vih Résistance aux ARV : près de 10 % des patients concernés

17.01.23
Dorothée Duchemin
8 min

La résistance aux ARV signifie que le VIH n’est plus sensible à l’action d’une ou de plusieurs classes de molécules. Pour les PVVIH concernées, cela limite l’éventail des options disponibles pour lutter contre le virus. Qui sont les patients concernés ? Et pourquoi leur situation est parfois critique ? Transversal fait le point.

Comment traiter un patient dont le VIH est résistant ? En France, environ 10 % des personnes infectées seraient porteuses d’une souche résistante du virus – une tendance stable ces dernières années. « On parle de virus résistant dès lors qu’il porte une mutation qui le rend résistant à au moins une molécule anti-rétrovirale », explique Stéphanie Raymond, médecin biologiste spécialisée en virologie au CHU de Toulouse. 

Actuellement, 5 classes de médicaments sont utilisées contre le VIH : les inhibiteurs de l’intégrase, les inhibiteurs d’entrée, les inhibiteurs de protéase, les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse et les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse. « Les médicaments d’une même classe ayant des formules proches, il y a plus de risques qu’un VIH résistant à un médicament devienne rapidement résistant aux médicaments de l’ensemble de la classe », note Stéphanie Raymond. 

Pourquoi le VIH devient-il résistant ? 

« Le virus n’acquiert des mutations de résistance que lorsqu’il se multiplie en présence d’un médicament efficace au départ. Mais, parce que celui-ci n’a pas été pris à la bonne dose, pas suffisamment régulièrement ou pas suffisamment longtemps, ces patients, pourtant sous traitement, se retrouvent avec une charge virale détectable, plusieurs semaines voire plusieurs mois. Le virus se duplique et des mutations apparaissent sur la zone ciblée par le médicament. Il prend alors l’avantage sur l’ARV et finit par lui échapper totalement », développe la spécialiste. Sans subir l’action d’un ARV, le virus n’a aucune raison de développer une mutation de résistance. « Il existe quelques résistances naturelles bien sûr, mais elles sont bien connues et décrites aujourd’hui », précise la médecin biologiste. 

Quelle conséquence pour une personne directement infectée par un virus résistant ? Elle ne pourra pas être traitée avec le médicament affecté par la mutation alors même qu’elle n’a jamais été sous ARV. C’est pourquoi avant de traiter un patient, il est impératif de rechercher des mutations de résistance. 

Limité en France, la résistance aux traitement est très présente en Afrique. Ce phénomène préoccupant est bien décrit par l’OMS dans son rapport 2021 sur la résistance du VIH aux médicaments : selon « des enquêtes menées dans 10 pays d’Afrique subsaharienne, près de la moitié des nourrissons nouvellement diagnostiqués séropositifs sont porteurs d’un VIH résistant aux médicaments avant l’initiation du traitement » [ii]. Ces nouveaux-nés ont donc été infectés par leur mère dont le virus avait développé une résistance. 

La multirésistance, rare mais très préoccupante pour les patients 

Le terme de « multirésistance » est utilisé dès lors que le virus est insensible à plusieurs médicaments, voire classes de médicaments. Il s’agit là de cas très exceptionnels que Stéphanie Raymond estime « largement à moins de 0,5 % » des personnes infectées. La biologiste faisait partie de l’équipe qui, en 2020, a identifié un premier cas de transmission d’une souche de VIH résistante à tous les antirétroviraux [i]. Depuis, un tel phénomène n’a plus été observé, alors que l’ensemble des laboratoires, en France et en Espagne – où étaient établis les patients repérés – ont redoublé de vigilance depuis cette découverte. « Il y a assez peu d’études sur le sujet, mais il semble que ces virus se transmettent peu. Probablement parce qu’ils ont un désavantage pour infecter un hôte, se transmettre à un nouvel hôte et se multiplier. Ils seraient donc moins performants en terme d’infection », précise Stéphanie Raymond. 

Une information rassurante, qui ne répond pas toutefois aux problèmes rencontrés des patients concernés. Pour les patients avec un VIH porteur d’une mutation de résistance simple, ils seront traités avec les autres médicaments ou classes de médicaments restant efficaces. Mais pour le petit nombre de patients porteurs d’un virus multirésistant, il faut réussir à trouver des combinaisons de médicaments qui fonctionnent. « C’est aussi ça la définition d’un virus multirésistant : quand on se retrouve véritablement en difficulté pour trouver des combinaisons de traitement efficaces, en bithérapies ou trithérapie », explique la spécialiste en virologie. 

« Pour les patients qui vivent avec le virus depuis des dizaines d’années, qui ont connu des échecs thérapeutiques, des problèmes de suivi, il est clairement plus difficile de mettre en place des traitements efficaces. C’est pourquoi il est important de continuer à développer des nouveaux ARV : dans les mêmes classes mais avec des médicaments de nouvelles générations, actifs sur des virus résistants aux précédentes générations », poursuit-elle. 

Sur le front des résistances, les bonnes et les mauvaises surprises de 2022 

Dans ce domaine, il y a des nouvelles rassurantes pour les patients, avec la mise sur le marché européen l’année dernière du lenacapavir. Seul représentant de sa classe actuellement, le lenacapavir est un inhibiteur de capside, dernier recours pour les patients en situation d’échec thérapeutique. « Cette molécule a un nouveau mécanisme d’action, il n’y a donc pas de résistance d’emblée et elle est active sur les souches résistantes aux autres ARV. De plus, la molécule a une longue demi-vie, elle peut donc être administrée en prise orale une fois par semaine ou injectée en sous-cutané tous les 6 mois. » expliquait récemment à TransversalMag [iii], le professeur Jean-Michel Molina, coordinateur de l’essai CAPELLA à l’hôpital Saint Louis à Paris, qui a permis de démontrer l’efficacité du lenacapavir. Dans son autorisation, la HAS indique le recours à ce nouveau médicament « en association avec un (d’) autre(s) antirétroviral(-aux) (…) pour le traitement des adultes ayant une infection à VIH1 multirésistante aux médicaments pour lesquels il est autrement impossible d’établir un schéma de traitement antirétroviral suppressif ».

D’autres nouvelles sont beaucoup moins satisfaisantes. C’est notamment le cas pour l’islatravir, un inhibiteur nucléosidique de la translocation de la transcriptase inverse (INTTI). Ce traitement, simple à suivre et efficace, apparaissait comme très prometteur. Mais les essais ont été mis en pause après une diminution du nombre de lymphocytes observée chez les personnes qui recevaient la molécule. « C’était la mauvaise surprise de l’année dernière. On sait que cet effet secondaire était corrélé à la dose de produit reçu, les essais devraient donc reprendre avec une dose inférieure. Si la baisse des lymphocytes est toujours observée ou si le traitement n’est plus efficace, ce sera l’abandon de l’islatravir », analyse Stéphanie Raymond. 

Autre déconvenue pour les porteurs d’un VIH multirésistant, le retrait du marché européen du Trogarzo (anticorps monoclonal ibalizumab), décrit comme « une option de dernier recours, en association à d’autres antirétroviraux appropriés, pour le traitement des patients ayant une infection à VIH-1 multirésistant et pour lesquels les traitements antirétroviraux actuellement disponibles ne permettent pas d’atteindre la suppression virologique » par la HAS. 

Médicament très récent, le Trogarzo, distribué par le laboratoire Theratechnologies, devait encore faire ses preuves, mais ce ne sera pas en Europe. Theratechnologies en a décidé autrement, mécontent des conditions tarifaires en Europe et en France. « Positionné comme traitement de dernier recours, Trogarzo® est prescrit aux personnes vivant avec une souche VIH-1 multirésistante. Peu nombreuses, ces personnes ont généralement épuisé les options thérapeutiques disponibles sur le marché. L’indisponibilité de Trogarzo® en France risque d’aggraver l’état critique dans lequel elles se trouvent alors que leurs parcours de vie et de soins sont déjà très difficiles », prévient le collectif TRT5 CHV dans un communiqué condamnant le revirement de Theratechnologies [iv]. 

« Le médicament était effectivement utile chez des patients multi-résistants, pour regagner une charge virale indétectable. Il était intéressant en phase d’attaque de traitement d’avoir cette molécule à disposition », reconnaît Stéphanie Raymonde. Pour les patients multirésistants, c’est donc une option de moins, alors que celles-ci sont déjà peu nombreuses. 

Agissez
Pour lutter contre le VIH/sida
Je donne
45€

Pour informer
24 personnes
sur le dépistage.

Faire un don
hearts

Pour contribuer à lutter contre le VIH

Nos actus

Toutes les actus
Restez informés En vous inscrivant à la newsletter
Vous acceptez que cette adresse de messagerie soit utilisée par Sidaction uniquement pour vous envoyer nos lettres d’information et nos appels à la générosité. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Partagez,
likez,
tweetez
Et plus si affinités