vih VIH : mettre l’Assemblée nationale face à ses responsabilités

10.07.23
Cécile Josselin
8 min
Visuel VIH : mettre l’Assemblée nationale face à ses responsabilités

Un colloque d’information et de sensibilisation des député.e.s et des sénateur.trice.s sur les enjeux nationaux de la lutte contre le VIH s’est tenu le 25 mai dernier à l’Assemblée nationale. Organisé par le Collectif des 10 Choix Politiques pour en finir avec le sida et accueilli par Cyrielle Châtelain, députée de l’Isère et présidente du groupe écologiste, ce colloque, ayant pour thème « Quelles priorités pour la mandature 2022-2027 ? », a été l’occasion de rappeler à la Chambre basse ses responsabilités dans la lutte contre le VIH. Notre compte-rendu.

Depuis l’arrivée des trithérapies en 1996, de nombreuses avancées ont été accomplies dans la lutte contre le VIH. « Aujourd’hui des outils […] nous permettent d’envisager sérieusement la fin de l’épidémie même sans vaccin ni traitement éradicateur », souligne avec optimisme le professeur Olivier Épaulard, infectiologue au CHU de Grenoble Alpes et président du COREVIH (Comité régional de coordination de la lutte contre le VIH et les IST) Arc Alpin. 

Malgré tout, nous sommes loin du compte. Bien que, comme le précise le professeur Épaulard, « nous [ayons] aujourd’hui des outils de prévention efficaces » beaucoup reste encore à faire pour les rendre plus accessibles.« On pourrait par exemple élargir les horaires d’ouverture des CeGIDD [centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic, ndlr] » propose-t-il. 

Faciliter l’accès à l’information, à la prévention et l’accompagnement des personnes

Aux yeux du professeur, il s’agit d’abord d’accélérer le développement des centres de santé sexuels. Alors qu’ils sont actuellement en expérimentation à Paris, Marseille, Montpellier et Lyon, ces derniers font pourtant déjà leurs preuves. « Les premières évaluations montrent leur très grande efficacité, notamment pour la rapidité des résultats des dépistages et l’amorce des traitements », insiste-t-il. Le professeur en appelle ainsi aux pouvoirs publics pour qu’ils soientétendus sur tout le territoire.

En parallèle, les associations, dont le rôle central et l’efficacité sont avérés dans la lutte contre le VIH, doivent être mieux soutenues et mieux financées. Agissant au plus près des populations clés, ce sont elles qui assurent une bonne part de l’information sur le VIH et la santé sexuelle, qui ramènent au dépistage les populations les plus éloignés du système de santé et arrivent à les maintenir dans les soins. 

« Les médiateurs de santé doivent aussi être revalorisés », ajoute Anaïs Saint-Gal, chargée de plaidoyer chez Sidaction. Ces derniers sont reconnus par tous comme essentiels et efficaces mais n’ont toujours pas de cadre de métier, rappelle-t-elle. L’appellation même de leur profession n’apparaît pas dans le Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois (ROME) ni dans le Code de la santé publique ». 

Pire « ces personnes se retrouvent souvent avec un emploi précaire, mal rémunéré avec peu de perspectives de carrière », insiste-t-elle, appelant l’Assemblée nationale à être vigilante sur le sujet alors qu’une mission interministérielle travaille en ce moment sur la médiation en santé. Cette dernière doit présenter ses conclusions au ministère de la Santé et au ministère des Solidarités en juillet. 

Nous arriverons à cet objectif de zéro nouvelle contamination du VIH que si nous y mettons les moyens. Il ne faut surtout pas lâcher aujourd’hui. Les parlementaires ont un pouvoir d’action dont ils doivent user ! 

Autre élément essentiel sur lequel butte la prévention contre le VIH : l’insuffisant déploiement de la PrEP (prophylaxie pré-exposition). Cet outil extrêmement efficace est toujours très peu délivré aux personnes migrantes et plus largement au public hétérosexuel, notamment féminin qui en ignorent souvent l’existence. Il s’agirait de mieux cibler ces publics, en réfléchissant à des méthodes d’approches plus adaptées. 

Des stratégies politiques contre-productives en termes de santé publique 

Aujourd’hui, entre 24 et 25 000 personnes ignorent encore leur statut sérologique et entretiennent, malgré eux, la dynamique de l’épidémie. C’est pourquoi, comme le rappelle le délégué général de la Société Française de Santé Publique (SFSP), François Berdougo, le VIH constitue toujours un enjeu important en matière de santé publique. L’accélération des efforts pour lutter contre l’épidémie est donc vital.

Pourtant, certaines politiques publiques mises en place semblent encore l’ignorer. Notamment lorsqu’elles concernent les personnes migrantes d’origine subsaharienne, chez qui les contaminations sont très importantes (notamment chez les femmes). La limitation de l’accès aux titres de séjour pour soins, même si cette dernière n’affecte « encore » que faiblement les PVVIH – 4000 malades estime Didier Maille, le coordinateur du Pôle social et juridique de la Comede (Comité pour la santé des exilés) – en est un exemple parmi d’autres. 

Il est par ailleurs fortement à craindre que la prochaine loi Asile et immigration n’améliore pas la situation sur ce point. A ce sujet, la vigilance des acteurs de la lutte contre le VIH est particulièrement légitime : l’étude Parcours, par exemple, a en effet montré qu’entre 35 et 49 % des migrants d’Afrique sub-saharienne en Île-de-France ont été infectés en France et non dans leur région d’origine [i], lors des six premières années d’installation. En cause : la grande précarité et les difficultés administratives auxquels elles sont confrontées et leur faible accès aux soins. 

Les mêmes effets désastreux sont observables pour les lois touchant les usagers de drogues injectables (UDI). Si la politique de réduction des risques en a limité l’impact du VIH, « la loi de 1970 sur la pénalisation des consommateurs de drogues ne fonctionne pas. Elle est délétère en termes de santé publique tout en coûtant très cher à l’État (police, justice, prison) », insiste François Berdougo. Il relève le même effet pervers de la loi de 2016 qui pénalise les clients des travailleurs et travailleuses du sexe. En précarisant davantage cette population, elle l’oblige à se cacher et limite ses capacités à recourir aux soins. 

La recherche contre le VIH sous-dotée

« Les perspectives de découverte d’un vaccin et de nouveaux traitements qui permettraient de ‘guérir’ du VIH restent quant à elles encore lointaines, avertit de son côté Françoise Barré-Sinoussi, co-découvreuse du VIH en 1983 et Prix Nobel de physiologie ou médecine 2008, même si cela reste bien évidemment un enjeu majeur de la recherche ».

Assez pessimiste, cette dernière déplore l’insuffisance des financements publics qui, associée à la lourdeur administrative, oblige les chercheurs à passer un temps considérable à la recherche de financements. Celle-ci observe également « un recul inquiétant de l’investissement dans la recherche en général, malgré des efforts récents prévus par le récent plan innovation santé. »

Pour cette raison, elle compte sur les députés pour surveiller le respect des engagements du gouvernement. Plus généralement, Françoise Barré-Sinoussi s’inquiète de la désaffection des jeunes pour une carrière scientifique dans la recherche publique. Synonyme de longues années de précarité avant d’obtenir à plus de 30 ans un poste statutaire avec un salaire ridicule (2200 euros brut en début de carrière), cette orientation ne fait plus rêver. 

« On nous a dit récemment que la lutte contre le VIH n’avait rien à voir avec la politique, poursuit Françoise Barré-Sinoussi. C’est faux, car les choix politiques peuvent avoir une influence sur l’accès à la prévention et aux soins. Nous arriverons à cet objectif de zéro nouvelle contamination du VIH que si nous y mettons les moyens. Il ne faut surtout pas lâcher aujourd’hui. Les parlementaires ont un pouvoir d’action dont ils doivent user ! » 

Colloque : 2030 sans sida

[Vidéo] Colloque : quelles priorités pour la mandature 2022-2027 ?

Modéré par Camille Spire, présidente de AIDES et Florence Thune, directrice de Sidaction, le colloque a fait intervenir Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de physiologie ou médecine 2008, présidente de Sidaction, Dominique Costagliola, directrice de recherche émérite à l’INSERM, membre de l’académie des Sciences, Olivier Epaulard, professeur d’infectiologie au CHU Grenoble Alpes, président du COREVIH arc alpin et François Berdougo, délégué général de la Société Française de Santé Publique.

Notes et références

[i] https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/documents/article/migrants-subsahariens-suivis-pour-le-vih-en-france-combien-ont-ete-infectes-apres-la-migration-estimation-dans-l-etude-anrs-parcours

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