vih Vaccins : après 40 ans de recherche, pourquoi ça coince encore ?

22.03.23
Dorothée Duchemin
6 min

Voilà 40 ans que la recherche échoue à élaborer un vaccin préventif efficace contre le VIH. Ces dernières années, de nouveaux échecs viennent s’ajouter à une longue liste de tentatives ratées depuis les tout premiers tests en 1987. En somme, le vaccin reste introuvable. On vous dit pourquoi.

Le 18 janvier, le National Institute of Health (NIH), l’agence américaine de recherche médicale, annonçait l’arrêt de l’essai Mosaico. En phase III, celui-ci avait débuté en 2019 et impliquait en Europe, en Amérique, Nord et Sud, 3.900 volontaires, des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et des personnes trans. Développé par le laboratoire Janssen, filiale de Johnson & Johnson, le vaccin, basé sur la technologie du vecteur adénoviral et des protéines trimériques n’offrait pas de protection suffisante contre une infection. Le nombre de personnes infectées était même équivalent entre les volontaires qui recevaient le vaccin et ceux qui recevaient le placebo. 

Ce fut un coup dur pour la recherche alors que l’essai Mosaico était en phase III [i]. En 2021, un autre essai de Johnson et Johnson, Imbokodo, testé sur des femmes et des jeunes filles en Afrique subsaharienne cette fois, avait également été stoppé, là encore faute d’efficacité satisfaisante.

Des échecs et des espoirs

40 ans après l’identification de l’agent étiologique du Sida, baptisé plus tard VIH, 36 ans après les premiers tests d’un vaccin, les échecs s’amoncellent. En 2003, AIDSVAX fut le premier candidat-vaccin à atteindre l’essai clinique de phase III. En 2009, l’essai RV144 de phase III mené en Thaïlande a été testé sur 16 400 volontaires adultes séronégatifs. Le risque d’infection a diminué de 31,2 %, le plus haut niveau de protection jamais atteint. Depuis, les équipes cherchent à reproduire et à améliorer ce niveau de protection. 

Après l’arrêt de Mosaïco, les regards se tournent vers le candidat vaccin « CD40.HIVRI.Env ». Celui-ci repose sur l’injection d’anticorps monoclonaux qui ciblent spécifiquement des cellules de la réponse immunitaire, appelées les cellules dendritiques. Ces cellules sentinelles, présentes dans l’ensemble des tissus (peau, muqueuses) patrouillent dans l’organisme et, face à un agent pathogène, alertent les autres cellules du système immunitaire. 

C’est la première fois qu’un essai vaccinal anti-VIH s’appuie sur cette technologie. Concrètement, une protéine de l’enveloppe du VIH est fixée sur les anticorps monoclonaux du vaccin afin que le système immunitaire apprenne à reconnaître et à neutraliser le virus. Présenté le 22 février 2023, les premiers résultats de l’essai ANSR VRI06, mené par l’Inserm-ANRS et le Vaccine Research Institute, montrent que le vaccin est sûr et présente une réponse immunitaire « précoce, importante et durable ». « La 2ème étape de l’essai se poursuit avec des groupes supplémentaires de volontaires ayant reçu le candidat vaccin CD40.HIVRI.Env associé à un autre vaccin actuellement en développement en phase II/III. Ce dernier, le’DNA-HIV-PT123′, est un vaccin à ADN qui pourrait amplifier la réponse immunitaire », précise le communiqué de l’ANRS.

La recherche avance donc. Mais récemment, le grand public a bien eu du mal à comprendre pourquoi quelques mois seulement après le début de la crise du Sars-CoV-2, les vaccins de Pfizer, Moderna, AstraZeneca, Jannsen, Valvena, Novavax étaient mis sur le marché. Pourquoi a-t-il été aussi facile de trouver des vaccins efficaces contre la Covid-19, si peu de temps après son apparition, alors que le VIH reste toujours insaisissable ? Qu’est-ce qui rend ce virus si complexe à comprendre ? 

La grande capacité à muter du VIH

Une raison majeure à cela, sa grande variabilité. Le VIH possède une capacité à muter extrêmement rapidement. « Le nombre de variants est incomparable avec celui des variants du Sars-CoV-2, il est largement supérieur », explique Michaela Müller-Trutwin, responsable de l’unité HIV, Inflammation et persistance à l’Institut Pasteur, contactée par Transversal. « Tous les virus mutent. Mais dans la grande majorité des cas, quand ils mutent, ils perdent en même temps en capacité à se répliquer efficacement et sont alors contre-sélectionnés naturellement. Généralement, seulement quelques virus parviennent à survivre avec une mutation, sauf pour le VIH. Alors que 30 % de son génome mute, lui reste capable de se répliquer efficacement », note la spécialiste. 

Ainsi, deux types de VIH existent, chacun étant composé de plusieurs groupes, eux-mêmes divisés en plusieurs sous-types, eux-mêmes divisés en plusieurs variants. Il n’existe donc pas un virus du VIH mais des virus du VIH. Le virus est même capable de muter jusqu’à 10 % de son génome (environ 1000 mutations) au sein d’un seul et même individu. Cette capacité à muter si rapidement est un obstacle majeur au développement d’un vaccin efficace.

Enfin, autre difficulté à surmonter : « Le VIH se transmet souvent par les muqueuses alors qu’actuellement aucun vaccin n’est capable d’induire une bonne réponse immunitaire [contre le VIH, NDLR] au niveau des muqueuses. Aucun vaccin ne parvient à induire de forte concentration d’anticorps dans cette zone. La réponse immunitaire induite est insuffisante et le virus peut déjà entrer dans l’hôte », précise Michaela Müller-Trutwin.

La piste des bNAbs

En dehors des essais déjà mentionnés plus haut, la recherche sur les anticorps neutralisants à large spectre, les bNAbs – broadly neutralizing antibodies, en anglais – offre de nouvelles perspectives thérapeutiques et préventives [ii]. Mais, pour le moment, c’est loin d’être la panacée : « On sait que si on traite une personne avec l’un de ces anticorps, le virus réussit malgré tout à y échapper rapidement. La recherche travaille donc actuellement à combiner les bNAbs. Peut-être que dans les années à venir, si on parvient à combiner trois ou quatre bNAbs et de les maintenir en forte concentration dans les muqueuses, le virus ne parviendra plus à échapper au vaccin. Mais chaque nouveau bNAbs doit être testé, évalué et cela prend énormément de temps, des années, et nécessite beaucoup d’argent », prévient Michaela Müller-Trutwin.

Même si les traitements efficaces ont fait leurs preuves pour contrer la réplication du VIH, ils ne guérissent pas de l’infection à VIH. De plus, l’adhésion, l’observance, l’accès à ces traitements ne vont pas de soi. Alors que le VIH a causé jusqu’ici dans le monde plus de 40,1 millions de décès, il a tué près de 650 000 personnes et en a infecté 1,5 million rien qu’en 2021, selon les chiffres de l’OMS. La découverte d’un vaccin préventif demeure, au vu de ces chiffres, un enjeu crucial de santé publique. 

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Notes et références

[i] Il reste, malgré tout, l’essai PrePVacc, https://www.prepvacc.org.

[ii] VIH : Moderna injecte les premières doses de son vaccin à ARN messager, Transversal, 

 https://www.sidaction.org/sinformer/transversal/articles-vih-sida/1828-VIH-Moderna-injecte-les-premieres-doses-de-son-vaccin-a-ARN-messager  

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