vih « Positifs » : une série de podcasts de jeunes Sénégalais vivant avec le VIH

03.02.23
Cécile Josselin
6 min
Visuel « Positifs » : une série de podcasts de jeunes Sénégalais vivant avec le VIH

Rares sont les jeunes Sénégalais qui assument publiquement leur séropositivité, de peur d’être rejetés par des proches et une société qui, généralement, ont une image datée de l’infection. C’est pour combattre ces préjugés que le réseau Convergence des jeunes, avec le soutien de l’IRD, a voulu donner la parole à ces jeunes désireux de sortir de l’autostigmatisation dans laquelle ils se sont enfermés.

« Tu es jeune. Tu aimerais bien en savoir plus sur le VIH, comment ça se passe pour les jeunes qui vivent avec ce virus ? Tu voudrais savoir comment ils ou elles se débrouillent dans la vie ? Quels sont leurs projets, leurs rêves et, surtout, tu te demandes si on peut vivre normalement avec cette maladie ? Tu vas voir que oui. Écoute… »

C’est à partir de cette introduction, accompagnée par la musique en wolof de JomenKör, que des jeunes, infectés par transmission verticale [i], ont trouvé le courage de raconter leur vie avec le VIH, sous la forme de podcasts natifs, dans le cadre du projet TRANSITIONS(Sidaction/Expertise France), dirigé par Cécile Cames, épidémiologiste et chercheuse en santé publique à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) – TransVIHMI à Dakar.

Avec l’appui de Pascale Hancart-Petitet, anthropologue à TransVIHMI (Montpellier) et le réseau Convergence des jeunes, 18 filles et garçons âgés de 18 à 29 ans ont participé à un atelier participatif en résidence, dans le but d’échanger sur leur vécu avec le VIH, une infection encore taboue au Sénégal, pays qui reste conservateur, et d’identifier les défis qui se posent à eux, de réfléchir collectivement à des actions communautaires à mettre en œuvre, explique Cécile Cames. Elle souligne : « Très peu de Sénégalais vivant avec le VIH assument publiquement leur séropositivité. Longtemps le visage médiatique du VIH était incarné par des personnes en stade sida, très marquées physiquement par la maladie. Beaucoup gardent en tête cette image stigmatisante qui ne correspond plus à la vie actuelle des personnes vivant avec le VIH. »

Une réunion libératrice

Les participants ne se connaissaient pas tous avant de se retrouver la veille de l’atelier. Cette soirée s’est vite révélée un moment « assez magique et libérateur » en leur permettant de partager collectivement et sans crainte leur sérologie. Nombre d’entre eux n’avaient confié à personne leur maladie, en dehors des professionnels de santé qui les suivent. Même les oncles et les tantes qui les ont recueillis à la mort de leurs parents ignorent parfois leur statut sérologique. 

Ils ont choisi de se rassembler dans une même chambre tous les soirs pour échanger et ainsi prolonger les travaux de la semaine, ce qui montre le besoin qu’ils avaient de communiquer et de libérer enfin leur parole. « Ils nous ont dit que cela leur avait fait un bien fou et qu’ils ne se sentaient plus les mêmes à la fin de l’atelier », raconte avec émotion Cécile Cames. 

Au départ, le podcast n’était qu’un outil parmi d’autres de l’équipe organisatrice de l’atelier, lequel s’est tenu en décembre 2021. Mais, rapidement, il est apparu qu’elle correspondait à une demande très forte des participants qui souhaitaient s’adresser essentiellement aux jeunes de leur âge. Trois participants ont même accepté de se prêter à l’exercice sans la moindre préparation, le jour même. « Bien que ponctués d’hésitations, de reprises et de silences dus à l’émotion, leurs témoignages étaient tellement forts que nous les avons gardés pratiquement tels quels dans le projet final », ajoute Cécile Cames. 

« L’objectif n’était absolument pas d’apitoyer les gens, mais, au contraire, de montrer que comme tous les autres jeunes de leur âge, ils étudient, s’amusent et se projettent dans l’avenir », rapporte Cécile Cames. C’était également important pour eux de montrer que les problèmes qu’ils rencontrent ne sont en réalité pas directement liés à l’infection, mais au regard que la société pose sur eux. Ils souffrent essentiellement du silence qu’ils s’imposent par peur d’être rejetés par leur famille, leurs proches et leurs amoureux·ses. 

Les seules conditions des jeunes, respectées par l’équipe, étaient le choix d’un format uniquement sonore et de ne pas donner leur nom ni aucune information qui permettait de les identifier, en dehors de leur voix.

Ce format du podcast sonore a été discuté et validé avec les jeunes comme étant le support le mieux adapté à ce projet, puisqu’il permet d’exprimer librement leur témoignage tout en protégeant leur anonymat.

Diffuser leur parole

Neuf jeunes se sont ensuite retrouvés en juin dernier afin de réaliser six podcasts supplémentaires, aujourd’hui téléchargeables sur la plateforme de l’IRD. Ils sont également disponibles sur différents réseaux sociaux, tels que YouTube, Hello Ado ou Ausha. De plus, leur diffusion sur huit radios communautaires sénégalaises a été suivie par des plateaux débats animés par les jeunes du Réseau Convergence, au cours des mois de novembre et décembre 2022. « À l’avenir, ils pourront être réutilisés par des associations, des radios et des structures de santé au Sénégal, dans des pays d’Afrique francophone, et en France », complète Cécile Cames. 

Afin d’homogénéiser la forme des podcasts et leur donner un rendu plus « professionnel » et pédagogique, l’ONG sénégalaise RAES a apporté son expertise dans la réalisation et la production d’enregistrements de 4 à 7 minutes environ tout en laissant à chacun la liberté de choisir le thème qu’il voulait aborder. Si les neufs podcasts natifs sont en français, six sont également disponibles en wolof, qui est la langue la plus parlée au Sénégal.

Finalement, les neuf thèmes retenus sont : « l’école et le VIH », « les rêves et le VIH », « l’avenir et le VIH », « la famille et le VIH », « les amis et le VIH », « lettre à ma grand-mère », « partager son statut avec ses amis », « l’amour et le VIH » et « partager son statut avec sa famille ». 

Certains témoignages sont particulièrement émouvants, comme celui de ce jeune confronté à 16 ans à la désinformation de sa prof de SVT (science de la vie et de la terre) qui avait de gros préjugés sur le VIH et niait avec beaucoup d’aplomb, devant la classe entière, que le VIH et le sida étaient deux choses différentes.

Notes

[i] La transmission verticale du VIH de la mère à l’enfant peut se produire à différents temps : pendant la grossesse, lors de l’accouchement et lors de l’allaitement.

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