vih AFRAVIH 2024 : retours sur la 12ème édition de la grande conférence francophone

17.04.24
Nicolas Gateau, Emilie Henry
0 min
Visuel AFRAVIH 2024 : retours sur la 12ème édition de la grande conférence francophone

Rassemblant des chercheurs, des médecins, des activistes et des institutionnels du Nord et du Sud, la nouvelle édition de l’Afravih se tient du 16 au 19 avril 2024. Pour sa 12ème édition, la plus grande conférence internationale francophone sur le VIH, les hépatites, la santé sexuelle, s’installe à Yaoundé au Cameroun. Nos comptes-rendus.

  • En amont de l’ouverture de la conférence, l’équipe organisatrice de l’AFRAVIH avait choisi de consacrer son symposium aux combats des femmes pour les droits. Djaïli Amadou Amal, femmes de lettres dont l’ouvrage Les impatientes a récemment reçu le prix Goncourt des lycéens a ouvert la session avec un discours sur la conquête des droits par les femmes et les enjeux qui se posent encore pour elles partout dans le monde.

    Ornella Milleliri, psychologue, a décrit les similarités des mécanismes qui aboutissent aux violences dans les différents contextes et qui s’avèrent donc le plus souvent systémique. Non seulement la situation est préoccupante mais les données disponibles montrent que la situation se dégrade dans de nombreux pays.

    Claire Tantet, médecin, est venue témoigner sur le lien entre violence et migration à partir de son expérience à propos du projet parcours mené à l’hôpital Avicenne (France, Bobigny).

    Si la situation est inquiétante, les intervenantes ont pourtant rappelé qu’il existait des leviers au changement. D’abord pour les soignant.e.s en osant poser la question des violences : c’est une vraie perte de chance quand ces sujets ne sont pas abordés en consultation, et c’est pourtant encore trop souvent le cas. La formation des professionnels de santé à la santé sexuelle est certainement un enjeu pour faire bouger les lignes.

    La proposition de prise en charge holistique permet d’aborder la question de la santé des personnes dans sa globalité en passant par les violences subies, c’est en tout cas le retour de Bernadette Rwegera à partir de l’expérience d’Ikambere (France, Saint-Denis).

    La médiation en santé est aussi un outil éprouvé pour faciliter la parole, ouvrir le dialogue et mettre en place des prises en charge adaptées.

    Au-delà de ces actions de court terme, les intervenantes se sont accordées sur le fait qu’il est urgent de travailler au développement de la « masculinité positive », c’est-à-dire au fait d’avoir des hommes qui luttent à côté des femmes pour que les choses puissent avancer. Investir dans l’éducation des jeunes et tout particulièrement des garçons est essentiel.

    EH

  • Au premier jour de la conférence AFRAVIH 2024, le symposium organisé par l’Initiative [i] s’est penché sur les défis liés à une prévention et prise en charge intégrées du VIH et des maladies dites « non transmissibles » (MNT) en Afrique de l’Ouest et du Centre.

    Outre les épidémies de VIH, de la tuberculose et du paludisme, qui touchent de façon disproportionné les pays de l’Afrique subsaharienne, on constate en effet depuis presque deux décennies l’explosion des cas de pathologies telles que le diabète, l’obésité, les cancers et les maladies cardiovasculaires dans les pays d’Afrique subsaharienne. Des maladies qui viennent s’ajouter au fardeau des maladies infectieuses, dites transmissibles (MT).

    Comme le souligne lors du symposium Didier Ekouevi, médecin épidémiologiste et professeur de Santé publique à l’université de Lomé (Togo), le « fardeau des maladies non transmissibles dans la région africaine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) devrait dépasser celui des maladies transmissibles d’ici 2030 ». « 82 % des décès par an par MNT surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire », précise-t-il également dans sa présentation, pointant que les MNT deviendront rapidement les principales causes de mortalité en Afrique.

    Comment expliquer cette « transition épidémiologique » ? Le professeur Didier Ekouevi liste plusieurs facteurs explicatifs dans sa présentation. Le vieillissement de la population, les changements d’habitudes de vie, incitant à plus de sédentarité, ou la « flambée des épidémies sociales », telles que le tabagisme ou l’obésité, sont pointées du doigt par le médecin. A l’appui, il cite l’exemple du Togo, où « 28 % des sujets sont en surpoids ou obèses » (enquête STEPS 2022).

    Alors que les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre concentrent 62 % de toutes les menaces de Santé publique dans le monde et près de 63 % de toutes les épidémies, il est urgent d’agir. En ce sens, Didier Ekouevi propose trois pistes d’action aux autorités sanitaires et politiques des pays concerné. Il s’agit de :

    • Prendre en compte les aspects liés au vieillissement de la population dans les décisions politiques ;
    • Renforcer les programmes de lutte contre les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires, les cancers et le diabète ;
    • Intégrer le concept de prévention primordiale [ii] dans les programmes de lutte contre les MNT, en incitant les populations à adopter une mode de vie sain.

    NG

    Note et références :

    [i] L’Initiative est une facilité française, complémentaire du Fonds mondial, qui accélère la lutte contre les grandes pandémies et accompagne les pays pour améliorer l’accès des populations à des services de santé de qualité

    [ii] La prévention primordiale désigne les mesures prises pour modifier les déterminants de la santé et ainsi inhiber l’établissement de facteurs environnementaux, économiques, sociaux, comportementaux, ou culturels qui augmentent l’incidence de la maladie.

  • Dans le cadre de son symposium matinal, l’ONG Accompagnement pour une meilleure Santé (AcSan) a souhaité mettre l’accent sur les maladies non transmissibles (MNT) et la menace qu’ils représentent pour la santé et la vie des personnes vivant avec le VIH.

    Le lien entre VIH et maladies non transmissible continue à faire l’objet de nombreuses études. Le vieillissement des personnes vivant avec le VIH contribue certainement à l’augmentation des MNT : aujourd’hui, 24 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde ont plus de 50 ans. Mais les facteurs sont certainement multiples incluant aux côtés du vieillissement prématuré, les styles de vie et la toxicité des ARV.

    Depuis 2018, l’OMS recommande le Dolutégravir comme traitement initial contre le VIH. Or des études ont soulevé des préoccupations quant à une possible prise de poids accrue associée à cette molécule [i]. De manière générale, le gain de poids est associé à un risque augmenté de diabète et de maladies cardiovasculaires. L’insulino-résistance est par ailleurs associée à l’obésité.

    Pour répondre à ces enjeux, AcSan recommande l’intégration d’un nouveau bloc lié à la prévention des maladies cardiométaboliques aux côtés du dépistage, de la mise sous traitement et de la charge virale indétectable. L’association a présenté « PREDIA », un programme de prise en charge globale des maladies cardiométaboliques. Ce projet, qui n’est pas spécifique aux personnes vivant avec le VIH, propose un test urinaire qui dépiste la résistance à l’insuline. Il permet ensuite de proposer, en fonction des résultats, soit une prise en charge ou une prévention adaptée passant par un suivi santé, nutritionnel, de l’activité physique adaptée et encore un bilan bien-être. Une application a été développée en support du programme.

    En complément du programme d’ACsan, Laura Ciaffi, chercheuse à l’Inserm, est intervenue pour présenter le programme de recherche interventionnelle « et si on se bougeait un peu ? ». Mis en œuvre dans 14 associations au Cameroun et au Sénégal, ce programme propose des ateliers nutritionnels, des activités physiques et sportives, des activités ludiques et de bien-être, des activités de prévention et de surveillance des paramètres métaboliques, des dépistages des troubles fonctionnels ou encore de la kinésithérapie avec auto-soins.

    Ce faisant, le programme cherche à évaluer non seulement les effets de ces nouvelles propositions mais aussi les résistances au changement d’habitudes entre la clinique et la communauté.

    Les deux initiatives présentées dans le cadre de ce symposium matinal donnent des perspectives à la fois intéressantes et certainement coût efficaces pour améliorer la santé des personnes vivant avec le VIH.

    EH

    Notes et références :

    [i] Essai ANRS 12313 -Namsal, Perrineau et al.

  • Au deuxième jour de la 12ème édition de l’AFRAVIH, la session parallèle 2, Santé publique et sciences sociales 1, se penche sur l’engagement communautaire dans la réponse à l’épidémie de VIH. Cette session est l’occasion de souligner le travail, titanesque et souvent ignoré, des OBC, les organisations de base communautaire, en Afrique de l’Ouest.

    La session revient en particulier sur le projet CASCADES, financé par Expertise France, mené au Mali par l’association ARCAD Santé PLUS. Dans ce cadre, l’organisation qui offre différents services de prévention, de dépistage, de prise en charge et d’accompagnement des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), a conduit une enquête visant à évaluer le rôle des agents de santé communautaire (ASC) et des pairs éducateur.trices dans l’engagement des PVVIH dans les soins au Mali.

    Pour rappel, le Mali compte 106 000 personnes vivant avec le VIH et seulement 50 % des PVVIH bénéficient d’un traitement antirétroviral [i]. Dans le pays, la riposte contre le VIH butte en particulier sur des barrières culturelles et religieuses qui tendent à fortement stigmatiser les PVVIH.

    Pour contourner ces barrières, le rôle des OBC est primordiale. A l’appui de ce constat, les résultats de l’étude [ii] viennent documenter l’apport fondamental, en complément du système de santé public malien, des organisations communautaires. Un apport qui porte notamment sur la qualité des relations entre les patients et les soignants. Basée sur le respect, l’approche non-morale et l’absence de jugement, ces relations constituent une composante majeure de l’engagement dans les soins.

    « Ce ne sont plus nos soignant, c’est nos proches tellement nous nous sommes familiarisés jusqu’à ce que nous sommes devenus comme des frères. Maintenant, nous sommes des amis : ce n’est plus le canal patient-soignant », précise ainsi une des personnes enquêtées.

    Autre composante de maintien dans les soins, le soutien apporté par les pairs éducateur.trices. L’étude vient souligner leur rôle essentiel auprès des PVVIH prises en charge dans les OBC au Mali, en particulier sur le plan psychologique, lors des partages en groupe de soutien.

    Dans les OBC, la crainte du stigma s’efface, l’expérience d’un vécu commun s’impose. « Lorsque nous venons au centre, le fait que nous soyons malades et que nous nous réunissions pour parler est un grand soulagement. Les discussions que nous avons ici […], nous ne pouvons pas les faire autant à la maison » indique une autre personne enquêtée.

    Par ailleurs, la « facilitation » opérée par les pair éducateur.trices est particulièrement appréciée des patients au sein des OBC. Trait d’union entre la structure de soins et les PVVIH, les pairs-éducateur.trices, prennent par exemple le temps d’appeler les usager.ères des centres pour leur rappeler leurs rendez-vous ou, en cas d’empêchement, se déplacent chez les usager.ères pour leur livrer leurs traitements. De quoi renforcer la continuité de la dispensation des ARV et la bonne observance des rendez-vous médicaux.

    NG

    Notes et références :

    [i] Chiffres issus des données publiés par l’ONUSIDA en 2023.

    [ii] L’enquête qualitative (focus groupes et entretiens) s’est déroulée entre avril et juillet 2022 auprès de 60 PVVIH (20 entretiens individuels, 40 personnes dans les focus groupes). 50 % des personnes interrogées appartenaient aux populations clés (HSH, TDS, UDI et personnes trans).

  • Au deuxième jour la Conférence AFRAVIH 2024, la session 6, Antirétroviraux : prévention et traitements, s’est en particulier intéressée aux perceptions, à l’appropriation et à l’usage de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) chez les populations clés, les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) et les travailleuses du sexe (TDS) en particulier.

    Basée sur l’administration d’ARV (le Truvada® et ses génériques) à des personnes séronégatives fortement exposées au VIH, la PrEP réduit jusqu’à 90 % le risque de transmission du VIH si elle est prise correctement, notamment chez les HSH. Prise tous les jours, ou à la demande [i], la PrEP nécessite un suivi médical régulier.

    Bien qu’efficace, la PrEP reste aujourd’hui trop peu accessible, trop peu diffusée, notamment dans les pays du Sud, et, dans ces pays, souvent en butte à des représentation négatives de la part des personnes qui pourraient en bénéficier. Pourtant, sa plus large diffusion y serait bienvenue pour réduire le nombre de nouvelles contaminations parmi les populations clés.

    L’étude conduite dans le cadre du projet Princesse (ANRS 12381), dont quelques résultats ont été présentés lors de la session par Valentine Becquet, chargée de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED), montre ainsi à quel point l’usage de la PrEP reste encore limité au sein de la population des TDS en Côte d’Ivoire.

    Le projet Princesse, mené entre novembre 2019 et juin 2023, a proposé une offre élargie en santé sexuelle et reproductive, incluant la PrEP orale, au sein d’une cohorte de travailleuses du sexe âgées de plus de 18 ans dans la région de San Pedro en Côte d’Ivoire. Si de nombreuses TDS reconnaissaient l’effet protecteur de la PrEP et témoignaient d’un fort intérêt pour l’initier (n=398, à plus de 96 %) seulement 169 (42 %) l’ont effectivement initiée.

    L’arrêt après l’initiation était fréquemment reporté par les TS. Parmi les 169 l’ayant initié, 60 (36%) ont réalisé leur première visite de suivi, dont 16 (27%) ayant signalé avoir arrêté la PrEP. Parmi ces dernières, 4 (25%) ont déclaré ne plus être intéressées.

    Au final, la PrEP per os au quotidien ne semble pas être une solution de prévention particulièrement adaptée à ce public. En cause ? Les effets secondaires, la difficulté à prendre un traitement quotidien, les périodes de mobilité avec arrêt du travail du sexe ou les craintes liées aux potentielles causes sur la santé des médicaments ARV.

    Pour que la PrEP soit mieux acceptée par la population des TDS, une population souvent très mobile, Valentine Becquet appelle les autorités sanitaires à simplifier et faciliter le suivi de la PrEP ainsi que son mode d’administration en favorisant l’accès aux ARV à longue durée d’action.

    Dans la même session, une étude camerounaise est venue apporter un éclairage complémentaire sur l’intérêt que pouvaient porter à la PrEP les populations clés. Menée par la division de la recherche opérationnelle en Santé (DROS), la recherche ciblait spécifiquement des adolescents et des jeunes hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les travailleuses du sexe [ii].

    Consacrée au niveau et aux facteurs d’acceptabilité de la PrEP, cette enquête souligne le haut niveau d’acceptation du dispositif de prévention (76,4 % des personnes interrogées) auprès des jeunes HSH et des TDS [i]. Parmi les facteurs de variabilité présentés, la probabilité d’acceptation de la PrEP était augmentée par le fait d’habiter à Yaoundé et diminuée par le fait de n’avoir pas été scolarisé.

    Au Cameroun, le Plan stratégique national de lutte contre le VIH (PSN) 2018-2022 prescrivait une phase d’intervention pilote de mise en œuvre de la PrEP auprès des populations clés. Son implémentation dans les Organisations de base communautaires (OBC) est effective depuis 2019. Malgré tout, la connaissance du dispositif de prévention du VIH parmi les HSH et des TDS reste encore limité.

    NG

    Notes et références :

    [i] Un traitement « à la demande » – avec la prise de quatre comprimés de Truvada® ou de son générique avant et après un rapport sexuel à risque (2 comprimés entre 24h et 2h précédant l’acte sexuel, puis 1 comprimé 24h et un autre 48h après la première prise) – n’est pas applicable, pour des raisons physiologiques, aux femmes qui souhaiteraient prendre la PrEP.

    [ii] L’étude transversale par entretiens individuels (structurés par un questionnaire) s’est tenu de juillet 2022 à septembre 2023 auprès de 393 participant.es recruté.es dans les OBC HSH et TS à Douala, Yaoundé, Bafoussam, Bertoua et Bamenda.

  • C’est une histoire ancienne. Depuis l’apparition de l’épidémie, l’infection à VIH et la prise de traitements antirétroviraux (ARV) ont toujours été associés avec des perturbations de la masse graisseuse des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). La cachexie associée aux stages avancés de l’infection ou les lipodystrophies touchant les PVVIH traitées avec les premières lignes d’ARV restent encore dans les mémoires, façonnant toujours l’imaginaire collectif.

    En regard, longtemps peu ou pas étudiée, la prise de poids des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ne semblait pas préoccuper les médecins et les chercheurs. Pourquoi ? Comme l’expliquait Jennifer Gorwood, médecin et chercheuse sur les tissus adipeux, à Transversal : « Progressivement, depuis qu’a été trouvée une solution thérapeutique viable, les médecins se sont moins inquiétés du virus en soi, que de la manière de bien vivre avec. Nécessairement, on s’est de plus en plus intéressé aux comorbidités qui affectent les PVVIH, notamment celles qui vieillissent : la prise de poids, et ses conséquences sur la santé, en est une ».

    Depuis quelques années, les recherches s’intensifient sur les conséquences métaboliques, lié à la prise d’ARV. En ce sens, la session parallèle 11 de l’AFRAVIH 2024, « VIH et thérapeutique 2 » portait spécifiquement sur comorbidités liées à la prise d’ARV, la prise morbide de poids en particulier.

    Comme le précisait encore à Transversal Jennifer Gorwood, « toutes les études menées sur le sujet montrent que les traitements antirétroviraux favorisent une prise de poids, il peut s’agir, en premier lieu, d’un phénomène normal, lié au ‘retour à la santé’ du patient traité tardivement. Néanmoins, cette prise de poids s’observe chez tous les patients, même ceux qui sont traités tôt. »

    Dans son intervention, médecin épidémiologiste et conseillère de l’ANRS|MIE au Cameroun, confirme les propos de la chercheuse. Elle souligne néanmoins qu’un « nombre croissant d’études rapportent que certaines des nouvelles combinaisons antirétrovirales sont associées à une augmentation excessive de la masse corporelle exposant au surpoids voire à l’obésité ».

    Parce qu’elles sont souvent prises en combinaison, les chercheurs ont tâtonné avant d’identifier précisément les molécules qui présentent un « effet majorant » sur la prise de masse. Elles sont aujourd’hui, à suivre les données récentes issues de la littérature scientifique, mieux connues : les inhibiteurs de l’intégrase, le dolutégravir (DTG) et le bictégravir (BIC) en particulier, et certains inhibiteurs de la transcriptase inverse, le tenofovir alafenamide (TAF) contribuerait à une prise excessive de poids.

    Outre les molécules citées, l’épidémiologiste liste au cours de sa présentation d’autres facteurs de risques de gain de poids. En s’appuyant sur les résultats des études NAMSAL et ADVANCE, elle indique que l’évolution vers l’obésité des PVVIH sous ARV, notamment sous DTG et TAF, tient à la fois à des facteurs démographiques qu’à des facteurs liés au stade d’infection avant la mise sous traitement.

    Ainsi, les femmes – en particulier les femmes afro-caribéennes – sont tout particulièrement concernées ainsi que les personnes présentant un indice de masse corporel faible, le mécanisme de la prise de masse s’apparentant dans ce cas au mécanisme de la « compensation de la famine ». Sont également particulièrement touchées les personnes présentant, avant l’initiation de traitement, à une charge virale élevée couplée à un taux de CD4 faible (<100 C/µL).

    « Les femmes sont plus susceptibles que les hommes, pour des raisons qui tiennent à leur physiologie, de prendre du poids, explique ainsi Jennifer Gorwood. Il en va de même pour les patients qui n’avaient jamais pris d’antirétroviraux, lorsque leur taux de CD4 est très bas au moment de leur prise en charge. Par ailleurs, certaines circonstances viendront favoriser une prise de poids : la mise sous inhibiteurs de l’intégrase chez les patients naïfs de traitements, d’origine afro-caribéenne notamment, ou, pour les patients déjà traités, lors d’un switch [i] intégrant des inhibiteurs de l’intégrase »

    Rien d’automatique cependant dans ce glissement vers l’obésité. Mireille Mpoudi Etame précise que le prise de poids restait « mutifactorielle », certains facteurs n’étant pas encore élucidés. Elle souligne par ailleurs que le mode de vie, la diète adoptée en particulier, pourrait contribuer à la prise de poids des PVVIH.

    NG

    Notes et références :

    [i] Changement de traitement.

  • Au troisième jours la conférence AFRAVIH 2024, Sidaction organisait un symposium avec pour thème « Vieillir avec le VIH ». En réponse aux besoins croissant des personnes qui vieillissent avec le VIH, le bailleur souhaitait souligner la nécessité de développer une approche intégrée et communautaire. Notre compte-rendu.

    Ils arborent fièrement leurs T-shirts aux couleurs de Sidaction. Massé.es dans la salle de réunion E du Palais des congrès de Yaoundé, les collaborateur.trices et partenaires de l’association viennent assister, comme beaucoup d’autres participant.es du congrès, au symposium que le bailleur organise au troisième jour de l’AFRAVIH 2024. Son thème ? Vieillir avec le VIH.

    « Le sujet n’est pas une découverte pour Sidaction, explique Sandrine Fournier, directrice du pôle Financement des associations de l’association, qui organise l’événement. Depuis 2018, nous avons monté un groupe de travail consacré à ce sujet en France et, dans ce cadre, nous organisons tous les deux ans des journées de mutualisation regroupant soignant.es et acteur.trices de la lutte contre le VIH. »

    « De plus de plus de personnes vivant avec le VIH sont mise sous traitement en Afrique, poursuit-elle. C’est une bonne nouvelle, puisque cela signifie qu’elles vieillisent avec le VIH. En revanche, cela soulève des questions en matière d’accompagnement et de prise en charge médicale dans un contexte où la prise en soin des comorbidités est peu accessible. Lors de notre dernière journée, au cours des échanges avec nos partenaires et en particulier avec une partenaire venant du Burkina-Faso, il nous est apparu important de sensibiliser les associatifs communautaires et les cliniciens africains sur les ces problématiques, l’objectif du symposium étant de créer du lien entre ces différents acteurs ».

    L’installation de l’AFRAVIH 2024, la grande conférence internationale Francophone sur le VIH, au Cameroun lui en a donné l’occasion. Animée par Christine Kafando, présidente de l’association Espoir pour demain et militante de la lutte contre le VIH au Burkina, le symposium réunissait à la tribune les chercheur.euses Patrick Coffie, Pierre de Beaudrap, Laure Ciaffi et les acteur.trices associatif.ves Madjiguene Gueye, présidente de l’association ABOYA au Sénégal, Dorcella Bazahica, Vice-Présidente de l’ANSS-Santé Plus au Burundi, Jean Marie Atsou Alley, Coordinateur du centre Lucia de l’association Espoir Vie au Togo, ainsi que Mame Birmane Faye, président du Conseil National des Ainés du Sénégal.

    Comme le souligne Patrick Coffie, médecin épidémiologiste au Programme PAC-CI en Côte d’Ivoire, lors de la première présentation du symposium, le vieillissement des PVVIH s’impose comme un enjeu crucial à considérer dans la lutte contre le VIH. Il indique qu’il faut s’attendre, à l’horizon 2040, à une augmentation de 190 % du nombre PVVIH de plus de 50 ans en Afrique Sub-Saharienne (à 9,1 millions). S’il s’agit d’un phénomène global, touchant aussi bien les pays occidentaux que les pays du Sud, il précise néanmoins que 80 % PVVIH de plus de 50 ans vivent dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires.

    De son côté, Pierre De Beaudrap, chargé de recherche au Ceped (Centre Populations & Développement), pointe au cours du symposium les spécificités multiples du vieillissement avec le VIH. Un constat : les comorbidités et la perte de mobilité liées à l’âge sont accentuées par le virus et ses traitements. Comme le soulignait récemment un article de Transversal, le VIH affecte également plus lourdement, par rapport à la population générale, la capacité des personnes séropositives à mener une vie sociale active. En cause, le stigma qui touche l’infection à VIH amenant plus facilement les personnes vivant avec le VIH à s’isoler, ce qui peut conduire à une diminution de leur estime de soi et de leur confiance en elles. En somme, conclut le chercheur, ces différents éléments empêchent, plus que d’autres, les personnes vieillissant avec le VIH « d’atteindre leur pleine capacité ».

    Vieillir avec le VIH, la réponse communautaire

    La croissance exponentielle des personnes âgées qui vivent avec le VIH (PAVVIH) interroge sur les modalités de leur prise en charge par les systèmes de santé et les contours de leur accompagnement en Afrique de l’Ouest et du Centre, où l’accès et la rétention dans soins demeure un problème. Pour ce faire, Patrick Coffie appelle alors, au cours du symposium, les autorités sanitaires de la sous-région à « mettre en place des politiques et des pratiques pour répondre aux besoins complexes de ce groupe vulnérable ».

    Cette volonté est partagée par la Laura Ciaffi, médecin spécialiste du VIH et coordinatrice internationale du programme VIHeillir qui a pour but d’améliorer le quotidien des patients de plus de 50 ans traités de longue date pour une infection par le VIH et qui font désormais face à des maladies chroniques liées au vieillissement. Dans le cadre de ce programme, mis en place dans différents centres pilotes du Cameroun et du Sénégal, le suivi du VIH est couplé avec le dépistage, le diagnostic et la prise en charge de cinq comorbidités prioritaires (le diabète et l’hypertension notamment) durant les visites de routine.

    Opposée à une approche verticale, uniquement focalisée sur le VIH, Laura Ciaffi plaide pour l’intégration des soins, une démarche qui place le patient au centre mais implique un changement de mentalité des soignants. Elle pointe ainsi, au cours de son intervention, les obstacles rencontrés avec les équipes médicales. Dans son viseur, les difficultés à accepter la simplification et l’approche de « santé publique », notamment dans les hôpitaux des provinces sénégalaises et camerounaises, mais également, faute de sensibilisation, le manque d’engagement des équipes en matière de dépistages et de traitements des comorbidités des PAVVIH.

    Pour fluidifier les rapports avec les soignants et faciliter la vie des PAVVIH, le programme « VIHeillir » a tenté une expérience inédite en Afrique : créer des liens entre des associations communautaires – des associations de patients atteints du VIH mais aussi de diabète, d’hypertension ou d’hépatites – qui auront la charge de la prévention, de certains dépistages et du suivi des comorbidités. Référencées par les médecins des centres inclus dans le programme, les PAVVIH sont intégrées aux activités proposées par l’association communautaire la plus proche de leur domicile.

    Madjiguene Gueye, responsable mobilisation communautaire de VIHeillir Sénégal, insiste sur le rôle pivot en termes de prévention des comorbidités et d’accompagnement des PAVVIH de ses associations. « Elles assurent des séances d’éducation thérapeutique, des séances d’éducation nutritionnelle, des visites à domicile, la dispensation communautaire des ARV et les activités de bien-être » précise-t-elle lors de son intervention au symposium.

    Pour prévenir certaines comorbidités, les associations incluses dans le programme VIHeillir proposent en particulier des activités sportives. Une approche, semble-t-il, sanctionnée par les résultats de l’étude VIRAGE, dont les résultats ont été présentés au début du symposium par Patrick Coffie. Efficace contre l’apparition de nouvelles comorbidités, l’activité sportive permet de maintenir ses capacités physiques et pourrait influer positivement sur la santé mentale et le niveau de participation sociale.

    Les communautaires, en première ligne pour plaider la cause des PAVVIH

    Au sein du programme VIHeillir, les associations communautaires se font également relais de plaidoyer en faveur des PAVVIH et des personnes âgées. Fer de lance de ce combat, Mame Birmane Faye ne cesse d’appuyer la cause des aînés. Et ceux vivant avec le VIH en particulier, militant contre les préjugés et toute forme de stigmatisation, auprès des imams de son pays notamment.

    « Le vieillissement commence quand on est dans le ventre de sa mère ! », s’amuse-t-il lorsqu’il prend la parole. S’adressant aux acteurs de lutte présents dans la salle, il précise : « Il y a effectivement une révolution du vieillissement qui est là. Le passage du regard déficitaire au regard capacitaire des ainés doit constituer pour nous le socle de toutes nos actions sociales, de toutes les actions communautaires pour offrir à nos populations une chance d’amélioration de notre existence ».

    « L’avancée en âge a toujours été un problème de santé publique dans les sociétés humaines […], poursuit-t-il, mais nul ne saurait occulter l’explosion des pathologies chroniques que sont le diabète, l’hypertension, l’hépatite, le cancer, et au centre de tout cela le VIH. D’où la nécessité de prendre des mesures d’assistance, de prévention et d’accompagnement des personnes âgées. »

    NG

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