vih Visite au Checkpoint-Paris

20.03.17
Anaïs Giroux
6 min
Visuel Visite
au Checkpoint-Paris

Épicentre de l’épidémie en France, Paris compte dans le quartier du Marais un centre de santé sexuelle unique en son genre.

« Alors, qu’est-ce qui vous amène ? » D’une voix forte ne parvenant pas à masquer complètement son inquiétude, Alban[1] raconte qu’il a « fait des conneries ». « J’ai eu un rapport non protégé il y a quelques semaines avec un de mes amants qui est séropositif. Il m’a dit qu’il était indétectable[2], mais bon… », précise ce Parisien de 37 ans. La question d’un partenaire régulier le fait rire, un peu nerveusement peut-être, lui qui se décrit comme un « mauvais exemple » en matière d’usage du préservatif. Face à lui, Axelle Romby, docteure sexologue au Checkpoint-Paris, lui assure fermement : « Vous savez, dans la vie, il y a la théorie et puis il y a la pratique. Dans tous les cas, vous êtes là aujourd’hui. Je vous propose que nous fassions un dépistage complet. » La consultation s’achève tranquillement sur une discussion orientée par la professionnelle sur le bien-être sexuel, l’usage de drogues, « et la PrEP, vous en avez entendu parler ? » Informé sur les modalités de ce nouveau traitement préventif auxquelles il « [va] réfléchir », Alban passe à l’étape suivante avec l’un·e des infirmier·ère·s du centre. Prélèvement urinaire et du fond de la gorge, prise de sang… Quelques minutes plus tard, c’est le soulagement : les résultats sont négatifs pour le VIH et la syphilis. Le jeune homme devra repasser prochainement un test VIH pour garantir le délai de six semaines après sa prise de risque et recevra par SMS[3] sous 48 heures ses résultats pour le gonocoque et les chlamydiae, mais « déjà, ça, c’est fait ». Sa visite au Checkpoint aura duré une heure.

Des jeunes comme Alban, le centre en a reçu plus de 15 000 en cinq ans d’ouverture, entre 2010 et 2015 : 347 résultats positifs ont été rendus, dont 70 % d’infections récentes et un tiers de primo-infections. L’établissement représente 16 % des Trod [tests rapides d’orientation diagnostique] réalisés en Île-de-France en 2013 et, surtout, 25 % des découvertes de séropositivité par Trod. « Ces données montrent que notre dispositif, qui repose sur un dépistage rapide associatif, médicalisé et communautaire, gratuit et confidentiel, à des horaires adaptés au mode de vie urbain et dans le quartier du Marais, est performant, détaille Nelly Reydellet, la directrice adjointe. Malheureusement, nous savons que le nombre de nouvelles infections chez les gays continue d’augmenter à Paris, surtout chez les plus jeunes (voir encadré). Cela veut dire qu’il nous faut être plus efficaces : même si c’est un excellent outil, le Trod n’est pas suffisant face à une épidémie hyperactive et hyperconcentrée dans une communauté. » Communauté qui rencontre de nombreuses problématiques : « un recours au traitement postexposition (TPE) insuffisant, des épidémies d’IST en hausse, l’augmentation du recours aux produits psychoactifs, un contexte de discrimination, de violence, d’homophobie, en particulier après la Manif pour tous, des taux de dépression et de suicide plus élevés qu’en population générale », liste la jeune femme. Pour elle, « l’enjeu essentiel est d’élargir l’offre et de la penser en termes de santé sexuelle globale en démultipliant les opportunités de dépistage ». C’est donc tout naturellement que la structure s’est saisie de la réforme des CDAG et des Ciddist pour devenir, en 2016, l’un des sites de consultations du Cegidd du groupe hospitalier Saint-Louis – Lariboisière – Fernand-Widal.

Un dispositif à élargir…

« Le problème du Cegidd est qu’il ne peut toucher que les personnes qui s’y rendent », résume le Dr Christophe Segouin, responsable du Cegidd en question. D’où l’intérêt pour le groupe hospitalier de développer des antennes hors les murs et de travailler étroitement avec des associations communautaires qui connaissent le terrain. « Le Cegidd nous a forcés à repenser les relais. Nous offrons aujourd’hui aux patient·e·s [file active de 15 000 personnes, NDLR] des prestations identiques, quelle que soit la porte d’accès obtenue par la mise en réseau : dépistage, consultations en addictologie, sexologie, gynécologie ciblant les lesbiennes et les transgenres, psychologie, assistant·e social·e, accompagnement à la PrEP, etc. Nous pouvons adresser le·la patient·e dans les 24 heures à un·e vénérologue, un·e infectiologue…, car nous sommes adossés à des services hospitaliers dont l’expertise est reconnue. » Au Checkpoint-Paris, le dépistage, notamment des IST, est ainsi grandement facilité grâce à une formidable boîte noire couvée par toute l’équipe : un « Point of Care » prêté par l’hôpital, sorte de minilaboratoire de biologie délocalisée qui permet de réaliser les prélèvements sur place et d’éviter ainsi de perdre de vue des patient·e·s qu’on laissait repartir avec une prescription sans l’assurance que les examens seraient effectivement réalisés. Surtout, il est aujourd’hui « adossé à un réseau de soutien sur les autres problématiques » à travers le panel des consultations proposées gratuitement au centre. Grâce à ses liens renforcés dans le cadre de cette nouvelle structure, le Checkpoint peut désormais offrir « une offre de santé sexuelle complète à destination non plus seulement des gays, mais aussi des lesbiennes et/ou des personnes trans, aussi bien séropositives que séronégatives », chère à Nelly Reydellet et à toute son équipe.

… vers une offre de santé sexuelle complète

Chiffres clés

En 2015, environ 2 600 hommes ayant des rapports avec des hommes (HSH) ont découvert leur séropositivité en France, représentant 43 % de l’ensemble des découvertes.

19 % de ces découvertes sont faites à un stade avancé de l’infection par le VIH. Un pourcentage qui ne diminue pas.

Chez les jeunes HSH, âgés de 15 à 24 ans, le nombre de découvertes de séropositivité a presque triplé entre 2012 et 2013 (x 2,7). Ils représentent un quart des diagnostics chez les HSH en 2015.

Les HSH de 50 ans et plus sont de plus en plus nombreux à être concernés (x 1,3 entre 2014 et 2015).

Les IST, qui constituent des portes d’entrée au VIH, continuent à augmenter de façon alarmante : + 56 % de syphilis précoces et + 100 % d’infections à gonocoque entre 2013 et 2015.

Source : BEH, n° 41-42, Santé publique France, nov. 2016.

[1] Tous les prénoms des usagers ont été modifiés.

[2] « Les personnes séropositives ne souffrant d’aucune autre IST et suivant un traitement antirétroviral efficace [ayant donc une charge virale indétectable, NDLR] ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle », Vernazza et al., Bulletin des médecins suisses, 2008.

[3] Le suivi des résultats par SMS est proposé sur la base du volontariat (la grande majorité des consultants l’acceptent).

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