vih RaDAR : un projet de recherche pour rattraper le retard au dépistage du VIH chez les enfants

08.05.23
Emilie Henry et Jennifer Pasquier
9 min
Visuel RaDAR : un projet de
recherche pour rattraper le retard au dépistage du VIH chez les enfants

Le dépistage du VIH chez les femmes enceintes et les enfants exposés reste un défi majeur dans la réponse à l’épidémie de VIH en Afrique, en particulier en Afrique de l’Ouest. L’amélioration de la couverture du dépistage VIH des enfants est indispensable pour leur permettre d’accéder au traitement antirétroviral et contrôler l’épidémie. C’est l’objectif du projet de recherche opérationnelle RaDAR, soutenu par Sidaction.

Dans le monde, seulement 63 % des nouveau-nés sont diagnostiqués à l’âge de six semaines, avec un retard significatif en Afrique centrale et de l’Ouest (25 %). Cette situation prive plus de 2/5 des enfants vivant avec le VIH d’un diagnostic précoce, ce qui entraine un accès insuffisant au traitement antirétroviral chez les enfants par rapport aux adultes.

En 2020, seuls 54 % des 0-14 ans avaient accès au traitement, contre 74 % des plus de 15 ans. Le fardeau est particulièrement lourd en Afrique de l’Ouest et du centre : 30 % des nouvelles infections par le VIH y surviennent chez l’enfant, et seuls 35 % sont sous traitement [i]. Il y a urgence à faciliter l’accès au dépistage des femmes enceintes et de leurs enfants car cette situation représente une perte de chance pour les enfants infectés dont l’accès au traitement est retardé.

L’accès au dépistage pédiatrique toujours limité

Cette situation est d’autant plus problématique que la mise en place des programmes de prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME) n’est pas nouvelle dans la sous-région. Les recommandations de dépistage du VIH chez l’enfant sont également disponibles. Malheureusement, leur mise en œuvre se heurtent aux réalités de terrain.

L’accès au dépistage pédiatrique précoce nécessite à la fois la disponibilité des plateaux techniques et des outils virologiques pour traiter les échantillons, l’acceptabilité familiale mais aussi les compétences, attitudes et pratiques des professionnels de santé impliqués dans le VIH pour garantir un transfert vers les services de prise en charge et assurer la rétention dans les soins [ii].

En Afrique de l’Ouest et du Centre, les systèmes de santé pâtissent d’un manque de ressources humaines et de financement qui ont des effets sur l’offre de services, générant notamment de mauvaises conditions d’accueil et limitant la proposition du dépistage par les soignants. Il reste nécessaire de concevoir des stratégies pour optimiser l’efficience du dépistage, notamment en réfléchissant à la place que pourraient jouer, aux côtés des personnels des établissements de santé, les agents communautaires.

L’OMS recommande déjà depuis 2007 des délégations de tâches en matière de prise en charge du VIH.  Mais l’impact des approches communautaires pour la santé maternelle, néonatale et infantile dans le cadre du VIH ont été peu évaluées jusqu’à présent. La plupart des études ont été menées en Afrique australe et peu d’entre elles se concentrent sur les interventions de rattrapage pour les femmes et les enfants exposés dans les pays d’Afrique de l’Ouest tels que la Côte d’Ivoire, le Togo ou le Nigeria.

Tester une stratégie d’intervention communautaire

Pour répondre aux enjeux posés par le dépistage infantile, le projet RaDAR (Rattrapage du Dépistage VIH des enfants en Afrique de l’Ouest : Rôle des associations) est né d’une collaboration entre trois partenaires associatifs du Réseau Grandir Ensemble au Togo – Espoir Vie Togo (EVT) et Action Contre le Sida (ACS) à Lomé – et en Côte d’Ivoire (le centre SAS à Bouaké), trois équipes de recherche (CARESP-Togo, SPHERE-CERPOP, Toulouse, et le Programme PACCI-Abidjan) et Sidaction.

Le projet repose sur l’hypothèse qu’une intervention basée sur l’implication des communautaires associatifs – mise en œuvre en routine dans les consultations pédiatriques périphériques -, et les populations vulnérables, pourrait renforcer l’efficience de l’accès au dépistage, diagnostic du VIH, l’accès et le maintien dans le soin des enfants et adolescents vivant avec le VIH.

Pendant 16 mois, une intervention communautaire impliquant les associations sur le rattrapage sur le rattrapage des opportunités manquées de dépistage postnatal du VIH sera conduite et évaluée dans les consultations ambulatoires tout venant sur plusieurs sites publics au Togo et en Côte d’Ivoire. L’originalité de ce projet est qu’il a été développé et sera mené dans le cadre d’une collaboration étroite entre des équipes associatives et des chercheurs en valorisant les compétences et les expertises de chaque partie prenante.

Pour Sidaction, c’est aussi l’occasion de valoriser son expertise sur deux sujets qui lui sont chers : le soutien à la recherche sur le VIH et le renforcement de la réponse communautaire à l’épidémie, tout en faisant le lien entre leurs acteurs respectifs. Du 20 au 29 avril dernier, une mission composée de membres du Comité de pilotage (COPIL) a eu lieu en Côte d’Ivoire pour préparer le démarrage du projet, attendu dans les prochaines semaines.

« On sait aujourd’hui que l’offre de dépistage pédiatrique du VIH n’est pas optimale »

Arnold Sadio, chargé de recherche au CARESP, nous précise les contours de la recherche RaDAR. Il salue l’implication de Sidaction, qui soutient le projet.

Transversal : Bonjour, pour commencer, quelques mots de présentation ?

Arnold Sadio : Bonjour, je suis Arnold Junior Sadio médecin de santé publique, épidémiologiste et chargé de recherche au CARESP, le Centre Africain de Recherche en Epidémiologique et en Santé Publique qui est basé à Lomé, au Togo.

T. : Quel est votre rôle dans le projet RaDAR ?

A.S. : Dans RaDAR, mon rôle comme chargé de recherche est de faciliter la mise en œuvre du projet au sein d’une équipe constituée de chercheurs et d’associatifs issus de plusieurs pays. Le projet est mené sur plusieurs sites et dans deux pays : la Côte d’Ivoire et le Togo. Concrètement, il s’agit avec l’aide des autres membres du comité de pilotage (COPIL) d’élaborer les procédures et les documents qui sont liés à l’étude. En amont, il y a aussi eu tout le volet administratif concernant les autorisations éthiques dans les deux pays et le développement des outils de collecte de données.

T. : La dernière semaine d’avril a eu lieu une mission de Sidaction en Côte d’Ivoire sur le projet. De quelle manière a-t-elle permis d’avancer ?

A.S. : Comme le dit si bien le Professeur Didier Ekouevi avec qui je travaille : « tant qu’on n’a pas touché du doigt le terrain, tout ce qu’on fait reste théorique, seule l’expérience de terrain permet véritablement de valider des outils ou des procédures » ! Beaucoup d’outils avaient été développés depuis le lancement de la dynamique de projet, des procédures écrites… Mais en réalité, la situation sur le terrain, seuls les acteurs associatifs qui travaillent en santé communautaire la maîtrisent réellement.

Aller sur le terrain, c’est la seule manière d’éprouver les outils de la recherche. Je dirai que grâce aux connaissances et à l’expertise de chacune des parties prenantes, associatifs, chercheurs, et gestionnaires de base de données du PAC-CI, cette mission a permis de soulever les bonnes questions tout en essayant d’apporter des éléments de réponse. Nous avons eu une semaine chargée mais nous avons pu ajuster tous nos outils ! Cette mission a vraiment constitué un moment clef pour la suite de la mise en œuvre du projet d’intervention et de recherche.

T. : Quels sont les attendus de cette étude RaDAR ?

A.S. : Je pars du contexte : globalement, on sait aujourd’hui que l’offre de dépistage pédiatrique du VIH n’est pas optimale. En Afrique de l’Ouest particulièrement. Ce n’est pas la faute des soignants : ils doivent faire face à une demande importante de soins dans un contexte à ressources humaines limitées, ce qui fait que le dépistage n’est pas proposé de manière systématique à chaque fois qu’il devrait pourtant l’être.

L’idée du projet RaDAR est de leur apporter une aide extérieure pour permettre de couvrir cette part d’activité qu’ils n’arrivent pas toujours à offrir, particulièrement sur les sites publics. Dans le cadre du projet, les acteurs communautaires, issus des associations Centre SAS Bouaké (Côte d’Ivoire), EVT et ACS Lomé (Togo) vont intervenir en appui sur les sites publics pour aider les équipes soignantes à faire ce travail. Cela se fera tout en évaluant les effets de cette intervention sur les indicateurs du VIH pédiatrique c’est-à-dire ici le dépistage, la mise sous traitement, le maintien dans les soins et la suppression virale bien évidemment.

Nous avons bon espoir que ce projet génère des données probantes pouvant déboucher sur des recommandations fortes afin que l’intérêt éventuel de la participation des acteurs communautaires au sein des sites publics soit reconnu, soutenu et valorisé.

T. : C’est donc un projet de recherche à visée transformative ?

A.S. : La particularité de RaDAR, c’est qu’il s’agit d’abord d’un projet d’intervention. Pour nous, la priorité reste l’intervention qui sera menée sur les sites et sa capacité à contribuer à grandement améliorer l’offre de dépistage pédiatrique. Le dispositif de recherche vient en appui pour produire des données clés dont nous espérons qu’ils seront suffisamment parlants pour permettre de porter un plaidoyer ! 

Notes

[i] https://www.sidaction.org/sinformer/transversal/articles-vih-sida/1813-En-Afrique-francophone,la-voix-des-jeunes-pour-faire-reculer-le-VIH 

[ii] Oga M, Ndondoki C, Brou H, Salmon A, Bosse-Amani C, Timite Konan M, et al. Attitudes and practices of health care workers towards routine HIV testing in infants in health facilities in Côte d’Ivoire. Projet PEDI-TEST ANRS 12165. JAIDS. 2011;57:S16-S21.

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