vih #Sidaction2024 – Bien vieillir, nouveau défi de la lutte contre le VIH

21.03.24
Romain Loury
7 min
Visuel #Sidaction2024 – Bien vieillir, nouveau défi de la lutte contre le VIH

Parmi les personnes vivant avec le VIH, environ la moitié sont des seniors. Au poids de l’âge, s’ajoutent ceux du virus et des traitements, mais aussi de la précarité financière et de la solitude. Une situation à laquelle les associations exhortent les autorités sanitaires à trouver des solutions.

Jusqu’à l’arrivée des trithérapies en 1996, un diagnostic d’infection par le VIH équivalait à une condamnation à mort. Tel n’est désormais plus le cas : grâce aux antirétroviraux, les personnes diagnostiquées avec le VIH disposent d’une espérance de vie similaire à celles ne vivant pas avec le virus. Conséquence, la population vivant avec le VIH vieillit. En 2021, son âge moyen s’élevait à 51 ans, tandis que 14,7% des personnes étaient âgées de plus de 65 ans.

Si la réplication virale est désormais sous contrôle chez les personnes bien traitées, la vie avec le VIH, et notamment lorsqu’on avance en âge, demeure difficile, en matière de santé physique et mentale, mais aussi d’un point de vue social et financier. Pour les associations, la question du vieillissement, identifiée durant les années 2000, constitue une préoccupation croissante. Afin de mieux y répondre, plusieurs associations (dont Sidaction), des médecins et des chercheurs ont mis en place en 2018 le groupe de travail « Bien vieillir avec le VIH ». En 2023, ils ont publié des recommandations visant, entre autres, à structurer une prise en charge adaptée à ces personnes et à garantir leur accès aux droits économiques et sociaux.

Des personnes « très abîmées »

Parmi les membres de ce groupe de travail, l’association « Les petits bonheurs », créée en 2008, accompagne 450 personnes isolées socialement et affectivement (dont deux tiers de seniors), leur proposant de réaliser leurs envies afin de leur redonner goût à la vie. Selon Thibaut Vignes, directeur de l’association, ces personnes sont « souvent très abîmées par leur parcours de vie. Elles ont connu les premiers traitements, et présentent des séquelles physiques, des troubles cognitifs. A cela peuvent se rajouter cancers et maladies liées à l’âge, qui viennent complexifier leur situation. La perte d’autonomie arrive en général plus tôt ».

Quant au moral, « il est souvent fluctuant, avec des signes de déprime durable, voire de dépression. Beaucoup de ces personnes se disent fatiguées par toutes ces années passées avec le VIH. Bien sûr, certaines se réjouissent, car elles ne pensaient pas vivre jusqu’à 60 ans. Mais même chez elles, le temps semble parfois long ». Du fait de parcours professionnels perturbés par la maladie, les pensions de retraite sont souvent maigres (voire inexistantes), d’où un faible niveau de vie.

A cela s’ajoute souvent la solitude, liée aussi bien à l’âge qu’au VIH. « Nombre de ces personnes ont vécu le deuil de personnes proches, souvent du fait du VIH. D’autres ont été rejetées par leur cercle familial, par leurs amis, et n’ont pas eu l’occasion de lier de relations de travail. Chez certaines, cette solitude est apparue dès qu’elles ont commencé à vivre avec le VIH. Pour d’autres, cela a été progressif, et elles se retrouvent très seules à 60 ans », observe Thibaut Vignes.

Les Ehpad peu au fait du VIH

Face à une perte d’autonomie qui intervient 10 à 15 ans plus tôt qu’en population générale, le placement en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) devient parfois inéluctable. Or nombre de ces établissements s’avèrent encore imperméables au VIH. Dans un rapport publié en 2013, la Direction générale de la santé (DGS) observait que le VIH constituait un « motif de refus possible ». Parmi les raisons évoquées par les professionnels, une prise en charge jugée plus coûteuse, un manque de formation des équipes.

Une fois admises en Ehpad, les personnes vivant avec le VIH se retrouvent souvent isolées, du fait de l’écart d’âge avec les résidents ‘traditionnels’. La stigmatisation n’est pas rare : dans son rapport, la DGS évoque des cas de soignants refusant d’entrer dans la chambre d’une personne vivant avec le VIH, ou « mettant deux paires de gants pour faire la toilette ou des soins au résident ».

Selon Thibaut Vignes, « le médecin est au courant du statut sérologique, mais ce n’est pas quelque chose qu’on peut partager avec les autres résidents. Nous avons eu le cas d’un monsieur dont les autres résidents ont eu vent du statut : le directeur a reçu une lettre signée par plusieurs familles, demandant l’exclusion de la personne ! ».

Si la situation demeure délicate, elle est peut-être en cours d’amélioration, à en croire les résultats de l’étude V.I.AGE, menée par Gerond’If (le gérontopôle d’Ile-de-France) et financée par Sidaction. Cette enquête a été menée auprès de 32 personnes de plus de 60 ans accompagnées par des établissements médico-sociaux d’Ile-de-France (Ehpad, foyers d’accueil médicalisé, maisons d’accueil spécialisées, services d’hospitalisation à domicile, etc.), ainsi que 52 professionnels de ces structures. Selon les entretiens menés avec ces derniers, le VIH est le plus souvent considéré comme un sujet lointain : 70 % des professionnels interrogés disent n’avoir jamais, ou rarement, accompagné une personne vivant avec le VIH, tandis que le sujet n’est pas évoqué dans les modules de formation au travail en Ehpad ou en service de soins infirmiers à domicile (Ssiad).

Le VIH, une information parmi d’autres ?

Selon Adrien Besseiche, chef de projet chez Gerond’If, « la situation n’est pas totalement dégradée, même si les connaissances semblent moindres qu’à l’hôpital. Pour ces professionnels, la séropositivité constitue une information comme une autre. Les véritables problématiques de la prise en charge des personnes âgées ont surtout trait aux démences, qui sont difficiles à gérer. Pour le VIH, le patient expert s’autogère, et l’infectiologue demeure le médecin de référence » [i]. Parmi les 32 personnes vivant avec le VIH interrogées, celles résidant en Ehpad admettent y avoir « été bien accueillies ». Quant aux autres, la crainte de ces établissements est tenace, du fait de leur image très négative, mais aussi par peur d’éventuelles discriminations ou atteintes à la confidentialité.

Face à cette appréhension, des projets alternatifs voient le jour. Parmi eux, celui de l’association « Les audacieuses & les audacieux », dont la Maison de la diversité, en cours de construction à Lyon, devrait ouvrir fin 2025 – d’autres pourraient voir le jour dans d’autres villes, dont Strasbourg, Toulouse et Nantes. Habitat destiné aux seniors LGBT et/ou vivant avec le VIH, le projet lyonnais compte 16 appartements. Pour François, futur résident de la résidence lyonnaise, celle-ci « va permettre aux personnes de trouver un endroit ‘safe’, sans discrimination. Tout en étant chacun chez soi, nous pourrons y mener des projets citoyens, des projets culturels ». Une « redynamisation des personnes » également prônée par l’association « Les petits bonheurs ». Selon Thibaut Vignes, « le fait de repasser du temps avec d’autres gens peut redonner envie de voir ce qui se passe dans ton quartier, de t’engager dans une association ».

#Sidaction2024 – 22, 23 et 24 mars

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Notes et références

[i] Fait révélateur, peu d’Ehpad privées à but lucratif ont répondu à l’enquête, celles incluses étant principalement des Ehpad publiques ou privées à but non lucratif.

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