toujours, cruellement affectée par le VIH. 

En regard, le public des femmes particulièrement exposées au VIH fédèrent différents groupes dans lesquels se mêlent les femmes trans (particulièrement à risque, une sur cinq étant touchée par le VIH), les travailleuses du sexe, les femmes migrantes originaires pour l’essentiel d’Afrique subsaharienne (60 % des cas de contaminations féminines en France), les victimes de violences sexuelles et les femmes multipartenaires. Pour toucher ces populations, souvent ignorantes de l’existence de la PrEP, il faut aborder chaque public séparément.

En France, seules 1 034 femmes ayant suivi une PrEP en France depuis 2016. Plus inquiétant, leur part parmi les dernières initiations de PrEP aurait tendance à décroître, passant de 3,8 % au premier semestre 2020 à 2,2 % au deuxième et à 2 % au premier semestre 2021, selon la dernière enquête d’EPI-Phare

Quel public féminin pour la PrEP ? 

Si l’on se concentre sur les sous-groupes de femmes les plus à risque, les travailleuses du sexes apparaissent a priori comme les concernées par l’outil PrEP. Et pourtant, en France ce n’est pas le cas. Certes, dans le monde, la prévalence du VIH est douze fois plus importante chez les travailleuses du sexe qu’au sein de la population générale. Dans l’hexagone, la Haute Autorité de santé (HAS) constate une prévalence identique entre les travailleuses du sexe et les autres femmes, et ce, grâce à de bonnes pratiques de prévention du VIH [i]. 

« De fait, en France, c’est par leur partenaire amoureux que les travailleuses du sexe sont le plus souvent contaminées », note Anaenza Freire Maresca, médecin infectiologue à l’hôpital Ambroise-Paré (Hauts-de-Seine) où elle s’occupe notamment de femmes trans qui, si elles sont clairement ciblées par les recommandations françaises, sont complètement ignorées des institutions dans d’autres pays en raison d’une forte homophobie.

En réalité, le public le plus affecté et le plus difficile à toucher sont les femmes migrantes victimes de violences. Nombre d’entre elles doivent consentir à des rapports sexuels non souhaités pour se loger et se nourrir, et n’ont alors aucun moyen de négocier le port du préservatif. Devant chaque jour lutter pour leur survie, elles ne voient dans la prévention du VIH qu’une trop lointaine préoccupation. Il n’est donc pas très étonnant de constater que seuls 8 % des nouveaux « prépeurs » et « prépeuses » au premier semestre 2021 ont la CMU-C [ii] et 0,2 % l’AME [iii] : autant dire une toute petite poignée !

À la difficulté d’atteindre ces publics s’ajoute un problème éthique. « Diriger vers la PrEP des victimes de violences n’est pas très satisfaisant. Il ne faut pas les mettre sous PrEP pour qu’elles soient violées tous les soirs », prévient Pauline Penot, médecin responsable du CeGIDD de Montreuil.

Pour parvenir à les sensibiliser – et plus encore à les aider –, il est donc essentiel de les accompagner en leur proposant une offre globale à même de les sortir de leur isolement, des différentes formes de violence qu’elles subissent, en leur assurant un environnement sécurisé, comme le proposent des associations qui leur sont dédiées, telles qu’Ikambere à Saint-Denis ou l’Arbre fromager en Guyane.

Le cas des femmes hétérosexuelles multipartenaires fait l’objet d’un tabou culturel total et reste complètement absent des recommandations de l’HAS. À l’inverse, les femmes n’ayant qu’un seul partenaire, notoirement infidèle, ne se sentent pas assez concernées bien qu’elles soient à risque accru de contamination.

Des PrEP spécifiques en développement

Sur le plan des traitements, il est important de souligner que bien que la PrEP orale soit aussi efficace pour les femmes que pour les hommes, elle laisse moins d’options de prise pour ces dernières : elles doivent obligatoirement adopter la forme continue, le principe actif du Truvada® se diffusant moins bien et moins vite (une semaine au lieu d’un jour pour les hommes) dans la muqueuse vaginale, ce qui rend la prise plus contraignante et nécessite une observance plus stricte.

La PrEP à action prolongée (ou long acting en anglais), qui consiste en une injection tous les deux mois de cabotégravir, devrait représenter une grande avancée et est largement plébiscitée par les femmes. La récente étude HPTN 084 montre d’ailleurs qu’elle est à 89 % plus efficace que la prise par voie orale précisément pour cette question d’observance. 

L’anneau vaginal avec libération prolongée de dalpivirine présente, en théorie, un intérêt, mais demeure peu efficace, la réduction du risque étant au mieux de 50 %. Le développement d’une nouvelle formule associant la prévention du VIH et d’autres IST, comme la gonorrhée, à un contraceptif (lévonorgestrel), annoncée en 2021, semble plus prometteur et, espérons-le, plus efficace.

Ces derniers outils, associant prévention et contraception, sont extrêmement intéressants, car ils correspondent à une double attente exprimée par les femmes et partagée par leurs partenaires, ce qui les rend plus susceptibles d’être adoptés, même si – et il est important de le souligner – la PrEP demeure parfaitement compatible avec une grossesse

Notes

[i] « L’ensemble des études disponibles indiquent (chez les travailleuses du sexe en France) un usage du préservatif avec les clients allant de 85 à 95 % des répondants pour la pénétration et de 45 à 75 % pour la fellation », d’après la fédération Parapluie rouge, composée de la plupart des associations de santé communautaire et de travailleur·se·s du sexe en France.

[ii] Couverture maladie universelle complémentaire permettant aux personnes les plus précaires travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière de voir leurs frais de santé pris en charge.

[iii] L’aide médicale de l’État est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins.

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